jeudi 12 décembre 2024
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Burkina/CSC : « Ce n’est pas parce que le chef de l’État va désigner un membre qu’il ne sera pas indépendant » (Louis Modeste Ouédraogo)

Le gouvernement burkinabè de Transition a décidé d’apporter des réformes au Conseil supérieur de la Communication (CSC), l’instance de régulation des médias. Avec les réformes annoncées, la compétence du CSC va s’étendre même à la régulation des réseaux sociaux. Mais pourquoi ces réformes ? Quelle urgence ? Quels sont les enjeux de ces réformes ? Le juriste spécialisé en technologie de l’information et de la communication, Louis Modeste Ouédraogo a répondu à ces interrogations, lors d’une interview accordée à www.minute.bf, le 11 octobre 2023.

Minute.bf : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Louis Modeste Ouédraogo : Je suis Louis Modeste Ouédraogo, juriste spécialisé en technologies de l’information et de la communication, par ailleurs, membre du comité d’élaboration de l’avant-projet de la loi organique du Conseil Supérieur de la Communication (CSC). Je suis aussi ancien Secrétaire Général et actuellement chargé de mission au CSC.

Minute.bf : Parlant de l’avant-projet de loi, dites nous déjà qu’est-ce-qui a motivé ces réformes du CSC?

Louis Modeste Ouédraogo : La réforme à travers la relecture de la loi organique s’inscrit dans une réforme plus grande du droit de la communication au Burkina Faso. Déjà en 2015, il y a eu une réforme qui a permis de relire les lois sur la presse, c’est-à-dire le code de l’information qui a été éclaté en trois lois : une loi sur l’audio-visuel, une loi sur la presse en ligne et une autre sur la presse écrite.

Cette réforme en 2015, avait également été précédée par une réforme de la régularisation du droit de la régularisation en 2013, avec la constitutionnalisation du Conseil Supérieur de la Communication intervenue en 2012.

C’est un ensemble de réformes qui avaient eu lieu en 2013, pour l’institution de régulation et en 2015 pour les lois pour la presse. Après quelques années de pratique, on a constaté quelques lacunes qu’il fallait combler, à travers une autre réforme qui, d’ailleurs, a été souhaitée par tous les acteurs y compris les professionnels des médias. C’est dans ce cadre que le ministère de la communication a entrepris la relecture des trois lois sur la presse, pour non seulement, combler les lacunes qu’on a constatées au niveau de la pratique, mais également prendre en compte les nouvelles problématiques juridiques qui sont actuellement à l’oeuvre sur le terrain de la communication publique. Mais on ne pouvait pas relire les lois sur la presse sans qu’un aspect important soit pris en compte, c’est-à-dire la régulation. Il fallait que la réforme porte également sur le droit de la régulation. Et c’est ce qui a justifié la relecture de la loi organique. Cette relecture devrait permettre à l’autorité de régulation, non seulement, de combler les lacunes qu’on a constatées dans la régulation, la composition, le fonctionnement au sein du CSC, mais aussi, de tenir compte des évolutions du secteur de la communication au public, notamment, l’extension du champ de la régulation aux réseaux sociaux numériques. Voici le contexte qui a justifié cette réforme du droit de la régulation par la relecture de la loi organique sur le CSC.

Minute.bf : Mais, y a-t-il urgence à faire toutes ces réformes maintenant ?

Louis Modeste Ouédraogo : Oui ! Absolument ! c’était urgent de le faire parce que, lorsqu’on considère un peu le fonctionnement du CSC de ces dernières années, vous vous rendrez compte que l’institution a traversé plusieurs crises dont la dernière remonte en 2022 avec les élections du président actuel, Abdoul Aziz Bamogo. Cela veut dire que les origines de ces crises en répétition, se trouvent actuellement dans la loi organique dont les imprécisions et les contradictions souvent, ont fini par nous convaincre, qu’il fallait revoir urgemment cette loi. Dans le collège actuel, il y a au moins 5 conseillers dont le mandat est à expiration. Donc, il est tout à fait urgent de revoir le mode de désignation du président du CSC, avant la nomination des membres du collège, parce que, si le président lui-même son mandat arrive à expiration, cela veut dire qu’il faut rester sous l’emprise de l’actuelle loi ; il faut encore organiser d’autres élections. Et là, rien ne nous garantie que ça ne sera pas comme le précédent, c’est-à-dire des élections qui vont en tout cas engendrer des crises et une paralysie au niveau du CSC. Quand on considère un peu les conséquences du blocage des institutions dû au fait qu’un membre ou encore un groupe de conseillers n’était pas en phase avec l’autre groupe qui a remporté les élections, on constate que pendant toute la période de crise, le CSC était inexistant ; on ne peut pas se permettre cela dans une république.

