Ce 07 janvier 2022, Karim (nom d’emprunt) comparaissait au Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou. Il est accusé de tentative de vol. Mais celui-ci nie les faits et avoue avoir été victime de sévices corporels de la part des policiers qui ont mené l’enquête. Il dit avoir été bastonné au commissariat de police dans le cadre de l’enquête sur une tentative de vol. C’est pour cette raison, dit-il, qu’il a avoué sa culpabilité afin de se soustraire de ses « tortionnaires ».
À l’appel de son nom par le juge, parmi la foule de présumés malfaiteurs qui attendent leur jugement à la partie droite de la salle d’audience, il se lève et en quelques pas, il est devant la barre face au juge. Tout protocole juridique respecté, le juge lui lit le chef d’accusation qui pèse sur lui. « Vous êtes accusé de tentative vol. Vous avez avoué à la Police avoir cassé une boutique de Orange money. Reconnaissez-vous les faits? » Lui demande le juge. « Non, je ne reconnais pas les faits ». « Vous ne reconnaissez pas les faits? » s’étonne le juge. « Pourtant, à la Police, vous avez reconnu avoir tenté de casser la boutique », lui rappelle le juge. « J’ai reconnu parce que les policiers me frappaient. J’ai fini par reconnaître à cause des sévices qu’ils m’infligeaient », a indiqué le présumé voleur.
Au juge de se tourner vers le ministère public. « Avez-vous quelque chose à dire, M. le procureur? » Questionne le juge. Le procureur prenant la parole s’est d’abord montré sceptique face à la déposition de l’accusé. Il l’assène alors de questions pour se faire une idée de la véracité de ses propos. Il fait savoir à l’accusé qu’un témoin qui se trouve être son ami et qui a même dormi avec lui la nuit où le vol s’est produit avoue l’avoir vu en train de casser le cadenas de la boutique de Orange money.
« Vous avez été auditionné à deux reprises par la Police… », rappelle le procureur à l’accusé. Mais avant de finir, l’accusé nie tout en bloc. « Ce n’était pas moi. Je dormais et je n’ai rien fait, je n’avais pas besoin d’aller faire cette casse pour avoir de l’argent ». Aussi, dit-il » j’ai été entendu 3 fois par la Police. J’ai avoué entre temps parce qu’on m’a frappé ». « Quand vous dites que vous avez été frappé, comment cela a été fait? », lui demande le juge. « On me mettait le taser (décharge électrique, ndlr), on m’a menotté les mains et les pieds. Ensuite, on me frappait en dessous des pieds », relate brièvement l’accusé.
Il niera ainsi, tous les arguments et preuves collectées par la Police et transmis sous forme de déposition au procureur. Quant au fait qu’il a avoué avoir effectivement cassé la boutique lors de sa déposition à la Police, l’accusé persiste et signe : « j’ai avoué parce qu’on m’a frappé à la Police ». Un aveu, on pouvait le constater, qui a mis mal à l’aise la juridiction. « J’en ai fini, M. le juge », coupe court le procureur. Le juge ne questionnera pas davantage l’accusé.
Après un échange de quelques mots avec les deux autres juges qui l’assiste, le juge principal se retourne encore vers le procureur et lui demande de prononcer sa réquisition. « Que dire, si l’enquête a été mal ficelée, elle a été mal ficelée. Nous n’y pouvons rien. Si l’accusé dit qu’il a été frappé, il a été frappé. Nous continuions à demander à ce que cette pratique cesse dans nos commissariats. Il n’y a rien contre lui », a notifié le ministère public. Mais il a tenu à prévenir l’accusé: « partez, ce qui est sûr, si vous mentez et que c’est votre travail (le vol ndlr), vous reviendrez un jour face à nous encore ».
En définitive, le juge n’a rien retenu contre l’accusé. Karim repart donc libre, pour « infraction non constituée », déclare le juge.
Hamadou Ouédraogo
Minute.bf