« Un peuple qui renie ses ancêtres ne peut pas défendre sa culture ». C’est la conviction de l’artiste – conteur – Forgeron KPG. De son nom à l’état civil Kientega Pengdwendé Gérard, ce natif du territoire de Naaba Rim Yè, commune de Arbollé, province du Passoré dans le Nord du pays, a fait de la valorisation de la tradition ancestrale africaine son principal combat. Dans ses ateliers, dans les universités, les écoles, au Burkina Faso et à l’international, le forgeron – conteur, enseigne, éduque, sensibilise et prêche la voie des ancêtres. Pour KPG, « le retour aux sources est une solution non-négociable pour qui veut se reconcilier avec lui-même et son histoire ». Dans cette interview exclusive qu’il a accordée au journal Minute.bf, il revient sur le métier de la forge, ses contours et sur l’importance du forgeron dans la société. KPG se prononce également sur l’importance du retour aux valeurs ancestrales et donne son avis sur l’instauration de la journée des Coutumes et traditions au Burkina Faso.
Minute.bf : Présentez-vous à nos lecteurs s’il vous plaît?
KPG: Je suis KIENTEGA Pengdwendé Gerard. Je suis artiste – conteur – Forgeron. Je viens du territoire de Naaba Rim Yè. Naaba Rim Yè, c’est le fils du Moogho Naaba Yãnefo. Donc je viens de ce territoire là, le territoire de Rimbiiga . Le chef actuellement, c’est Naaba Koom. Je suis forgeron de ce territoire-là. Je suis conteur depuis des années, depuis plus d’une vingtaine d’années. J’ai commencé l’art depuis les années 1996-1997. J’ai commencé par le théâtre et par la suite je suis devenu conteur. Aujourd’hui, je suis sollicité partout dans le monde entier pour partager la philosophie de la forge, le rôle de la forge dans notre société, la société traditionnelle. Parce que, malheureusement de nos jours, beaucoup de gens ne savent pas qui est forgeron, quel est le rôle que le forgeron occupait il y a très longtemps et quelle est la place que le forgeron occupait dans cette société dynamique, cette société moderne. C’est notre devoir en tant qu’artiste de porter cette mémoire-là, cette histoire, pour que les gens puissent comprendre que nos traditions ont des richesses, des richesses qu’on doit partager au reste du monde. Parce ce qu’un peuple qui n’a pas de richesse à partager est un peuple mort, un peuple qui n’a pas son mot à dire. Pour nous, il est important de montrer au yeux du monde que nos ancêtres étaient des grands alchimistes, des personnes capables de philosopher, des personnes capables de conduire l’humanité à travers leurs pensées. C’est pour cela que nous en tant qu’artiste, on veut exhumer et présenter ces savoirs endogènes qui transmettent des valeurs. Des valeurs qui permettent d’ériger l’humain au rang de l’humain, et de montrer aussi au reste du monde que nous ne sommes pas un peuple sauvage, un peuple qui n’a pas de vision ni de philosophie. Nous sommes un peuple qui a participé au développement du monde sur le plan psychologique, culturel, économique et social. Mais le problème aujourd’hui est qu’on n’arrive pas à le dire dans des instances où on doit nous écouter. C’est donc notre devoir en tant qu’artiste, qui avons la chance de voyager un peu partout dans le monde, de faire en sorte que les gens puissent connaître ce que c’est que notre culture et sa place dans le développement de l’humain.
Minute.bf : Dites-nous, c’est qui le forgeron ?
KPG : D’abord il faut préciser que dans la constitution traditionnelle de l’empire des Mossé, la société est subdivisée en corps de métier. Et chaque corps de métier joue un rôle spécifique dans le bon fonctionnement de l’ensemble des corps du métier. Le tisserand tisse avec le coton de l’agriculteur. L’agriculteur cultive le coton avec les outils du forgeron. Le forgeron fabrique les armes pour le Tansoba, mais le forgeron lui même ne fait pas la guerre. C’est à dire que c’était une société interdépendante et complémentaire…
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Minute.bf : Vous parlez des valeurs qui disparaissent. Avez-vous des idées à proposer pour la préservation de ces valeurs, nos racines ?
