dimanche 15 décembre 2024
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Burkina : Noureddine et Jean-Baptiste Niessi, ces handicapés moteurs qui offrent la mobilité à leurs « semblables »

Noureddine Nana et Jean-Baptiste Niessi, sont deux jeunes vivant avec un handicap depuis leur bas âge. Chez ces jeunes soudeurs de profession, le handicap est dans tête, et non sur la condition physique de chaque personne sur cette terre. Une philosophie qui leur donne beaucoup d’énergie pour relever les défis qui se présentent à eux. Minute.bf est allé à leur rencontre le mardi 04 avril 2023. Reportage !

Le mardi 4 avril 2023, à 10h, nous avions rendez-vous avec deux jeunes qui ont décidé de dompter leur handicap physique, pour se donner à fond dans leur métier de soudure qu’ils ont choisi d’exercer depuis plusieurs années maintenant. « Nous n’avons pas choisi d’être handicapés. Si malheureusement, nous le sommes aujourd’hui, nous ne devons quand même pas jeter l’éponge et adopter la mendicité comme métier. Nous pouvons dompter ce handicap physique, par un mental très fort, pour évoluer dans la vie ». C’est la philosophie de ces jeunes qui, plutôt que de se résigner, ont décidé de faire avec leur handicap et de se réadapter pour s’insérer dans cette société où la quête d’emploi est devenue, au fil des ans, un autre métier à part entière, à cause du manque criard d’emploi.

Sans moyens, ces deux jeunes qui ont dû abandonner l’école « gauloise », ont jeté leur dévolu sur la soudure, comme métier pour se prendre en charge. Niché au Centre national des personnes vivant avec un handicap moteur à Gounghin (Ouagadougou), ces jeunes essaient tant bien que mal de tirer leur épingle du jeu. Et dans ce centre, ils ont décidé de « soigner » tout ce qui est handicap moteur en se donnant pour défis d’offrir la mobilité aux personnes concernées. En clair, ils font dans la réalisation d’engins pour handicapés moteurs. Et en la matière, il faut mettre à l’actif de nos soudeurs de nombreuses réalisations d’engins pour personne handicapée moteur.

Noureddine et Jean-Baptiste en train de scier du fer

Le handicap est une maladie qui immobilise un ou plusieurs membres du corps. Dès lors qu’un des membres est immobilisé, on devient handicapé. Ces personnes vivant avec ce « déficit physique » se comptent par milliers à Ouagadougou. Et leur insertion professionnelle, un autre handicap à surpasser.

Ainsi, si certains ont délibérément fait le choix de la « mendicité » aux abords des voiries, d’autres ont décidé de prendre le taureau par les cornes. Ils sont des modèles. Noureddine Nana et Jean-Baptiste Niessi font partie de ce groupe.

Il est 10 heures, ce mardi quand nous rencontrons Noureddine Nana, à quelques mètres de l’Assemblée législative de Transition (ALT). Ce dernier sur son vélo transformé en 3 roues, nous conduit dans son lieu de travail, au Centre national des personnes vivant avec un handicap moteur. Nous y trouvons, y étant, son collègue Jean-Baptiste Niessi. Lui aussi est un handicapé moteur. Il est en ce moment 10 heures passées de 10 minutes. Pourtant, de leur quartier d’habitation respectif, Pissy et Samandin, ces deux « braves » ont parcouru au minimum une dizaine de kilomètres avant d’arriver à leur lieu de travail.

Au Centre national des personnes vivant avec un handicap moteur, les deux handicapés, sont bien entourés. Dans ce Centre, les personnes vivant avec un handicap sont nombreux. « Le centre est une maison pour les personnes handicapées », nous souffle Noureddine Nana.

