samedi 14 décembre 2024
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Burkina : La mine d’or d’Inata, les 8 milliards des ex-employés et l’acte de cession de l’Etat

Me Bouba Yaguibou était face à ses clients, des ex-travailleurs de la mine d’Inata. Il s’est agi pour l’avocat d’entretenir ses clients sur les dernières évolutions de leur contentieux judiciaire avec la Société des Mines de Bélahourou (SMB), ex-propriétaire de la mine d’Inata. Alors que les ex-travailleurs d’Inata réclament plus de 8 milliards de FCFA à leur ex-employeur pour « licenciement illégal et irrégulier », la mine qui avait été reprise par la société Balaji avec promesse de payer leurs droits a récemment été cédée par gouvernement de la Transition à la société Afro Turk. Dans ce contexte, les ex-travailleurs s’interrogent le recouvrement de leurs droits. La situation du dossier avec Me Yaguibou ! 

Le 04 mai 2017, 443 travailleurs de la mine d’Inata se voyaient mis en « chômage technique » par leur employeur, la SMB. Face à ce qu’ils qualifient de « licenciement abusif et illégal », ces travailleurs ont consulté un cabinet d’avocat pour défendre leurs droits. Me Bouba Yaguibou, qui les défend, explique en quoi leur licenciement n’a pas suivi les normes. 

« On les a mis de façon illégale en chômage technique sans leur payer un quelconque franc. Normalement, lorsqu’un travailleur est mis en chômage technique, il a droit à 30% de son salaire chaque fin du mois. Ils ont passé 5 mois sans avoir rien perçu. A la fin, la direction de la mine même s’est ravisée et a annulé la mesure du chômage technique. Néanmoins, il a laissé tous les travailleurs dans la nature, de sorte que finalement lorsqu’ils nous ont constitué, nous avons attrait la société à l’inspection du travail pour qu’elle paye les droits des travailleurs », a-t-il fait savoir. Il faut souligner que les droits des travailleurs s’élevaient à « plus de 8 milliards ».

La SMB condamnée à payer ses ex-travailleurs d’Inata

Après cette étape, le dossier est arrivé au niveau du Tribunal de travail de Ouagadougou où la société, a révélé Me Yaguibou, a été condamnée à payer plus de 4 milliards de F CFA. Mais, la SMB a fait appel de cette décision tout comme Me Yaguibou et ses clients. « La Cour d’appel a confirmé le jugement et condamné davantage la SMB à payer au total une somme de plus de 6 milliards à l’ensemble des 483 travailleurs de SMB », a avancé Bouba Yaguibou. 

Ainsi, le conseil des ex-travailleurs d’Inata dit avoir entrepris l’exécution de cette décision. « Nous avons fait des saisies et bizarrement, on n’a pas trouvé de biens de la société. Toutes les saisies se sont avérées infructueuses », a relevé avec surprise Me Yaguibou. Il poursuit : « ayant fait ce constat, nous avons considéré que la société a été en cessation de paiement donc nous sommes intervenus volontairement dans le cadre de la procédure de liquidation de biens qui avait été engagée contre SMB ». Et là encore, s’est-il satisfait : « la Cour d’appel a rendu une décision, prononçant la liquidation de biens de la société ». Dans ce sens, le Tribunal de commerce de Ouagadougou a nommé un syndic liquidateur et un juge commissaire pendant que le Conseil des ex-travailleurs d’Inata était invité à faire des productions de créance. « On a fait une production de créance au nom des travailleurs en envoyant les décisions et autres, pour montrer que la société est redevable à l’ensemble de ces ex travailleurs à hauteur de 8 779 649 291 », a rassuré Me Yaguibou à ce propos. 

Forte mobilisation des ex-travailleurs d’Inata pour écouter leur avocat sur les dernières évolutions de leur dossier judiciaire

Ainsi, poursuit-il, « on était en discussion avec le syndic qui nous avait assuré qu’il y avait quasiment un repreneur qui allait reprendre la mine et que si la cession se faisait immanquablement les droits des travailleurs allait être payés. Donc on avait bon espoir ».