KPG: Je ne peux pas dire que j’ai une solution. Mais j’ai des idées que j’ai proposées. Moi j’ai initié à l’école ce qu’on appelle « le Conte à l’école ». Le conte est un canal de transmission et un outil pédagogique. A travers le conte à l’école, j’ai essayé d’intégrer la réduction de minerais de fer. Le but, c’est de faire comprendre le processus de réduction du minerais de fer et à travers cela, je raconte des histoires de cohésion, des histoires qui interpellent. Parce qu’une société où les valeurs orales disparaissent, c’est une société qui est amenée à disparaitre. Le conte développe les facultés cognitives de l’enfant. Le conte permet à l’enfant de développer son imaginaire. Le conte permet à l’enfant d’affronter ses peurs, ses rêves.
Avec ce projet de conte à l’école, nous avons pu parcourir une soixantaine d’écoles pour raconter des histoires et c’était des choses qui étaient bien. Malheureusement, nous n’avons plus eu les moyens pour continuer ce projet si noble. Vous remarquerez que dans les livres de lecture, il y a plusieurs contes. Mais demande à un enfant de raconter une histoire, il ne sait pas. Vous verrez que pendant les examens, il y a le récital, le poème, le chant, le dessin, mais il n’y a pas le conte. Alors que si on avait inscrit le conte comme discipline à l’école, ça permettrait aux enfants d’apprendre leur histoire. Cela leur permettrait de bosser leur histoire. Malheureusement, nous on va apprendre « la cigale et la fourmi » qui n’ont rien à voir avec notre société. Si on veut des hommes de demain intègres, il faut qu’on intègre nos racines. Que nos enfants soient fiers de leur racines, qu’ils soient fiers d’être forgerons, Nyonyoaga, Bôbô, peulhs, Yarga, etc. Il faut que les enfants soient fiers. Et cette fierté, c’est dans la transmission des valeurs, c’est en magnifiant nos référents, nos héros. Mais si un enfant vit au Burkina Faso et que sa référence c’est le père Noël qui est au Etats-Unis avec la neige, les traîneaux et tout cela, l’enfant vit au Burkina Faso mais il ne défend pas les valeurs du Burkina Faso. Ce que cet enfant peut faire c’est rêver d’aller là où il y a la neige. Chaque pays travaille ses valeurs, son éducation, pour que ses enfants soient fiers de lui. Pour que le Burkina Faso soit le Burkina, Pays des hommes intègres comme on le dit, il faut qu’on plonge dans nos racines au plus profond pour que cette sève nourrisse nos enfants, pour que cette sève d’intégrité coule dans les veines de nos enfants. Et ça, c’est maintenant qu’il faut le faire.
« Un peuple qui a perdu ses racines est un peuple dont la cime séchera complètement »
Minute.bf : Quelle place occupe le forgeron dans la société d’aujourd’hui ?
KPG: La place du forgeron est aujourd’hui en réalité reléguée au dernier plan. Aujourd’hui, le forgeron, c’est celui là qui est dans le quartier avec une petite enclume en train de taper sur le fer pour faire de petites choses. La forge qui est dynamique dans les autres sociétés ne l’est pas chez nous. Aujourd’hui quand on voit par exemple Mercedes, les gens sont fiers de dire : J’ai un véhicule Mercedes. J’ai une Toyota. J’ai un véhicule BMW. Mais tout ça ce sont des noms de forgerons qui existent dans les autres pays, dans les autres contrées. Mais nous, on a les Bamogo, on a Kinda, Kindo, des Kientega. Qu’est ce que nous on en fait ? Rien. Si on veut, qu’on prenne le caillou et qu’on tue 100 000 poulets, ce caillou ne va jamais se transformer en fer. Ce n’est pas possible. Il faut être logique. Nos ancêtres étaient des alchimistes mais ils étaient des gens qui étaient logiques. C’est scientifique. Quand on dit que Soumangourou Kanté s’est transformé en tourbillon-là, c’est parce qu’il maitrisait les éléments de la nature. Aujourd’hui, qu’est-ce que nous on doit faire pour acquérir le savoir de nos ancêtres qui maîtrisaient les éléments de la nature, qui étaient capables d’envoyer un sac de riz quelque part à leurs frères qui se trouvent à 1000 km? C’est des formules scientifiques qu’ils ont utilisées. Sauf que la façon de transmettre n’était pas très bien comprise de certaines personnes ou alors, cela n’a pas été bien transmis ou alors ça n’a pas été du tout transmis. Nous, nous sommes des jeunes qui aujourd’hui sommes en quête de savoir, de reconnaissance de notre culture. Nous devons faire en sorte que le forgeron puisse jouer pleinement son rôle.
