Le mouvement U Gulmu-Fi a vu le jour en 2021 compte tenu des préoccupations qui prévalaient au niveau de la région de l’Est. Préoccupations de la situation sécuritaire très dégradée dans la région mais préoccupations également autour du réseau routier où on ne dira pas que la dégradation est avancée mais une dégradation quasi achevée du réseau routier. C’est autour de ces questions que s’est déroulé l’entretien entre www.minute.bf et le Coordonnateur et porte-parole du Mouvement U Gulmu-Fi, Emmanuel Ouoba, une semaine après la chute du régime Kaboré et l’avènement du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR).
Minute.bf : Qu’est-ce qui a prévalu à la création du Mouvement U Gulmu-Fi?
Emmanuel Ouoba: Au delà de la question sécuritaire et de la question du réseau routier, il y a aussi des soucis au niveau de la santé, soucis marqués par le fait que les centres médicaux de la région sont tout à fait dépourvus. Au-delà des centres médicaux, au niveau du chef-lieu de la région qui est Fada N’Gourma, le centre hospitalier régional qui est le centre de référence de la région connait assez de difficultés. Des difficultés marquées par la vétusté de l’infrastructure qui date des années 70 et également la capacité d’accueil qui est aujourd’hui dépassée. Il n’y a pas que ça seulement : il y a que cette infrastructure dépassée n’a même pas suffisamment de ressources humaines pour pouvoir offrir des soins de qualité au niveau des populations de la région. C’était le troisième axe du mouvement U Gulmu-Fi mais il y a un dernier qui est celui de la gestion des ressources naturelles sur place.
Je fais particulièrement allusion au phosphate de Kotchari dans la province de la Tapoa. Dans cette localité il y a un gisement qui est exploité depuis des décennies mais malheureusement une exploitation vraiment sommaire où ces minerais de phosphate sont juste concassés et pas plus. Nous pensons qu’on peut vraiment exploiter, encore plus bénéfique, en mettant en place un complexe d’extraction et de transformation. Une chose qui va permettre qu’il y ait de l’emploi pour les riverains mais qu’au-delà des riverains on puisse accompagner les producteurs burkinabè dans leur agriculture avec de l’engrais fait chez nous et dont certainement le coût sera moindre. Voilà résumé les quatre grands axes autour desquels s’est constitué le mouvement U Gulmu-Fi.
Minute.bf: Comment le Mouvement U Gulmu-Fi perçoit le changement de régime intervenu dans le pays ?
Emmanuel Ouoba: Je crois que le changement de régime comme vous le dites, le coup d’Etat intervenu le 24 janvier dernier, n’aura surpris personne au regard des détresses des populations. Détresses liées à la question sécuritaire qui était et reste jusqu’à présent préoccupante et aussi au-delà de la question sécuritaire. Il y a aussi les aspirations des populations au développement. Aspirations qui ont amené les populations un peu partout que ce soit à l’est, l’ouest, le sahel et le centre-nord y compris ici même à Ouagadougou à organiser des manifestations multiformes pour interpeller le régime en place.
Malheureusement, le régime ne s’est montré en mesure de répondre de façon favorable, satisfaisante à cette interpellation et dans ces conditions, naturellement, il n’est pas étonnant qu’il y ait eu changement de régime. Que ce fut par la rue ou par autre voie comme le coup d’Etat, dans ces conditions, il fallait s’attendre à ce qu’il y ait un changement de régime. Nous pensons que dans ce contexte maintenant avec cette prise de pouvoir par le MPSR, les nouvelles autorités vont effectivement travailler à satisfaire ces attentes des populations qui les avaient mises dans la rue.
Minute.bf: Quelles sont les attentes du mouvement U Gulmu-Fi vis-à-vis des nouvelles autorités ?
Emmanuel Ouoba: La chose immédiate sur laquelle les gens attendent beaucoup du nouveau régime bien-sûr, c’est la question sécuritaire. Qu’il ait vraiment une nette amélioration à ce niveau. Aujourd’hui, la région de l’Est après celle du centre-nord et du sahel, est celle qui compte le plus de déplacés internes; même s’il n’y pas de camps de réfugiés ou de camps de déplacés sur place, il y a quand même un grand nombre de déplacés internes au niveau de la région. Donc il est attendu que les nouvelles autorités puissent œuvrer à ce qu’effectivement la quiétude revienne et les populations puissent retourner à leur domicile habituel pour pouvoir vaquer tranquillement à leur occupation. C’est vraiment une attente qui est très forte à l’égard du nouveau régime. Mais au-delà de la question sécuritaire, comme je le disais tantôt, nous avons une plateforme qui ne se limite pas qu’à la sécurité où il y a les questions de route et de santé aussi qui sont pressantes parce que c’est de ça qu’il s’agit aussi. Aujourd’hui, quand vous prenez la route de l’est pour venir vers le centre, la souffrance est grande et vous n’êtes jamais sûrs que ça va bien se terminer. Donc, là aussi, c’est une forme d’insécurité qui est là et voilà pourquoi il urge que les nouvelles autorités puissent apporter une réponse à ce niveau. Là, je voulais m’appesantir sur le cas spécifique de la RN 4 par rapport à laquelle les fonds ont été acquis depuis plusieurs années et depuis septembre 2020, il y a eu une cérémonie de lancement de chantier pour la RN4 notamment à son tronçon Gounghuin – Fada N’Gourma. Malheureusement, depuis ce lancement il n’y a rien de concret sur cette voie. Ce qui fait que le contrat a été rompu entre l’Etat burkinabè et l’entreprise qui était chargée de la construction de cette voie. Le contrat est rompu certes, mais nous pensons que les fonds ne sont pas dissipés et que de ce fait, les nouvelles autorités vont prendre les dispositions les plus idoines pour que ce chantier puisse se réaliser dans le meilleur délai.