De la cession de la mine à Afro Turk Inata

C’est dans cette attente que Me Bouba Yaguibou et ses clients disent avoir été « surpris » d’apprendre la cession de la mine au groupe Afro-turc à l’issue d’un Conseil des ministres.

Lire aussi ➡️Burkina : Signature de contrat de cession avec les sociétés Afro Turk Tambao et Inata pour 30 milliards de F CFA 

« On était tellement surpris parce qu’avec vos responsables (ex-travailleurs d’Inata, ndlr) il y a eu plusieurs contacts avec des membres du gouvernement (…) On n’a jamais vu venir la cession de la mine », commentera l’avocat. Du reste, a-t-il souligné : « nous avons écrit à l’État pour lui demander à un moment donné de récupérer le permis d’exploitation de la mine au groupe Balaji (qui avait entre temps repris la mine des mains de la SMB, ndlr) parce qu’il n’était pas à même d’assumer ses responsabilités et d’accomplir ses obligations. Nous avons dit de rétirer le permis, de céder la mine et de payer les droits des travailleurs ». Pour cela, M. Yaguibo pense que l’État étant bien informé depuis lors de l’état de misère dans laquelle se trouvent les travailleurs (ex-travailleurs d’Inata, ndlr) devra traiter leur dossier avec diligence. 

L’ex-travailleur de la mine d’Inata, Moumouni Kiemtoré invitant l’Etat à traiter avec diligence leur dossier

Et sur la situation de « précarité » de ses clients, Me Yaguibou l’a décrite ainsi : « certains ont vu leurs maisons retirer par les banques, d’autres sont dans une situation familiale de détresse, des familles sont disloquées … » C’est ce qu’a confirmé l’ex-employé, Moumouni Kiemtoré. « Cela fait 6 ans que nous vivons un calvaire. Nombre d’entre nous sont morts dans l’incapacité de se prendre en charge dignement. 6 ans que nous sommes abandonnés à nous-mêmes. Nos enfants ont dû abandonner l’école, des femmes ont quitté leur époux. Nous voulons que le gouvernement se penche sur notre sort », a-t-il décrit de leurs souffrances, plaidant du même coup pour une solution au plus vite.

Les espoirs de Me Yaguibou et ses clients…

De son côté, Me Yaguibou se veut confiant quant à la suite du dossier. « Nous pensons que notre gouvernement ne peut pas rester insensible et va, sûrement, après avoir cédé cette mine, procéder au règlement des droits des travailleurs ». Il rappelle à ce propos qu’au mois d’avril dernier, ils ont adressé une correspondance à l’État via l’Agence judiciaire de l’État (AJE) pour lui demander de payer les droits des travailleurs. « L’Etat, precise-t-il, a 2 mois pour répondre ». « Si l’État ne répond pas son silence doit être considéré comme étant un rejet, un refus. En ce moment, on en discutera de la suite à donner », commente-t-il.

Me Yaguibou confiant au dénouement de la situation avec la cession de la mine par l’Etat

Du reste, l’avocat a foi quant à l’issue favorable de l’affaire, d’autant plus que c’est l’Etat qui a choisi de céder la mine au groupe Afro Turk (Afro Turk Inata, ndlr) alors qu’il était bien informé de ce que les droits des ex-travailleurs d’Inata ne sont toujours pas payés.

« Nous avons dit de bien vouloir faire diligence et de régler les droits des travailleurs pour qu’au moins ces travailleurs puissent bénéficier de leurs droits et de pouvoir sortir un peu de la situation difficile de vie dans laquelle ils se trouvent », a-t-il insisté.

Quelle sera la suite de l’affaire ? Rendez-vous en juin, date de réponse du gouvernement pour situer Me Yaguibou et ses clients.

Franck Michaël KOLA

Minute.bf

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