Aujourd’hui, à titre d’exemple, quand tu vas à quelque part et que tu vois un enfant avec qui tu veux jouer à la parenté à plaisanterie, il te dira que c’est trop rétrograde et que c’est ancien. A la limite, l’enfant va s’énerver et t’insulter. Il ne comprend même pas pourquoi toi tu dis que tu es son parent à plaisanterie. Il ne comprend pas alors que la parenté à plaisanterie n’a rien à voir avec l’âge. Ça n’a rien à voir avec la richesse, ça n’a rien à voir avec le statut. Un petit de rien du tout peut jouer avec quelqu’un qui est riche, quelqu’un qui est âgé, et puis ça fonctionne. Cela permet de donner une certaine harmonie à la société. Mais aujourd’hui, ça n’a pas été enseigné. Je reviens toujours à l’éducation parce que quelque chose qui n’a pas été transmis, quelque chose qu’on ne t’a pas dit, tu ne le sauras jamais. Quelque chose que tu n’as jamais vu, n’existe pas. Une chose qu’on ne t’a jamais dite n’existe pas. Si depuis ton enfance on ne t’a jamais dit qu’il y a un forgeron, tu ne sauras pas qu’il existe des forgerons. La question ici, c’est de faire en sorte de respecter et de faire connaître notre culture. Ce n’est pas seulement la forge qu’on ne connait pas. Il y a beaucoup de choses qu’on a laissées tomber. Et un peuple qui a perdu ses racines est un peuple dont la cime séchera complètement. Et petit à petit c’est tout l’arbre qui va sécher.
Minute.bf : Justement, en parlant de retour aux racines, les autorités de la transition ont instauré la journée du 15 mai comme désormais consacrée aux coutumes et traditions. Qu’en pensez-vous ?
KPG: Déjà, je trouve que c’est une très belle initiative. C’est une très bonne idée, et je dis merci aux autorités d’avoir pensé à cela. Parce que il n’y a que ça qui permettrait qu’on nous respecte. Les autres communautés, les autres religions, ont une date, un jour. Aujourd’hui, c’est un pas énorme pour nous qui croyons en nos ancêtres, qui croyons en nos racines. Je suis noir, Burkinabè. Je crois en mes racines burkinabè et c’est ce type d’initiative qui vient nous rassembler. Je l’espère. Et j’espère également que ça va être très bien organisé parce qu’il ne suffit pas de choisir une date. Il faut d’abord que les traditionalistes s’organisent. Sinon ça va être du brouhaha. Il appartient aux premiers responsables de notre tradition de donner le signal pour que nous on puisse suivre. Moi je ne suis rien. Je n’ai rien. C’est pourquoi je dis qu’il faut que ça soit très bien organisé parce que c’est très important…
Vidéo – « Chacun connaît sa place dans nos traditions«
Minute.bf : Comment peut-on bien organiser cela pour y donner du contenu ?
KPG : Il y a une chose qui se fait tout seul dans la vie. Je vais vous raconter une anecdote: Quand quelqu’un veut se marier, il y a beaucoup d’organisation, on fait beaucoup de réunions. Il y a beaucoup de comité d’organisation, de commissions, etc., pour organiser le mariage. Mais quand il y a des funérailles, il n’y a pas de réunions. Chacun connaît sa place dans la tradition. Qui vous a dit que lorsque tu vois un canari avec des plumes sur la voie publique, il ne faut pas l’écraser et qu’il faut le contourner? Quelqu’un vous a-t-il dit cela? Mais lorsque vous voyez ça vous savez quoi faire. Chacun connaît sa place dans la tradition. Le jour où les gens ne sauront pas leur place, c’est là que les dérives vont venir. C’est pour cela que je dis qu’on attend le signal, parce que je sais que chacun connaît sa place. Et je sais également que comme ça été décrété, les responsables vont s’organiser et ils vont nous appeler pour donner le signal et puis on va suivre.
Minute.bf : Vous faites des démonstrations extraordinaires lors des ateliers de la forge que vous initiez. On le voit souvent sur vos canaux de communication. Vous marchez même sur le feu. Comment y parvenez-vous ? Serait-ce de la sorcellerie ?
