Il y a un peu plus de 4 mois que le Capitaine Ibrahim Traoré est le président de la Transition burkinabè avec pour principale mission, la résolution de la crise sécuritaire. Que retenir de ces derniers mois de gouvernance ? Pour répondre à cette interrogation, www.minute.bf a reçu le député à l’Assemblée législative de Transition (ALT) au compte de la région du Nord, Youssouf Ouédraogo. De la situation sécuritaire dans la région du Nord à celle nationale en passant par l’approche diplomatique des autorités actuelles, le député à l’ALT a donné sa lecture de la situation. Lisez plutôt !
Minute.bf : Actuellement, quel est l’état de la situation sécuritaire dans le Nord ?
Youssouf Ouédraogo : La situation est assez préoccupante, dans le Nord. Mais ce qui est intéressant à noter, c’est l’espoir que cette population a de retrouver la paix, surtout avec les actions récentes des nouvelles autorités. Parce que, à chaque fois qu’il y a un incident, rapidement, il y a une réaction et c’est ça qui nous donne un motif d’espoir. C’est cela qui maintient actuellement la population, sinon, la situation n’est pas simple.
Minute.bf : Il n’y a pas longtemps, des intrrnautes alertaient sur des poches de famines dans certaines localités du Nord ; il y a eu par la suite un ravitaillement, est-ce qu’on peut dire qu’aujourd’hui, cette situation s’est améliorée ?
Youssouf Ouédraogo : Dire que ça va, c’est trop dire, mais on peut noter qu’il y a de l’amélioration. Il y a environ un mois, quelques semaines déjà, la situation était très difficile, surtout pour la population de Titao, de Sollé… Dieu merci, notre cris de cœur a été entendu et un ravitaillement terrestre de Titao et Sollé a été effectif, ce qu’on n’a pas vu il y a quelques mois quand la situation était très difficile.
On peut dire, de façon globale, qu’on a pu gérer une situation ponctuelle. J’allais dire que c’est partiel, mais quand même, il faut reconnaître que la crise humanitaire est réelle, que ce soit dans le Lorum, à Titao, à Ouahigouya et dans bien d’autres localités de la région du Nord.
Minute.bf : Il y a du nouveau à la tête de l’Etat depuis maintenant un peu plus de 4 mois. Au-delà de la région du Nord, comment appréciez-vous la réponse sécuritaire des autorités actuelles ?
Youssouf Ouédraogo : Pour apprécier un peu la situation générale du pays, il y a plus d’attaques qu’avant. Cela, il faut le reconnaître et même le chef d’Etat l’a si bien dit. Mais ce qu’il faut voir à côté, c’est qu’il y a des résultats remarquables.
Vous vous souvenez que Solenzo qui était assiégé, occupé par les terroristes, a été libéré. Et très récemment Falangoutou également. Il y a d’autres localités aussi où les résultats sont là.
Mais de façon globale, il faut reconnaître que depuis l’arrivée des nouvelles autorités, depuis l’annonce du recrutement massif des Volontaires pour Défense de la Patrie (VDP), les groupes armés ont également commencé à déployer toutes leurs énergies.
Mais, nous, nous sommes sereins, et peut-être qu’après cela, ce sera l’extinction totale du terrorisme au Burkina Faso.

Minute.bf : Parlant du recrutement des VDP, au Nord, on a eu comme impression qu’il n’y avait pas assez d’engouement, qu’est-ce qui peut expliquer cela ?
Youssouf Ouédraogo : Aux premiers instants, il y avait de la résistance et cela s’expliquait. Vous savez, après la mort de Ladji Yôrô de Titao, les VDP étaient découragés. Les gens se disaient qu’il n’y avait pas assez de sérieux dans l’accompagnement des VDP. Ils avaient commencé à douter un peu. C’est ce qui fait qu’à l’annonce du recrutement, il y avait une certaine réticence. Mais, nous avons, à travers nos différents mouvements, suscité l’adhésion des populations, ce qui fait qu’à la dernière minute, il y a même eu un certain nombre de jeunes qui se sont enrôlés. On avait en tout plusieurs centaines de personnes qui sont enrôlées pour ce qui concerne la région du Nord. C’est pour dire qu’au début, ils étaient timides, mais les gens ont compris, puis après, se sont dit qu’on sent du sérieux dans cette affaire-là.