Dans une république, quand une institution a des problèmes de fonctionnement, les plus hautes autorités qui sont garants, selon la constitution, du bon fonctionnement des institutions de cette république, doivent mettre tout en œuvre pour éviter ces genres de blocage et permettre donc la continuité du service public.

Minute.bf : Quelles sont les innovations de cette nouvelle loi ?

Louis Modeste Ouédraogo : Il y a plusieurs innovations, mais nous allons juste énumérer les plus grandes.

Il y a d’abord l’élargissement du fond de la régulation aux réseaux sociaux. Concrètement, cela veut dire qu’actuellement, dans le projet de loi, le CSC devient compétent pour réguler les sites de communication du public en ligne. C’est-à-dire les plateformes de contenus en ligne mais aussi les sites personnels des blogueurs et d’autres activistes qui auront atteint 5 000 followers. Ces gens seront soumis à la régulation du CSC. Cela est une innovation majeure.

Deuxièmement, il y a de nouvelles attributions qui ont été conférées au CSC notamment la mise en œuvre du droit à l’accès à l’information publique et aux documents administratifs. Et ceci pourrait connaître des recours en cas de refus d’accès à l’information ou aux documents administratifs proposés à un citoyen alors même que la loi 051 de 2015 consacre ce droit d’accès.

Il y a également la simplification du régime de déclaration pour la création des journaux et des médias en ligne.

Il y a aussi l’institution d’un régime d’autorisation pour les webs radios et les webs TV.

Parmi les nouvelles attributions du CSC, il y a une innovation qui est assez importante. C’est la protection de la société contre le discours de la haine et la désinformation. C’est un vollet vraiment important.

Ensuite, il y a le renforcement des compétences techniques du collège des conseillers par la définition d’un certain nombre de profils obligatoires à avoir au sein du collège. Cela va permettre d’avoir des profils diversifiés à même de lui permettre de prendre en charge les questions de régulation notamment les nouvelles problématiques de régulation qui se posent aujourdhui.

Il y a également le mode de désignation du président du CSC qui va changer et qui va retourner à l’ancien système consistant à permettre au chef de l’État de designer directement le président du CSC. Cela, pour plusieurs raisons. Le mode d’élection n’a pas fonctionné ces dernières années. Cela a été à l’origine de quelques problèmes de fonctionnement, de blocages, c’est pourquoi nous pensons que ce n’est pas une innovation en tant que telle puisque c’est un retour à l’ancien système. Mais c’est un changement majeur qu’il faut noter ici. Il y a le renforcement de l’indépendance fonctionnelle du CSC et cela à travers l’octroi d’une autonomie financière à l’institution de régulation. Le CSC était, jusque-là, la seule autorité de régulation à ne pas avoir d’autonomie financière alors même qu’il est situé au-dessus, hiérarchiquement, des autres autorités de régulation, puisque c’est la seule qui est constitutionnaliste c’est-à-dire la seule qui est prévue par la constitution à son article 160.3.4. Il fallait donc corriger cette limite parce que, non seulement, l’absence de l’autonomie financière pour le CSC constituait un manquement à une obligation communautaire parce qu’il y a une directive de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), notamment celle sur la circulation de l’image dans l’espace UEMOA, qui impose à chaque État d’accorder une autonomie financiere à l’autorité de régulation des médias. Le Burkina Faso, en accordant l’autonomie financière, se conforme ainsi à une obligation communautaire. Au delà de cela, il faut noter que cette autonomie va permettre au CSC de mieux prendre en charge les questions de régulation surtout l’extension du champ de régulation des réseaux sociaux qui va donner beaucoup plus de travail au CSC. Cela va nécessité, non seulement, des compétences techniques et humaines pour que le CSC accomplisse sa mission de régulation mais cette autonomie financière va spécialement permettre au CSC d’accomplir ses anciennes missions de régulation et même de mieux prendre en charge les nouvelles, notamment la régulation des réseaux sociaux qui va vraiment être un travail fastidieux, qui va nécessiter une réorganisation du travail au sein du collège des conseillers mais aussi au niveau de l’administration, c’est-à-dire, le monitoring de toutes les pages personnelles qui devrait être fait. Il faut qu’on prépare beaucoup de moyens techniques, à savoir les équipements techniques y compris des logiciels qui vont à chaque fois pouvoir signaler qu’une page personnelle tombe sous le seuil de la régulation, c’est-à-dire les 5 000 abonnés. C’est assez important et il faut nécessairement qu’avec d’autres attributions comme la lutte contre la désinformation et le discours de haine aussi, on puisse avoir les moyens d’actions nécessaires pour sensibiliser et former les populations mais aussi les professionnels, faire de l’éducation aux médias et à l’information afin d’atteindre les objectifs fixés à travers ces réformes.

