Plus de cinq mois après la tenue du procès de l’assassinat Dabo Boukary, le général Gilbert Diendéré qui a écopé de 20 ans de prison et d’une amende de 1 million dans cette affaire, a assigné en justice le Colonel à la retraite Louis Joanny Yaméogo pour des faits de « dénonciation calomnieuse, de faux témoignage, de faux serment avec l’intention de nuire à l’intégrité d’autrui ». Il lui reproche d’avoir fait des « faux témoignages et un faux serment » lors de sa déposition devant la chambre criminelle de la cour d’appel, le 20 septembre 2022, avec pour objectif de le faire condamner par les juges.
A la barre, le Colonel Louis Johanny Yaméogo ne reconnaît pas les faits à lui reprochés. Il maintient les déclarations qu’il a faites lors du procès Dabo Boukary, en affirmant avoir effectivement été informé par son chauffeur, (un certain adjudant Bernard Kaboré, ndlr), de ce que le général Gilbert Diendéré lui a dit d’aller inhumer le corps du Professeur Guillaume Cessouma. « Moi, j’ai dit au juge ce que mon chauffeur est venu me dire. C’est ce que j’ai rapporté au Tribunal », a-t-il maintenu.
Prenant la parole, l’avocat de Gilbert Diendéré, s’est attardé sur la constitution des faits de « faux témoignages » reprochés au Colonel à la retraite. Tout d’abord, a-t-il dit, « les versions livrées par Louis Johanny Yaméogo devant la juridiction de la chambre criminelle de la cour d’appel de Ouagadougou et ceux de ce matin ne concordent pas ». Au TGI Ouaga II, il avait, selon l’avocat, déclaré que son chauffeur s’était absenté et que c’est à son retour qu’il lui a confié que c’est le général Gilbert Diendéré qui l’avait envoyé enterrer le corps du Pr Guillaume Cessouma. Et ce matin, devant le juge du TGI Ouagadougou, il rectifie en disant que c’etait plutôt son ancien chauffeur nommé Bernard Kaboré, qui est venu à l’époque lui rendre compte de cela, et non son chauffeur qui était en exercice.
La défense a, par la suite, demandé à savoir exactement la raison pour laquelle Louis Johanny Yaméogo est revenu lors du procès Dabo Boukary, sur l’affaire du Pr Guillaume Cessouma, une affaire qui n’avait rien à voir avec celle de Dabo Boukary. Pour lui, cette façon de faire de Louis Joanny Yaméogo a été motivée par une certaine volonté de porter préjudice à Gilbert Diendéré. A cette question, le Colonel Louis Johanny Yaméogo de répondre qu’il était en son temps le chef d’état-major général des armées et que lorsqu’il a été invité à rendre témoignage dans le cadre du procès Dabo Boukary, il ne pouvait pas ne pas expliquer l’atmosphère qui régnait quand il était encore à la tête de l’armée. « J’ai dit au procès Dabo Boukary que quand j’étais encore chef d’état-major, j’ai à plusieurs reprises interpellé le général Diendéré sur le comportement de certains éléments de l’unité qu’il commandait. Et je ne pouvais pas ne pas revenir sur ma déposition, sur les faits que j’ai observés, puisque tout est lié », s’est-il defendu. Pour lui, il fallait qu’il explique tout le passif du Centre National d’entraînement Commando (CNEC) en vue d’apporter tous les éclaircissements possibles à la cour pour qu’elle puisse apprécier. C’est pourquoi, il dit être revenu lors du procès sur l’ensemble des « tristes faits » qui ont émaillé l’unité que commandait le général Gilbert Diendéré.
Sur les faits de trafic de faux billets dont il a accusé le général Diendéré lors du procès Dabo Boukary et qui font qu’il est poursuivi pour « dénonciation calomnieuse » ce matin, le Colonel à la retraite indique que c’est son chef du service renseignement, (un certain Sérémé, ndlr), qui les lui a rapportés. Ce dernier lui aurait rapporté que ces pratiques étaient courantes au sein du CNEC et que le général Gilbert Diendéré était informé de cela.
« Ah! Donc vous-même n’avez pas vu le général faire du trafic de faux billets, c’est ça ? Et vous avez quand même dit au juge que le général est impliqué dans du trafic de monnaie ? Dans quel intérêt ? », s’exclame la défense.
Le prévenu a répondu en disant qu’il a voulu donner au juge une vue globale de la situation du CNEC en son temps et que l’affaire du trafic de faux billets qu’il a évoqué, est une pratique qui se faisait au sein du CNEC que commandait le général Gilbert Diendéré. Pour lui, ce qui se faisait au sein de cette unité, impliquait directement le général Diendéré. C’est donc la raison pour laquelle il a fait cas de cela lors du procès Dabo Boukary.
Prenant la parole, le procureur est, quant à lui, revenu sur les raisons même de la poursuite engagée par le général Gilbert Diendéré. « M. Louis Johanny Yaméogo comparaissait en tant que qui quand il parlait devant la chambre criminelle ? », a-t-il questionné la partie poursuivante. Au général Gilbert Diendéré de répondre en disant qu’il comparaissait en tant que témoin. Le Procureur : « quelle question a été précisément posée à M. Johanny et qui a emmené qu’il réponde par ces déclarations ? ». A cette dernière question, le général Gilbert Diendéré répondra : « On lui a juste demandé qu’est ce que vous savez de l’assassinat de Dabo Boukary ? Et lui, il est reparti jusqu’en 1982 pour ramener l’affaire Guillaume Cessouma qui n’avait aucun lien avec le procès Dabo Boukary ». Du point de vue de Gilbert Diendéré, le Colonel Louis Johanny Yaméogo a voulu ternir son image aux yeux des juges de la chambre criminelle de la cour d’appel, afin qu’ils lui infligent une lourde peine. « Il voulait mettre dans la tête du Tribunal que ce monsieur qui est arrêté-là, puisque c’est comme ça qu’il m’a appelé, est vraiment mauvais. Il voulait juste mettre dans leur tête que je suis mauvais », a-t-il lancé.
Son avocat d’appuyer en disant que le colonel Louis Johanny Yaméogo a fait des « affirmations gratuites » dans l’objectif d’inculper le général Gilbert Diendéré. Il va plus loin en ajoutant que c’est même le témoignage du Colonel Louis Johanny Yaméogo qui a valu la condamnation à 20 années de prison ferme à son client Diendéré Gilbert. Sur ce dernier point, il a insisté pour que le tribunal jette un regard sur l’arrêt de condamnation rendu par la chambre criminelle de la cour d’appel de Ouagadougou à l’issue du procès Dabo Boukary en date du 21 septembre 2022. Mais l’arrêt n’était pas à la disposition du Tribunal.
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Cette pièce manquant, le dossier a été renvoyé au 28 fevrier 2023 à la demande de la défense qui dit vouloir que le tribunal ait à sa disposition tous les éléments du dossier pour apprécier.
Oumarou KONATE
Minute.bf