Nos deux soudeurs côtoient, donc, à longueur de journée, des personnes qui ont la même condition physique qu’eux. Cette familiarisation a forgé en eux, un caractère de résilience. Cela a permis à ces derniers de s’épanouir pour exercer la soudure comme des hommes « valides ». Depuis bientôt un an, ils prennent du plaisir à confectionner les vélos et moto à trois roues. Leur principale matière de travail, c’est le fer, qu’ils coupent et soudent. Dans cette activité, même si leur mobilité n’est pas aisée dans leur atelier, Noureddine Nana et Jean-Baptiste Niessi arrivent à s’adapter à cet exercice mathématique et physique.

Noureddine Nana confie que les soudeurs de cet atelier transforment, vélos, motos et même des manettes de voitures pour adapter à la situation des handicapés moteurs

C’est d’ailleurs pour cela, que nos soudeurs s’investissent dans les solutions de mobilités pour les personnes vivant avec un handicap. « Dans la soudure, on modifie les vélos, les motos et aussi les manettes pour les adapter aux voitures des personnes handicapées. Il y a deux types de vélos et de motos que nous modifions. Il y a les vélos à trois roues simples et les vélos à moteur. Pour les motos, nous avons celles à trois roues et les motos adaptées aux handicapés à petite taille avec chaises. Pour les véhicules nous faisons des manettes avec deux béquilles pour qu’une personne handicapée puisse rouler à sa manière », a expliqué Noureddine Nana.

Ce travail, disent nos soudeurs, leur permet de joindre les deux bouts. « Nous arrivons à nous en sortir car souvent nos patrons nous donnent de l’argent lorsqu’il y a le marché. Mais il arrive souvent des temps difficiles », a confié M. Nana. En chiffres, les modifications des engins, révèle-t-il, « varient entre 150 000 FCFA et 300 000 FCFA », selon le travail effectué sur le moteur.

Une moto à deux roues transformés en 3 roues par Noureddine Nana et Jean-Baptiste Niessi

Le « génie créateur » de Noureddine Nana et de Jean-Baptiste Niessi salué

Dans l’atelier, nous rencontrons leur chef. Dramane Compaoré, qui dirige nos deux soudeurs, ne tarie pas d’éloges à leur endroit. Le chef Compaoré a affiché qu’il est très admiratif du courage de ces deux jeunes. Jusque-là, nous confie-t-il, il n’y a eu aucun soucis majeur avec les deux personnes vivant avec un handicap. « Tout ce que je leur demande de faire, ils le font bien. Je suis content d’eux », s’est réjoui M. Compaoré.

Dans l’entrepreneuriat, le plus difficile, dit-on, c’est satisfaire la clientèle. Chaque client a son caractère. Néanmoins, Noureddine Nana et Jean-Baptiste Niessi ont su, de par l’accueil qu’ils réservent aux clients avec courtoisie, se faire remarquer. C’est du reste ce que nous a confié Fanta Sanogo, une habituée de leur atelier. Cette dame loue le service de ces deux hommes, qu’elle appelle « des grouilleurs ». Également, handicapée moteur, Fanta Sanogo a reconnu la bravoure de ces hommes. Mme Sanogo a même salué le « génie créateur » de ces deux soudeurs.

Jean-Baptiste Niessi exprimant sa volonté de réussir et aider les autres handicapés moteurs à quitter la mendicité

Noureddine Nana et Jean-Baptiste Niessi, tous deux nourrissent l’espoir de devenir des modèles afin d’inspirer et même aider les personnes vivant avec un handicap à quitter la mendicité. Ils ambitionnent former à leur tour des jeunes vivant avec handicap à se prendre en charge, à être autonomes financièrement. « J’invite les autres handicapés à arrêter de mendier car le handicap ne doit pas être un frein, puisque c’est la volonté de Dieu. J’invite l’État ainsi que toutes les bonnes volontés à nous accompagner tout en nous offrant des marchés », a plaidé Noureddine Nana.

Il était 12 heures 15 minutes, quand nous quittions le Centre, idée de laisser Noureddine et Jean-Baptiste à leurs tâches quotidiens, car comme on le dit, « le temps, c’est de l’argent » et « seul le travail paie ».

Plus de détails dans cette vidéo…

Mathias Kam

Minute.bf

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