Minute.bf : Est-ce que vous pouvez nous dire la portée, les enjeux de cette nouvelle loi ?

La réponse dans cette vidéo ci-dessous ⤵️

Minute.bf : Est-ce à dire que les pages qui n’atteignent pas les 5000 abonnés seront-elles aussi surveillées ?

Louis Modeste Ouédraogo : Ces pages ne seront pas surveillées ou soumises à la régulation comme des médias. Mais, ça ne veut pas dire que les auteurs de ces pages pourront publier ce qu’ils veulent à souhait sans tenir compte des limites de la liberté d’expression, des limites légales. Voilà pourquoi je dis que nous n’avons pas la prétention de finir tous les problèmes sur Internet. Mais il faut savoir que la régulation faite par l’autorité de régulation qu’est le CSC n’est pas la seule qui s’opère sur le terrain d’internet. En fait il y a une complémentarité que l’État doit travailler à instaurer entre toutes les administrations publiques qui régulent la société. Je vous prends l’exemple du juge qui a un rôle important à jouer dans la régulation. À travers ses décisions qu’il prend sur les publications Facebook et autres, le juge est un régulateur de fait. Cela veut dire que lorsqu’il y a une décision qui sanctionne un internaute qui aurait manqué à la loi à travers une publication, cela constitue un acte qui va contribuer à réguler parce que ça va conseiller les autres, et permettre à l’auteur de s’amender, etc. C’est pour dire que pour les pages qui ne seront pas soumises à la régulation du CSC, il ne faut pas que leurs auteurs pensent qu’ils seront des hors-la-loi parce que le juge est là pour se saisir de toutes ces questions. Encore que dans la loi organique, le CSC a reçu les compétences pour pouvoir saisir le procureur du Faso pour connaître des infractions pénales commises sur ces réseaux sociaux ou d’autres plateformes de communication. C’es-à-dire que c’est ensemble qu’on pourra avoir un encadrement acceptable de la toile, des contenus internet. Ce qu’on espère pouvoir mettre en place à long terme, c’est un système de co-regulation mais une inter-regulation de type vertical ou horizontal qui va permettre de prendre en compte toutes les problématiques juridiques qu’on rencontre aujourd’hui sur le terrain de la communication au Burkina Faso.

Minute.bf : La loi n’est pas encore adoptée mais il y a déjà des grincements de dents. Quelles explications avez-vous à donner à ces personnes qui estiment que c’est un recul de la liberté d’expression ?

Louis Modeste Ouédraogo : Je voudrais rassurer l’opinion que la loi est générale et impersonnelle et qu’elle était nécessaire parce que la société en avait besoin. Il faut que tout le monde accepte le principe qu’il n’y a pas de société organisée sans loi. Sinon, c’est bonjour le désordre. Voilà pourquoi l’État a pris ses responsabilités pour prendre en charge ces questions nouvelles à travers la relecture de la loi et l’extension du champ aux réseaux sociaux. Je comprends qu’on puisse avoir des appréhensions à l’égard de certaines dispositions mais je voudrais les rassurer en disant que c’est tout à fait nécessaire que, dans toute société démocratique, la liberté d’expression puisse être limitée pour des motifs d’ordre publique, de santé publique, de sécurité publique, de moralité publique, de bonnes mœurs, etc. Alors, il faut que l’État trouve une base légale à la limitation de la liberté d’expression. Voilà pourquoi l’État met ça dans la loi. C’est tout à fait normal et c’est justifié.

On peut être jaloux de sa liberté jusqu’à ce que la liberté de quelqu’un nous fasse du tord un jour. Et là, on comprendra mieux l’attitude de l’État qui tend souvent à encadrer la liberté d’expression. C’est tout à fait normal dans un État de droit.

Je voudrais rassurer les plus sceptiques face à cette loi que tout d’abord, il y aura un contrôle de constitutionnalité. Si la loi sur le CSC viole les libertés fondamentales édictées par la constitution, le conseil constitutionnel va le relever et ces dispositions ne vont pas passer. Donc ça c’est déjà un garde-fou qu’il faut prendre en compte. Il y a également des garanties procédurales qui empêcheront au CSC d’abuser des prérogatives qui lui ont été conférées dans la loi. Ces garanties procédurales visent les droits de la défense. C’est-à-dire que personne ne pourra être sanctionné s’il n’a pas été entendue. Ce sont des garanties procédurales qui garantissent le respect des droits de la défense et ces garanties ont d’ailleurs été renforcées dans l’actuel projet de loi.

