Depuis 2016, toutes les sortes de solutions ont été proposées aux autorités qui se sont succédé, afin d’arriver à bout des « barbus », ceux là qui sèment morts et désolation sur tout leur passage. Dans la 8e législature, un député, très bien connu dans la sphère politique par sa capacité à mobiliser des populations pour la cause de son parti avait suggéré, au cours d’une séance qui recevait le premier ministre de l’époque pour son discours de politique générale, qu’une partie du pays infestée de terroristes soit rasée. « Apres ça on va regler les histoires de droits de l’homme », avait-il ajouté. Eh bien, c’était là une proposition d’un de nos « representants », à l’assemblée nationale. A partir de là, il était facile de comprendre dans quel bourbier nous étions.
En plus du député, des internautes et certains autoproclamés analystes politiques ou experts en sécurité appelaient les autorités à « armer les populations ». Il faudra donc, selon eux, armer les populations des zones touchées par le phénomène terroriste et même au delà, pour les aider à assurer leur propre sécurité car « l’armée à elle seule ne peut pas finir avec le terrorisme ».
Koudpoko, alors, aujourd’hui, le cri de cœur de la majorité de la population a été entendu. Les autorités burkinabè viennent de lancer le recrutement de 50 000 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), dont 15 000 nationaux et 35 000 communaux. Alors, allô Kassoum (Colonel-major Kassoum Coulibaly, actuel ministre de la défense), Koudpoko et ses clients fidèles ont entendu l’appel de la patrie. Oui oui, tous arrivent. La mobilisation sera de taille, si on se fie aux experts des réseaux sociaux.
Les gens l’ont réclamé, c’est aujourd’hui effectif. Il n’est plus nécessaire de rester sur les réseaux sociaux pour les conseils. Allons-y maintenant à la pratique. Les experts en sécurité sur les réseaux sociaux. Les généraux de Facebook et les maestro des audios WhatsApp, c’est le moment où jamais de montrer sur le terrain, de quoi on est capable.
Koudpoko, les autorités ont joué leur partition en lançant ce recrutement. Je ne sais pas si c’est l’effet de ton jus qui me joue des tours, mais je constate dans plusieurs provinces du pays, que la mobilisation à cet appel de la patrie n’est pas totalement au rendez-vous. Des Burkinabè trouvent aujourd’hui toute sorte d’alibi pour se soustraire de cet appel qu’il n’ont jamais cessé de lancer eux-mêmes. D’autres, non contents de disparaître depuis le début du recrutement, tentent par tous les moyens de demotiver les autres en vue de justifier leur inaction.
Eh oui. Je le dis ici et sans m’en cacher. Quand la patrie est menacée, toutes les contributions sont attendues pour la sauver. Mais chez nous au Faso, nous avons l’impression de vivre dans deux pays : un pays fait pour avoir des déplacés internes, des morts et des misérables, et un autre pour les réjouissances et l’expertise théorique. Figures-toi qu’une personne a même affirmé qu’il ne sera pas « une chair à canon », qu’il n’ira pas s’enrôler, sous prétexte qu’il y a des gens qui sont payés pour faire ce travail. « Qu’ils fassent correctement leur travail, c’est tout », avait-il lancé laconiquement.
Comparaison n’est pas raison, mais la guerre en Ukraine a mobilisé tous les Ukrainiens, de tous âges, parce que sans la patrie, il n’y aura pas de vie. De même en Russie ou un recrutement de 300 000 reservistes vient d’être fait. Ici, les gens n’ont même pas cherché à savoir ce qui sera fait pour permettre aux VDP qui seront recrutés de contribuer efficacement à la lutte, mais ils trouvent déjà un moyen de s’y soustraire. Espérons que ces personnes ne viendront plus demain avec leurs théories pour nous faire des propositions dans la lutte contre le terrorisme. Quand on connaît, quand on maitrise quelque chose, on le met en pratique.
Koudpoko, tu me connais déjà. Je serai au front de l’information et si nécessaire, sur le terrain. Tiiga s’y est engagé depuis longtemps, parce que son village est tombé entre les mains des barbus. Aujourd’hui, ces terroristes sont à moins de 70 kilomètres de Ouagadougou. Mais ça n’emeut personne dans la capitale de la réjouissance. On est même fier de démotiver ceux qui veulent aller combattre cette avancée au galop des terroristes.
De toutes les façons, sans être défaitiste et fataliste, je dirai que si nous ne prenons pas conscience pendant qu’il est temps (si ce n’est déjà tard), nous allons tous désormais vivre comme les populations du Burkina des déplacés, des morts et de la misère… Les réjouissances urbaines prendront bientôt fin. Et pour paraphraser, Norbert Zongo, « les problèmes finiront par nous rejoindre chez nous à la maison », quand ils ne trouveront pas des gens dehors pour les combattre.
En attendant, sers moi mon jus, avant qu’on ne nous envahisse et qu’on ne nous l’interdise…
Minute.bf