Dji Marc Koussoubé, journaliste à la RTB/Radio rurale, est le promoteur du Festival International des instruments et danses traditionnelles à Ouagadougou (FITO). C’est un festival qui valorise la culture burkinabè à travers la mise en exergue des différents instruments de musique et surtout, des danses traditionnelles. Dans cette interview accordée à Minute.bf, il revient sur le bilan des deux dernières éditions, et nous projette sur la 3e édition qui se tiendra en mai 2025, avec plusieurs innovations.
Minute.bf : Parlez-nous du FITO. Quels sont ses objectifs et ses ambitions ? Quel bilan établissez vous des deux éditions passées ?
La réponse dans cette vidéo ⬇️
Minute.bf : Comment préparez-vous la troisième édition du FITO?
Après la cérémonie de clôture de la deuxième édition, les préparatifs de la troisième édition étaient déjà lancés. Il est vrai que nous sommes en train de travailler dans le silence sans communiquer. Mais, déjà, c’est la prospection des partenaires et des personnes ressources qui vont encore accompagner cette initiative en 2025. Je profite en même temps pour vous dire que la date de la prochaine édition du FITO est déjà connue. La troisième édition du FITO se tiendra du 29 mai au 01 juin 2025. Nous souhaitons qu’à cette date, la paix sera dans nos familles et dans nos cœurs au Burkina Faso. Cette troisième édition se tiendra sous le thème : « Jeunesse et culture, quel repère pour notre société de demain ?». Nous sommes à la croisée des chemins et à travers ce thème, nous entendons encore faire un petit retour dans le passé pour voir comment nos grands-parents vivaient en harmonie, comment nos communautés vivaient en harmonie, surtout les jeunes.
Malheureusement, les jeunes d’aujourd’hui, nous sommes un peu en déphasage avec nos identités culturelles. La prochaine édition du FITO sera encore un moment de questionnement pour qu’ensemble nous puissions vraiment trouver des solutions meilleures et que les jeunes également participent activement à la promotion de la culture burkinabè, à la promotion du vivre ensemble et de la paix, car, sans la paix, rien ne peut être réalisé.
Minute.bf : À quelle fréquence entendez vous tenir ce festival pour les prochaines éditions ?
Nous avons choisi le mois de Mai depuis le début de cette initiative. Après, je dirais que les autorités actuelles sont venues encore choisir le mois de Mai comme une référence à travers l’adoption de la journée du 15 Mai dédiée aux coutumes et traditions. Nous sommes dans la dynamique de la promotion de la culture burkinabè et notre souhait, c’est de toujours tenir notre activité dans ce mois dédié à la culture, pour la promotion de notre identité culturelle.
Notre souhait pour le moment, c’est de pouvoir tenir le FITO chaque année parce que c’est un début et se mettre en pause serait donc se mettre dans les oubliettes. En effet, tenir l’activité annuellement permettra aux uns et aux autres de s’accrocher et de soutenir cette initiative. Nous pensons que nos objectifs seront atteints grâce aux soutiens des uns et des autres.

Minute.bf : Pour l’édition à venir, est-ce que vous avez déjà des innovations majeures qui pourront agrémenter encore plus le festival ?
Le FITO est comme un bébé ; dès sa naissance, il commence à téter, à faire des quatre pattes ; après il marche, puis il grandit. Et pour notre festival, la troisième édition, nous avons déjà quelques propositions comme innovations, notamment le choix de deux ou trois communautés comme invitées d’honneur et ce choix se fera donc en tenant compte des alliances de parenté à plaisanterie. Je ne vais pas dévoiler le choix, mais d’ici là, nous allons vous revenir pour vous donner de plus amples d’informations.
Après deux ou trois communautés qui seront à l’honneur pour cette 3e édition, nous avons encore pu introduire la journée des communautés et cette journée donnera encore un espace à ces communautés qui seront à l’honneur, de se côtoyer, de se connaître et surtout de présenter tout ce qu’elles ont à leur niveau comme savoir faire, comme art culinaire et tout ce qui est bien de leur communauté, de le partager avec les autres communautés burkinabè afin que chacun de nous puisse vraiment apprendre de l’autre. C’est comme cela que nous allons construire un Burkina meilleur.
En plus de la journée des communautés, nous aurons la soirée des contes. Qui parle de conte, parle également de l’éducation. On ne conte pas pour conter et nous pensons très bien que ce programme qui sera donc introduit va encore donner plus d’éclat à cette initiative. Nous avons également ce qu’on a appelé compétition des troupes de danses traditionnelles et des instrumentistes. Nous allons faire un choix de quelques troupes au Burkina Faso qui, vraiment, ont contribué d’une manière ou d’une autre à la promotion et à la sauvegarde de notre culture burkinabè. Et, au soir de cette troisième édition, elles seront récompensées, afin de les inviter à davantage se donner et à travailler pour la culture burkinabè, parce que sans cette culture, nous ne sommes rien.
Minute.bf : Avez-vous un appel particulier à l’endroit des autorités culturelles de notre pays ?
Je dirais des appels, parce que nous sommes dans un contexte particulier et il faut avoir également un comportement particulier. Pour la promotion de la culture, il nous faut tous savoir que sans nos identités culturelles, sans nos valeurs culturelles, tout ce que nous allons entreprendre, tout ce que nous allons faire sera voué à l’échec.