Il y a, troisièmement, le recours en justice contre les décisions de régulation du CSC que ce soit les décisions réglementaires ou les décisions individuelles qui viendront à porter atteinte au droit des personnes. Donc c’est pour dire que du point de vue des garanties, on peut dire qu’il y a des garde-fous juridiques qui existent et qui vont contribuer à préserver les libertés pour que ces libertés puissent rester dans le cadre de ce qui est prévu par la constitution. Mais qu’on ne nie pas à l’Etat son devoir de garantir une société saine, un exercice sain de la liberté d’expression, de garantir à travers cet encadrement, la paix et la stabilité de notre pays.

Minute.bf : Vous avez dit que c’est un retour à l’ancien système que l’institution veut effectuer. Quel est le bien fondé de ces nouvelles lois ?

Louis Modeste Ouédraogo : On a l’habitude de dire qu’il faut reculer pour mieux sauter mais quand on est en face d’un cas concret, on omet cela complètement. Pourtant, il faut reculer pour mieux sauter.

On a tenté une révolution, on a vu que nous ne sommes pas encore prêts. Des exemples sont là. J’ai dit qu’on n’a jamais respecté la loi correctement, par rapport à l’esprit qui a prévalu à l’instauration du système d’élection. On n’a jamais respecté la loi. Les gens ont toujours préféré faire des arrangements, ce qui nous a plongés dans des crises.

Faut-il intégrer le système d’élection, juste pour s’en contenter ? Faut-il le maintenir pour faire croire aux institutions internationales, que nous avons évolué ou que nous sommes démocratiques ? Ou bien, faut-il qu’on vive les retombées des élections à travers la pratique? Il faut qu’on se rende à l’évidence. Actuellement, on a expérimenté ce système, on a vu qu’on n’est pas encore prêt. Il ne faut pas foncer dans le tas en s’exposant comme cela.

Ici aussi, il faut savoir que rien ne s’impose parce que dans d’autres pays ça fonctionne. Il y a des pays qui ont expérimenté le système d’élection du président, ils ont vu les limites et ils sont revenus en arrière : le Bénin et la Guinée. En 2020, la Guinée est revenue à la nomination directe du président par le Chef de l’État, alors qu’ils ont expérimenté l’élection. C’est pour vous dire que la loi, elle, est faite pour les hommes et non les hommes pour la loi. Si la loi ne marche pas, on peut la changer pour l’adapter à nos besoins actuels ou à nos réalités actuelles. C’est ce que l’État est en train de faire.

Je voudrais ajouter également que la régulation c’est fondamentalement l’affaire de l’État. Les gens dans leur argument laissent croire que le CSC est l’affaire d’une corporation, des professionnels des médias. Non ! Ce n’est pas ça. C’est l’affaire de l’État. L’État peut faire une ouverture en demandant aux médias de venir l’aider à réguler le secteur, sinon, il y a l’auto-régulation. Il y a l’Observatoire burkinabè des Médias (OBM) qui est là. Est-ce que l’État peut aller au sein de l’OBM pour lui imposer des choses ? Ce n’est pas possible. Donc, qu’on ne confonde pas les deux. L’OBM, c’est pour les professionnels, le privé. Et le CSC, c’est une institution publique de régulation, donc fondamentalement l’affaire de l’État. On ne peut pas demander à l’État de faire exactement la volonté des professionnels au sein du CSC. Ça c’est important. Ce n’est pas parce que le chef de l’État va désigner un membre qu’il ne sera pas indépendant. Il a le devoir d’ingratitude qu’il peut exercer. De même, les membres que les Organisations professionnelles des Médias (OPM) vont désigner pour siéger auprès du CSC, ont ce devoir d’ingratitude. Parce que nous avons vu par le passé que ce qu’on pouvait reprocher à ceux qui sont désignés par le pouvoir, on pouvait le reprocher aussi à ceux qui sont désignés par les OPM.