Même actuellement, il y a des gens qui se manifestent pour se faire enrôler. Peut-être que nous allons trouver des mesures dérogatoires, de façon exceptionnelle, pour permettre à ces jeunes de s’enrôler pour défendre la mère patrie.
Minute.bf : En ce qui concerne le recrutement des VDP, il y en a qui disent qu’avec l’armée, ce n’est déjà pas simple, que pourront donc faire les VDP à qui on reproche souvent des bavures ?
Youssouf Ouédraogo : Quand la mère patrie est menacée, il faut trouver tous les moyens nécessaires pour défendre l’essentiel. C’est dans cette optique que le recrutement massif des VDP est fait. C’est vrai que souvent, il y a des dérapages, mais il faut reconnaître que le recrutement de ces VDP nous donne assez d’espoir.
Ce n’est pas la première fois que des populations soient armées pour défendre une cause nationale. Ce n’est pas la première fois dans le monde. Au Burkina Faso, c’est peut-être le fait que, ce que nous vivons est une situation particulière et nouvelle. Ce que nous souhaitons, actuellement, c’est qu’ils soient assez formés, encadrés. D’ailleurs, c’est l’esprit de la nouvelle loi, qui a été votée à l’assemblée, où il s’agissait de revoir certaines dispositions de la loi des VDP qui n’agiront pas seuls mais toujours sous la coupe des FDS. Je crois que cela pourrait minimiser ces bavures-là.
Minute.bf : L’actualité, c’est aussi la question des partenariats, comment appréciez-vous l’approche diplomatique des autorités actuelles ?
Youssouf Ouédraogo : Il est vrai que c’est chaud, chacun fait ses analyses, chacun donne ses appréciations. Mais moi particulièrement, je souscris entièrement à ce que les nouvelles autorités sont en train de faire actuellement, parce que, si vous êtes avec un partenaire qui ne vous donne pas satisfaction, il faut aller vers une autre personne. Au fait, ce n’est pas une question d’inimitié, c’est une question d’efficience que nous cherchons ici.
Je pense que diversifier le partenariat ne veux pas dire rompre forcément avec les anciens partenaires. Donc, nous on s’aligne et on encourage toute action de diversification de nos partenariats.
Ce qui nous manque, actuellement, ce sont les moyens logistiques, l’armement. Et avec certains partenaires, la machine est lourde. Pourtant, on doit aller vite et bien. Donc, je pense que nous sommes dans la même dynamique, nous sommes sur la même ligne que nos autorités actuelles.
Minute.bf : Sur cette question toujours, avec le partenaire français, le Burkina Faso a demandé le remplacement de l’ambassadeur, ensuite la rupture des accords militaires et même le retrait des soldats français. N’y a-t-il pas lieu de craindre que d’autres partenaires aient peur de s’engager, vu le traitement qui a ete reservé au partenaire français ?
Youssouf Ouédraogo : Effectivement, les gens portent des critiques sur la manière de faire, ce qui est normal. Mais sachez que dans toute action ou dans toute option qu’on prend, ça sera interprété. Certains vont aimer, d’autres pas. Mais, ce que je retiens, seulement, c’est que demander le remplacement d’un ambassadeur n’est pas nouveau. On voit souvent même des ambassadeurs à qui on somme de partir. Donc si on a demandé à ce qu’on le remplace, c’est qu’on a été doux.
Pour ce qui est du retrait de la force Sabre, je crois que les textes sont clairs. Et je crois que les autorités du Burkina n’ont fait qu’appliquer ce qui est était écrit a cet effet. Peut-être que sur d’autres aspects, on pourrait en dire plus mais ce qui est de l’ambassadeur et de la force française au Burkina, rien n’est gauche.
Minute.bf : Sur le départ de Sabre, de Roch Kaboré à Ibrahim Traoré, la rhétorique c’était que les soldats français intervenaient à la demande de nos propres autorités. Est-ce que ce départ ne laisse pas un vide ?
Youssouf Ouédraogo : Il faut savoir que depuis l’avènement du MPSR2, comme certains l’appellent, la force (Sabre, ndlr) n’est pas intervenue sur le champ de bataille. Mais on a eu des résultats. Donc c’est pour dire que la force Sabre n’est pas indispensable au Burkina Faso.
Minute.bf : 4 mois que vous êtes à l’ALT, parlez-nous de cette expérience !
