samedi 14 décembre 2024
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Burkina : « Une langue officielle est forcément langue de travail » ( Dr Aristide Béré)

Le 30 décembre 2023, l’Assemblée législative de transition a adopté le projet de loi révisionnel de la constitution consacrant, entre autres, l’officialisation des langues nationales au Burkina Faso. Quelles sont les implications de cette décision ? Quels en sont les enjeux ? Quels sont les forces et les défis de cette mesure? Pour répondre à ces questions, le Rassemblement des Intelligences pour la Souveraineté de l’Afrique (RISA) a initié, ce jeudi 29 fevrier 2024, un panel sur la thématique de l’officialisation des langues nationales et le développement socioéconomique du Burkina Faso. Ce panel, tenu à Ouagadougou, a été animé par d’éminents chercheurs en linguistique et en sciences juridiques.

La première sous-thématique du panel est intitulée « Officialisation des langues nationales : implications juridiques ». Elle a été animée par Aristide Béré, Docteur en Droit civil et par ailleurs, administrateur civil. Dans le développement de sa thématique, le juriste a indiqué qu’il y une forte imbrication du droit dans les langues. Il a soutenu que dans la mesure où le droit régule le vécu dans la société, il est judicieux que ce droit puisse s’exprimer dans une langue que l’homme comprend et maîtrise. « Le droit s’exprime par les langues. Il est destiné à un public qui a une langue précise dans laquelle il s’exprime. Il doit donc être exprimé dans une langue que ce public comprend et parle afin qu’il puisse saisir la quintessence du contenu de ce droit », a-t-il affirmé.

Les conférenciers à ce panel

Sur les implications juridiques de la reconnaissance officielle des langues nationales, le paneliste a relevé deux incidences fortes aussi bien implicitement qu’explicitement. Premièrement, en Droit constitutionnel, a-t-il expliqué, cette reconnaissance officielle reconnait implicitement un tabou : celui des ethnies. A l’en croire, la loi constitutionnelle burkinabè définit le Burkina Faso mais ne définit pas le Burkinabè.

Par conséquent, a-t-il dit, les nationalités ne sont pas constitutionnellement reconnues. « Quand je dis nationalité, je veux parler des communautés. On se limite à dire les Mossi, les Dioula, les Bissa, etc, sans pour autant définir qui est le Mossi, qui est le Dioula ? Qui est un national et qui ne l’est pas? Est-ce que tout ceux qui sont présents sur le territoire burkinabè sont des nationaux ? Ou encore est-ce que toutes les langues qui sont parlées au Burkina Faso sont des nationaux ? La loi ne le disait pas clairement », a-t-il relevé.

Deuxièmement, a-t-il indiqué, la reconnaissance du 30 décembre 2023 a mis fin à un unilinguisme national consacré par l’ancienne constitution et a reconnu un plurilinguisme national. « Avant, la constitution se contentait de dire que la langue officielle du Burkina Faso est le français. Ce qui veut dire que le Burkina Faso n’avait qu’une seule langue officielle qui était le français», a-t-il relevé expliquant que l’officialisation des langues nationales implique une reconnaissance du plurilinguisme existant au Burkina Faso.

Explicitement, selon le conférencier, « une langue officielle est forcément langue de travail ». De ce fait, a-t-il dit, il convient de faire une cartographie des langues du pays et les intégrer dans les processus décisionnels étatiques. « Juridiquement, il faut rapidement qu’il y ait des choix qui soient faits sur les langues à utiliser et que cela se traduise dans les actes juridiques de l’État. Concrètement, cela implique que les trois poutres du pouvoir soient soumis aux langues nationales. Le gouvernement en tant qu’instance décisionnel étatique devrait s’exprimer explicitement dans les langues nationales. Cela suppose que les actes du gouvernement, les décrets, les comptes rendu des conseils des ministres et autres, devraient se transcrire en langues nationales. Pareille pour l’Assemblée nationale, où les langues nationales doivent également intégrer les langues d’expression des débats parlementaires. Le journal officiel également devrait également être publié en langue nationale. Au niveau judiciaire, les procès, les procès verbaux, les actes d’état civil devraient également se faire en langues nationales », a indiqué Dr Béré.

Une vue du public

Le conférencier a également suggéré une contextualisation de cette officialisation en tenant compte des zones linguistiques du pays de sorte à minimiser les risques de conflits. « Quand on prend le processus de décentralisation, vous n’allez pas imposer à une commune qui parle Goin de parler Mooré. De même, vous n’allez pas imposer à une commune qui est majoritairement fulaphone de parler Dioula. Donc, il s’agit de voir dans quelles circonstances contextualiser l’officialisation selon les types de populations auxquelles on a affaire de sorte que cette multiplicité de langues nationales soit une source de richesse plutôt qu’un problème », a-t-il recommandé.

Lire aussi ➡️ Mali : Le français relégué au rang de « langue de travail » dans le projet de nouvelle constitution

Oumarou KONATE

Minute.bf

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