Zéphirin Diabré est arrivé troisième à l’issue de l’élection présidentielle du 22 novembre 2020. Il n’est donc plus chef de file de l’opposition. Il a été nommé ministre d’Etat, ministre auprès du président, chargé de la Réconciliation nationale et de la Cohésion sociale dans le gouvernement Dabiré II. Il a annoncé son retrait de l’opposition politique le 12 janvier 2020. Zéphirin Diabré a accordé une interview à RFI dans lequel il estime que son choix de rallier son parti l’UPC au à la majorité présidentielle « n’a rien d’un sacrilège ». Nous vous proposons l’intégralité de son intervention avec RFI.
RFI: Quel était le sens de votre alliance avec la quasi-totalité des candidats de l’opposition si c’était pour rejoindre le pouvoir au lendemain des élections ?
Zéphirin Diabré : Chaque élection consacre la fin d’un cycle politique et le début d’un autre. Dans cette circonstance aussi, chaque parti détermine son cheminement futur, c’est sur la base de cela que mon parti l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) a souverainement décidé la trajectoire nouvelle sur laquelle il veut se porter.
RFI : Mais pendant toute la campagne électorale vous avez eu des mots très durs contre le chef de l’Etat. Ne craignez vous pas que ce virage à 180 degré ne nuise à la crédibilité des hommes politiques ?
Zéphirin Diabré : Le chef d’Etat et ses hommes aussi pendant la campagne n’ont pas eu de mots très gentils vis-à-vis de moi, mais ça c’est le jeu des campagnes électorales. Tout ça c’est déjà fini. Des burkinabè ont décidé et c’est leur liberté que je n’étais plus la personne indiquée pour conduire l’opposition politique; j’en prends acte, mon parti et moi sommes libres maintenant de tracer notre trajectoire. Rappelez vous qu’en 2015 il y a eu ce qu’on appelle un rendez-vous manqué. Des Burkinabè s’attendaient à ce que nous puissions gouverner ensemble puisque nous avions fait ensemble l’insurrection. Donc se retrouver aujourd’hui n’a rien de sacrilège. Contrairement, il n’y a pas de trahison ni de virage à 180 degré.
RFI : Est-ce que ça sera possible d’organiser un grand forum de réconciliation au premier semestre de cette année comme l’avait promis le chef de l’Etat ?
Zéphirin Diabré : Oui, c’est tout à fait possible. Dans le cheminement qui sera dessiné et arrêté de manière collective et de manière participative. J’insiste sur cela. Il est clair qu’à un moment donné il y a eu une étape, il va falloir qu’il y ait un événement qui rassemble l’ensemble des Burkinabè sur la base d’un travail qui est fait en amont du genre d’un forum. Mais je ne peux pas vous dire avec exactitude à quelle date on va le faire.
RFI : L’ancien président Blaise Compaoré pourra-t-il participer à ce forum ?
Zéphirin Diabré : Lorsque dans la démarche que nous avons arrêtée l’idée d’un forum sera bien raffermie, les participants répertoriés et le calendrier arrêté, pourquoi voulez-vous qu’il y ait un ostracisme vis-à-vis de telle ou telle personne y compris Blaise Compaoré. Il n’y a aucune raison. Donc le mois à venir, l’ensemble des participants sera connu. Il a été acteur important de la vie politique de cette Nation, il est clair que dans un exercice comme celui-là sa participation et sa voix seront importantes et utiles.
RFI : Mais l’ancien président est poursuivi par la justice dans le cadre du procès Sankara, comment peut il rentrer dans de telles conditions ?
Zéphirin Diabré : C’est à nous de voir un peu dans le déroulement de la démarche. Vous savez que toutes ces questions-là, il y a des questions qui relèvent de la justice, il y a des questions qui relèvent de la sécurité personnelle, il y a des questions politiques. C’est pour ça justement qu’on aura un processus pour pouvoir un peu trancher ce sur quoi nous travaillons.
RFI : La réconciliation ne risque-t-elle pas de consacrer l’impunité ?
Zéphirin Diabré : Il y a des victimes, il y a des victimes, il y a des victimes et je le dis trois fois. Elles sont parties prenantes intégrantes de tout ce que nous ferons et bien entendu leur intérêt doit être préservé et fortement sauvegardé. Nous devons comprendre qu’il ne faut pas ramener la question à la réconciliation entre politiciens. Si nous laissons apparaitre le sentiment que c’est une histoire de deal entre politiciens pour que les exilés reviennent, nous risquons de ne pas avoir l’adhésion de la population et ça c’est dangereux.
RFI : La réconciliation ce n’est pas seulement la question du retour de Blaise Compaoré, votre premier geste en tant que ministre a été de recevoir jeudi dernier le responsable du collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés, vous avez évoqué le massacre de Yirgou lors duquel plusieurs personnes ont été tués?
Zéphirin Diabré : Oui, tout à fait nous l’avons évoqué. La procédure judiciaire est en cours, il faudrait qu’elle puisse aboutir rapidement pour que justement à ce niveau aussi on ne donne pas une prime à l’impunité. Vous savez, disons les choses très clairement, le collectif que j’ai rencontré et d’autres personnes d’une certaine manière, sont animés par des femmes et des hommes qui estiment que certaines communautés dans notre pays ne se sentent plus tout à fait intégrés dans le tissu national et sont même parfois justement accusés de connivence avec les terroristes. C’est une question très grave qui appelle un effort de réconciliation.
RFI : Est-ce qu’un grand forum seul peut régler ces questions-là ?
Zéphirin Diabré : Toutes ces questions se règlent par une batterie de mesures. Le fait même que le président du Faso ait jugé utile de créer ce poste de ministre d’Etat rattaché directement à lui, qu’il ait pris solennellement cet engagement juste au moment de sa réélection, nous montre bien toute l’attention qu’il veut apporter au sujet maintenant. Rien que ça déjà, c’est un message très fort qui devrait rassurer les uns et les autres que les questions seront prises à bras le corps.
RFI : La question des exactions de l’armée sera-t-elle abordée ?
Zéphirin Diabré : Il va de soi que la question sécuritaire sera examinée et il va de soi clairement que les populations concernées feront savoir leur manière de voir les choses par rapport aux relations qu’ils entretiennent avec tout le monde y compris avec les forces de défenses et de sécurité de ce pays.
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