Après une suspension de quelques minutes, le procès en diffamation intenté par l’association Burkina Rempart contre le journaliste Newton Ahmed Barry (NAB), a repris autour de 13 h du côté du TGI Ouaga I. L’audience s’est rouverte par une projection de l’interview à polémique.
A la diffusion de la vidéo, Newton Ahmed Barry a émis des doutes quant à son authenticité. Il a invité le tribunal à ne pas trop se fier aux différentes publications qui ont été faites sur la plateforme YouTube. De ses dires, seule l’autorité chargée de la régulation de la communication en France est à même de fournir une copie authentique de l’interview.
Pour ce qui est de l’usage du terme « jihadiste » et « terroristes », M. Barry a rappelé que dans ses propos, il n’a pas dit que les manifestants étaient des jihadistes, mais plutôt qu’ils fonctionnaient « sur le même modèle que les terroristes de la brousse ». Il a aussi insisté sur le fait qu’il ne faut pas couper une partie de ses propos pour émettre un jugement.
L’extrait qui a suscité la poursuite est selon lui, un portrait-robot qu’il a fait des soutiens du Capitaine Ibrahim Traoré. « J’ai dit que si on devait caractériser les soutiens de IB (Capitaine Ibrahim Traoré, ndlr), voilà les traits de caractère auxquels on pourrait se référer. Je ne les ai pas qualifiés », a-t-il insisté.
Outre cela, Newton Ahmed Barry a rappelé que son interview s’est faite le 26 janvier 2023, soit deux jours avant la manifestation de l’association et qu’il n’était même pas au courant de l’existence d’une telle association. Du reste, il a fourni au tribunal, un document où il est marqué la date et l’heure de l’émission.
Après Newton Ahmed Barry, ce fut au tour du président de l’association Burkina Rempart d’être appelé à la barre. Les débats entre lui et le tribunal ont essentiellement porté sur le terme « soutien à la transition », dont a fait usage le journaliste Newton Ahmed Barry pour désigner les personnes dont il a parlé au cours de l’émission. Les juges ont voulu savoir en quoi la fédération Burkina Rempart se reconnaissait comme un soutien à la transition. Le président de l’association a répondu en avançant que les membres de son association sont des « soutiens indéfectibles » de la transition et que par conséquent, ils se sont sentis concernés par la description faite par le prévenu au cours de l’émission.
Dans sa constitution de partie civile, l’association Burkina Rempart a réclamé le paiement de la somme de 1 franc symbolique et le paiement des frais exposés non compris dans les dépens estimés selon eux, à 5 millions de francs CFA. Outre cela, les avocats de la partie civile ont aussi exigé du tribunal, qu’il ordonne la publication de sa décision finale dans deux journaux, à l’effet selon leurs dires, de permettre aux membres de Burkina Rempart de recouvrer leur dignité bafouée.
Pour eux, en comparant les soutiens de la transition aux terroristes qui endeuillent la patrie, M. Barry les a exposés à toutes sortes de dangers. Les avocats ont demandé que Newton Ahmed Barry subisse donc la rigueur de la loi, au même titre que l’a été l’activiste Mohamed Sinon quelques mois plutôt, pour des propos presque similaires qu’il avait proféré à l’encontre de l’accusé du jour.
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Chose que les avocats de la défense ont battue en brèche. Pour eux, ce procès peut être qualifié comme un « match-retour » d’un certain procès qui s’est tenu dans ce même tribunal. De leur opinion, l’objectif de cette poursuite contre leur client, c’est de le faire condamner coûte que coûte parce qu’il a contribué à faire condamner un certain Mohamed Sinon.
Dans leur plaidoirie, ils ont soutenu que l’on ne saurait parler d’atteinte à l’honneur dans ce cas précis parce que la loi stipule que pour qu’une infraction puisse être constitutive d’atteinte à l’honneur, il faut qu’elle soit dirigée directement à l’endroit d’une personne. Ce qui n’est pas le cas ici. Aussi, ont-ils relevé l’absence de preuves qui permettent d’établir que les propos de NAB étaient dirigés vers la fédération des associations Burkina Rempart.
Ils ont aussi insisté sur le fait que l’ensemble des faits cités par leur client dans son portrait-robot sont vérifiés. « Comment appelle-t-on quelqu’un qui appelle à tuer tous ceux qui n’ont pas la même opinion que lui, à les nettoyer, à les envoyer à la place de la nation et les fusiller ? Comment on peut considérer ce type de comportements ? N’est-ce pas de l’extrémisme ? N’est-ce pas le même mode opératoire que les terroristes utilisent dans les brousses ? Quelle différence peut-il y a avoir entre les individus qui profèrent de telles menaces et les terroristes ? », a questionné Me Benao, l’un des conseils du prévenu.
Pour ses confrères de la défense et lui, il manque d’éléments légaux, matériels, et même intentionnels qui puissent faire inculper Newton Hamed Barry dans ce dossier. Ils ont donc requis que leur client soit tout simplement relaxé pour infractions non constituées.
Le ministère public a quant à lui, requis que l’accusé soit relaxé au bénéfice du doute pour tous les faits qui lui sont reprochés. A l’en croire, il n’existe pas d’éléments matériels de preuves qui puissent effectivement permettre d’établir un rattachement entre les propos de Newton Hamed Barry et la fédération des associations Burkina Rempart.
En guise de derniers mots, Newton Ahmed Barry a salué la démarche de l’association Burkina Rempart qui, dit-il, est en phase avec le combat qu’il a mené tout au long de sa vie: celui de faire en sorte que les différends entre fils et filles d’une même nation se règlent devant les juridictions compétentes. Par ailleurs, il a soutenu que ce procès est un procès politique. « C’est un procès politique qui vise à empêcher l’expression de la pensée contraire », a-t-il affirmé avant de s’estimer « rabaissé » dans ce dossier. « Telle que les choses se présentent, c’est comme si c’est parce que j’ai eu peur que j’ai fui pour aller critiquer la fédération Burkina Rempart quelque part en France avant de revenir. Pourtant, pour ceux qui me connaissent, ils savent que j’ai toujours dit et assumé les conséquences de mes opinions. Je n’ai jamais eu peur d’assumer les conséquences de mes opinions », a-t-il martelé.
Le dossier est mis en délibéré au 24 mai prochain.
Oumarou KONATE
Minute.bf