Youssouf Ouédraogo : Disons que c’est une première expérience. C’est une expérience que nous vivons à l’ALT, et ce que je retiens c’est que tout se passe bien. Les missions des députés sont connues, c’est entre autres contrôler les actions du gouvernement, voter les lois…
Depuis notre arrivée, on a tout fait dans un bref délai pour voter le budget exercice 2023. C’était coincé mais on l’a fait.
Nous avons également revu certaines lois. Vous vous rappelez de la loi relative aux conditions des VDP.
Pour ce qui est du contrôle de l’action gouvernementale, plusieurs fois, on a interpellé plusieurs ministres sur des questions liées à leur secteur. C’est pour dire qu’on a pris pleinement nos fonctions et la mayonnaise est en train de prendre. Et très bientôt, vous verrez des députés plus dégourdis, plus déterminés à répondre aux questions de nos populations et surtout des déplacés internes.

Minute.bf : On constate des citoyens qui menacent directement d’autres qui critiquent le régime en place. A l’ALT, avez-vous conscience de cela ? Si oui, qu’est-ce qui est fait ?
Youssouf Ouédraogo : Ce que vous dites est juste. Le constat est là. Pour moi c’est un dysfonctionnement que de voir que dans un pays démocratique, des citoyens s’érigent en gendarme, menacent et même appellent au meurtre d’autres citoyens. C’est vraiment déplacé.
À l’ALT, on a pris la pleine mesure de la situation. C’est pourquoi il n’y a pas très longtemps une question orale a été adressée à l’endroit du ministre en charge de la communication sur la gestion des réseaux sociaux. C’est pour dire que c’est une question qui nous préoccupe. Très bientôt, l’ALT ira vers l’adoption des textes qui puissent mieux encadrer l’utilisation des réseaux sociaux. Quoi que l’on dise, si ces réseaux sociaux ne sont pas mieux encadrés ni suivis cela pourrait être une bombe à retardement contre le pays.
Minute.bf : Quelle appréciation faites-vous de la gestion du pouvoir du président Ibrahim Traoré ?
Youssouf Ouédraogo : Ce qu’il faut noter dans cette gestion du pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré, c’est qu’il y a la volonté de mieux faire. C’est vrai que gérer les affaires d’Etat n’est pas simple. Il peut arriver que de petites questions vous échappent mais de façon globale, le tempo est là. C’est ce qui fait qu’il y a l’adhésion populaire. Les gens croient en ce qui est en train d’être fait. Ils se retrouvent dans la façon de gouverner du président Traoré. Ses actions, sa façon de faire, sa personne inspirent toute la jeunesse burkinabè, de façon générale. C’est pour dire que des lendemains meilleurs arrivent au Burkina Faso.
Minute.bf : Si vous aviez le président Traoré en face, quels sont les aspects ou domaines que vous voudriez qu’il revoie ?
Youssouf Ouédraogo : Si j’avais l’occasion de m’adresser à son excellence, le président de la Transition, le Capitaine Ibrahim Traoré, je lui dirai d’aller à l’action. Qu’on sente plus d’actions que des discours. C’est vrai que les discours galvanisent. C’est un bon orateur. Mais souvent, les gens se focalisent sur un petit aspect du discours et oublient l’essentiel. C’est pourquoi j’aimerais qu’il soit sur le terrain de l’action, comme c’est un homme de terrain. Cette ferveur populaire qu’on a actuellement, il faut la maintenir. Il ne faudrait pas qu’elle baisse. Il faut qu’on ait des résultats dans cette ferveur populaire pour maintenir le cap jusqu’à la fin de cette Transition.
Minute.bf : Nous sommes à la fin de notre entretien, vous avez un mot pour clore ?
Youssouf Ouédraogo : Pour clore, je dirai qu’avant que je vienne à l’ALT, j’étais un artisan de la paix, d’où le petit nom ministre de la paix. Nos actions étaient tournées vers la paix et la cohésion sociale. Je souhaite que la paix revienne au Burkina Faso. Je souhaite que la cohésion sociale s’installe au Burkina Faso. Je prie que tous nos braves PDI retrouvent leur village. Que nos FDS aient la force et l’énergie nécessaires pour mener ce combat et que très bientôt, on puisse retrouver nos train-trains quotidiens.
Propos recueillis par Franck Michaël KOLA
Minute.bf
Un très bel interview, j’ai vraiment pas regretté d’y mettre mon temps à le lire.