Il y a aussi la question au niveau de la santé. Aujourd’hui, l’hôpital de Fada est dépassé, donc il importe que là aussi une réponse appropriée soit apportée. Il y a un certain chantier entamé au sein du CHR depuis bientôt trois ans et qui de façon mystérieuse a été abandonné. Avec la naissance du mouvement et ses interpellations, les travaux ont fait semblant de reprendre après la visite du ministre de la santé mais jusqu’à présent ça reste toujours compliqué.
Nous voulons espérer que les nouvelles autorités prennent des dispositions pour que ce chantier qualifié d’irresponsable par le ministre de la santé lui-même puisse enfin aller à son terme parce que venir dans un hôpital, creuser des fondations et les abandonner ainsi, ça devient un élevage de moustiques en plein air donc une source de danger aussi bien pour les travailleurs de l’hôpital que pour ceux qui viennent s’y soigner. Il y a vraiment urgence que la question soit réglée.
Aujourd’hui, la situation est telle que par rapport à l’hôpital et la route vous avez des malades au niveau de la région de l’est qui sont condamnés à rester et à mourir sur place parce qu’on ne peut pas envisager une évacuation alors que leur état nécessite une évacuation vers Ouagadougou. Mais la route est tellement dégradée que c’est peine perdue de tenter une évacuation de ces malades. C’est de dire qu’ils sont finalement condamnés à rester et attendre tranquillement que le mal dise son dernier mot par la mort. Ce sont des questions pressentes et nous espérons que les nouvelles autorités ne vont pas occulter cela quand bien même la question sécuritaire est importante. Nous espérons qu’au-delà de la sécurité, ces aspects pressants seront pris en compte pour le bonheur des populations.
Minute.bf : Quelle est votre lecture par rapport aux sorties de certaines OSC pour soutenir le nouveau pouvoir en place ?
Emmanuel Ouoba: C’est vrai, nous sommes nous-mêmes confrontés à ce problème avec des militants qui nous appellent à organiser une manifestation de soutien vis-à-vis du nouveau régime mais il faut bien qu’on puisse se comprendre à ce niveau. Un tel travail, soutenir un régime est l’apanage des partis politiques. Nous en tant que mouvement de la société civile nous pensons très bien que cela n’est pas de notre rôle. Notre rôle n’est ni de combattre un régime, notre rôle n’est pas d’entraver les actions d’un régime, notre rôle n’est pas non plus de faire l’apologie d’un régime. Nous pensons qu’en tant que mouvement de la société civile, U Gulmu-FI doit pouvoir se tenir à équidistance des différents régimes et rester dans son rôle d’interpellation citoyenne tout simplement. Ne pas organiser une manifestation de soutien ne veut pas dire que nous sommes contre les nouvelles autorités. En même temps aussi, nous ne sommes pas dans notre rôle si on venait à organiser une telle manifestation. Voilà ce qu’explique notre attitude aujourd’hui par rapport à ces manifestations qui s’organisent partout soit – disant pour soutenir les nouvelles autorités. Nous pensons que les meilleurs accompagnements que nous puissions apporter à ces nouvelles autorités c’est de pouvoir faire le travail d’interpellation par rapport aux éventuels manquements qui viendraient à être constatés dans leur gouvernance.
Minute.bf: Un mot pour clore l’entretien?
Emmanuel Ouoba: Ce que l’on voudrait dire pour terminer cet entretien, c’est tout d’abord féliciter www.minute.bf pour tout le travail accompli chaque jour par vos services. Nous pensons que dans un Etat de droit, c’est très important le travail qu’accomplit la presse au quotidien et on sait que les conditions ne sont pas toujours faciles mais c’est avec beaucoup de volonté et de ténacité que la presse arrive à faire ce travail. Voilà pourquoi nous pensons qu’elle mérite des félicitations. Je voudrais aussi vous dire merci pour cette opportunité que vous nous offrez pour pouvoir exprimer les préoccupations qui sont les nôtres à l’heure actuelle mais espérer que la situation puisse évoluer de façon positive au grand bonheur des Burkinabè de l’intérieur des villes comme des compagnes.
www.minute.bf
Respect et considération et bon courage a toute la nouvelle génération consciente ougulmu n fi soyez bénis abondament