Que le Mossi sache d’où il vient et où il va. Que le Samo également sache qui il est et quelle est sa contribution dans le développement de ce pays. Et nous profitons de cette occasion pour inviter tous les Burkinabè, que tu sois Mossi, Peulh, Dagara, Gourounsi, Bissa… Que chacun de nous puisse d’abord en son sein, faire la promotion de la culture burkinabè.
On ne peut pas faire la promotion de la culture en mettant les uns et les autres de côté. C’est le moment pour nous de s’unir, de se donner la main et de regarder l’objectif principal qui est donc la promotion de la culture. En parlant de promotion de la culture, nous parlons en même temps de la paix.
Et pour les autorités, les décideurs, je dirais qu’ici, nous sommes à la croisée des chemins. Il est vrai qu’ils sont dans la dynamique de prendre des mesures fortes pour la promotion effective de la culture burkinabè; cela est bien mais je pense qu’au-delà des décisions prises, il faut poser vraiment des actes concrets allant dans le sens de la promotion de la culture, surtout la promotion des instruments et des danses traditionnelles. Si aujourd’hui on ne connaît pas trop les danses ou les instruments de musique, c’est parce que, quelque part, on ne parle pas de ces instruments. Pourquoi on ne parle pas des instruments ou des troupes de danses?
Si on vous demande tout de suite et maintenant de citer les célèbres troupes au Burkina Faso, ce n’est pas évident que vous puissiez en citer trois ou quatre. Oubien on vous demande de citer les célèbres instrumentistes au Burkina Faso, je ne pense pas que vous pourrez citer plus de trois. Pourtant, si on vous demande de citer les stars, les artistes musiciens, vous allez citer peut-être 10.
Donc, notre appel, c’est encore inviter nos autorités à accompagner effectivement les troupes de danses et les instrumentistes. Donnez-leur les moyens qu’il faut pour faire la promotion des instruments et des danses traditionnelles. Un Samo qui est en train de jouer à l’arc à bouche, il ne joue pas pour lui. Il joue pour la communauté, et mieux encore, pour le Burkina parce que nulle part ailleurs, on ne trouvera l’arc à bouche si ce n’est pas en pays san, si ce n’est pas au Burkina Faso. Ou encore, le bissa qui est entrain de danser son Djongo, vous ne trouverez pas ça à quelque part, si ce n’est qu’au Burkina. Donc, quoi de plus normal de donner les moyens nécessaires à ces troupes ou à ces instrumentistes, de faire valoir leurs compétences.
Moi, personnellement, je suis très fier, parce qu’après cette deuxième édition, le 12 novembre passé, nous avons pu assister à la dédicace d’un album purement instrumental. Et c’est la première fois qu’un musicien burkinabè enregistre un album de 9 titres composé de sons instrumentaux ; ça n’a jamais existé. C’est vraiment une fierté de voir que les instrumentistes également sont en train de venir nous aider à faire ce combat. C’est notamment l’artiste Tao le flûtiste du Sahel. Dans sa composition, vous verrez l’arc à bouche, vous verrez le kundé, vous verrez la calebasse. Je pense que ça sera une très bonne initiative pour tous les instrumentistes. Ce que les artistes musiciens font, je pense que les artistes traditionnels également peuvent avoir une composition uniquement instrumentale et c’est cela qui fera vivre notre culture.
Le second point positif suite à la deuxième édition du FITO est que d’ici là, nous allons assister à la première édition du festival de la culture Khal Tamasheq. La communauté invitée d’honneur de la deuxième édition qui se retrouve maintenant pour mettre en place son festival pour promouvoir la culture de sa communauté. Pour ne pas dire que notre objectif est atteint car nous sommes déjà très satisfait parce qu’à partir du FITO, on a également de bons retours un peu de gauche et à droite et nous saluons ces différentes initiatives. Et, nous prions le bon Dieu, qu’il daigne nous accompagner et nous assister dans nos différentes missions.

Minute.bf : quel appel avez-vous à l’endroit du peuple burkinabè ?
Un appel particulier en tant que Samo, en tant que journaliste et animateur, mon mot de tous les jours, dès que je suis devant mon micro. Mon émission c’est en langue san et cela ne me coûte pas de prononcer des mots en mooré, en dioula, en fulfuldé ou dans d’autres langues.
Pour dire que nous sommes tous Burkinabè. Vous êtes Mossi, je suis Samo, il est Gourounsi, il est Birifore, il est Dagara, nous sommes tous Burkinabè. Donnons nous la main pour bâtir un Burkina Faso de paix. Sans l’union, tout ce que nous allons faire va encore nous ramener en arrière.
Se donner la main surtout dans la sincérité et dans la vérité. Là où il y a la vérité régnera l’union et nous prions que la paix revienne au Burkina Faso, que nos parents qui ont fui leurs terres, leurs villages, retournent d’ici là et rejoignent leurs cases d’origines. Tout ce que nous souhaitons vraiment à ce beau pays, c’est surtout le retour des déplacés internes chez eux et la paix au Burkina Faso. Que nous puissions traverser le pays d’Est en Ouest, du Nord au Sud, sans aucune inquiétude.
Merci beaucoup.
Propos recueillis par Armand Kinda
Minute.bf