C’est pour vous dire que chaque entité de désignation devrait faire en sorte que les personnes qui seront désignées soient des personnes compétentes et qui ont la conscience que leur indépendance sera capitale pour la réussite de leur mission. L’indépendance est une valeur intrinsèque et personnelle. L’indépendance juridique qu’on consacre à travers les dispositions sera vaine si vous envoyer des gens qui n’ont pas cette capacité d’être indépendant, d’assumer leur indépendance. Ces gens-là, de par leur comportement, pourront remettre tout en cause. Nous pensons que le fait que le chef de l’État désigne le président du CSC va nous permettre d’avoir une institution stable au départ, puisqu’antérieurement il y avait déjà crise au départ. Au moins, nous savons que si c’est le chef de l’État qui choisit le président du CSC, personne ne peut contester cela parce qu’il a agi dans ses compétences. Et c’est lui qui nomme aux hautes fonctions civiles et militaires, selon la Constitution. Le CSC n’en fera pas exception. On peut avoir des appréhensions mais il faut savoir raison garder. Maintenant, il y a à espérer que les autorités de désignation vont désigner des gens compétents qui pourront, une fois arrivée au CSC, être indépendants, c’est-à-dire, exercer leur devoir d’ingratitude qui existe dans la loi et qui leur permet d’être indépendants, à savoir, l’irrevocabilité de leur mandat. Si tu as un mandat unique, irrévocable, pourquoi tu ne peux pas faire ton travail ? Pourquoi tu vas recevoir des instructions ailleurs ?

Il y a aussi le fait que les gens se trompent quand ils pensent qu’au CSC, le président lui seul peut orienter les décisions du collège des conseillers. Il faut être au CSC, y avoir travaillé, avoir participé au conseil pour savoir que ça ne se passe pas comme cela. Les décisions sont collégiales et sont prises par consensus. A défaut, on passe au vote. Le Président du CSC ne peut pas peser jusqu’à un certain niveau sur une décision. Si quelqu’un nomme quelqu’un en pensant qu’il va pouvoir orienter ses décisions, il se trompe. C’est dans la pratique qu’il va se rendre compte qu’on ne peut pas le faire. On ne peut pas orienter les décisions du CSC à moins d’influencer tous les membres ou encore la majorité. Il y a tous ces aspects qui font qu’actuellement le débat ne doit pas aller plus loin que ça. Ce n’est pas un recul. On en voit ailleurs, ça fonctionne bien et ça ne souffre pas de crises. Je prends l’exemple à côté, en Côte d’Ivoire, on n’a jamais entendu qu’il y a eu un blocage, alors que le président a toujours désigné le président de l’Autorité de régulation. Alors, nous devons patienter, quand nous serons prêts, on pourra revenir au système d’élection. Sinon le système d’élection n’est pas mauvais. Ça renforce la légitimité de celui qui est élu. Mais nous l’avons expérimenté chez nous et ça n’a pas fonctionné. Peut-être, devrions-nous attendre un peu avant de revenir à ce système.

Minute.bf : Sur cette question de régulation des réseaux sociaux, faut-il s’attendre à ce que les créateurs de contenus aient un statut particulier ou comment cela va-t-il se passer ?

Louis Modeste Ouédraogo : En réalité, ce sont des éditeurs de contenus, non-professionnels. Ils ne peuvent pas avoir la carte de presse. La carte de presse, c’est pour les professionnels de l’information. Que cela soit déjà clair. Mais, on peut avoir une autre approche envers eux. Cette approche n’a pas encore été définie. Il va falloir que la loi entre en vigueur, que le président vienne préciser certains facteurs. Je ne pourrai pas vous dire comment ces acteurs seront pris en compte, mais je vous dis clairement qu’on ne peut pas les assimiler aux journalistes professionnels. La loi ne le permet pas.

Minute.bf : Un mot pour clore ?

Louis Modeste Ouédraogo : Un message, c’est de rassurer l’opinion sur, non seulement la nécessité de cette réforme mais aussi sur le fait que la réforme ne vise pas à restreindre les libertés. L’objectif principal, c’est non seulement d’encadrer les communications sur internet et les réseaux, donc de prévenir la société burkinabè contre la désinformation, les discours de haine, contre toutes les actions qui peuvent porter atteinte à l’unité nationale, à la sécurité, à l’intérêt général.

Aussi, c’est de rassurer que la réforme était nécessaire pour garantir au CSC un minimum de stabilité à travers la désignation de son président par le chef de l’État mais également, de renforcer les ressources du CSC, ce qui va rendre le régulateur plus fort pour lui permettre de mieux prendre en compte les questions de régulation parce que jusque-là, on faisait la régulation à minima. C’est pour amorcer une régulation ambitieuse de la société de l’information. On espère que tous les acteurs, publics comme privés, les bénéficiaires de la liberté d’expression, pourront accompagner ce processus de réforme dans l’intérêt de notre société.

Minute.bf

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