KPG: Sorcellerie? (Rires). Déjà, je vais dire une chose simple. Quand Jésus a marché sur l’eau, on dit que c’est un miracle. Mais quand nous on marche sur le feu, on dit que c’est de la sorcellerie. Lorsque Naaba Wobgo est reparti au Ghana pour s’organiser avant de venir, ils ont dit que le Moogho Naaba Wobgo a fui pour aller au Ghana. Mais lorsque Napoléon a échoué à Sainte-Hélène, on dit qu’il a fait un repli stratégique. Vous savez, le choix des mots est très important pour la mémoire et la pensée d’un homme. Entre fuite et repli stratégique, c’est quoi qui est glorieux ? C’est très important de choisir les mots pour pouvoir nommer ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. Quand quelqu’un ne t’aime pas, dans tout ce que tu fais, il va trouver toujours quelque chose de mauvais. On aime à dire que si quelqu’un est debout et qu’on ne le voit pas, s’il est assis on ne le verra pas non plus. Il y a une forme d’attaque de notre culture, de nos traditions, pour pouvoir réduire ça au fétichisme, à la sorcellerie. Pourquoi ? Qu’est ce qui est sorcellerie dans ce que nous faisons? C’est de la science. C’est de la métaphysique. Quelqu’un qui marche sur le feu, c’est de la science. Cela veut dire qu’il a compris les éléments et essayé de les associer pour que ça puisse être incombustible. Que tu rentres dans le feu et que ça ne te brûle pas, c’est aussi le cas. Mais quand c’est quelqu’un d’autre, on va dire que c’est un miracle. Lorsqu’on prie à l’église et qu’on fait un geste de la main, et puis les gens tombent, on dit que c’est un miracle, non? Mais quand nous on fait, on dit que c’est de la sorcellerie. Il y a un problème. Ces mêmes personnes qui font ça là, ce ne sont pas des blancs qui prient, ce sont des noirs. Le Noir même décide que pour eux, c’est miracle, et que pour lui, c’est de la sorcellerie. Franchement, il faut qu’on arrête cela. Parce que là, on est en train d’insulter nos ancêtres. C’est pour cela que j’ai toujours dis qu’un peuple qui renie ses ancêtres ne peut pas défendre sa culture. C’est très très important pour nous. Pour moi, c’est essentiel.
« Quand on va sortir de cette hypocrisie, ça va beaucoup aider »
Minute.bf : Pensez-vous que ce retour aux sources que vous prônez pourrait nous ramener la paix dans le contexte actuel?
KPG: Ce que je vais dire est un peu paradoxal mais c’est important que je le dise. Déjà, dans le retour aux sources et le recours à la source, on peut jouer sur un mot. Il y a retour, il y a recours, c’est toujours les mêmes « r » qui sont là, le préfixe « re ». Entre retour et recours, il y la cour et puis il y a la tour. C’est dans la cour qu’on construit la tour. Et si la cour est petite, tu auras forcément une petite tour. Je dis ça parce que dans notre société, les gens ne connaissent même plus le chemin. Il y a beaucoup qui ne connaissent plus le chemin. Il y a beaucoup qui veulent repartir mais qui ont peur parce que c’est loin. Il y a beaucoup qui veulent y aller, mais ils voient que c’est sombre, c’est flou, c’est noir. Ils n’ont pas le courage. Il y a d’autres aussi qui connaissent le chemin, mais qui font peur à ceux qui veulent partir. Il y en a qui sont là, qui encouragent les autres à partir. C’est paradoxal ce que je suis en train de dire, mais il faut tenir compte de tout cela.
La situation de crise dans laquelle on vit aujourd’hui se justifie par ce que j’ai dit tantôt: celui qui dénigre ses ancêtres ne peut pas défendre sa culture. Pourquoi? Parce que tout simplement, si je respecte les ancêtres, il y a des choses que je ne ferai pas. Les ancêtres me disent quoi ? Toi et puis un yargha, vous êtes les mêmes. Lui et un samo ils sont les mêmes. Le malheur de celui là, c’est ton malheur. Si on respectait cela, il n’y aurait pas de guerres. Si on respectait les mécanismes d’union de notre société, on ne se retrouverait pas là. Maintenant on a rejeté notre culture et on cherche des solutions. On est parti là-bas et maintenant qu’il y a un problème, on revient pour chercher la solution ici. C’est maintenant qu’on va appeler les gens qui ne savent même plus de quoi il s’agit pour leur demander de l’aide. Ils n’ont pas transmis notre culture, les enfants ne connaissent pas notre culture. Il y a même des gens qui sont fiers que leurs enfants ne parlent pas leur langue. Il y en a qui sont fiers de dire : « Moi mon fils ne part pas au village. Il y a les sorciers là-bas ». Il y a des gens qui ont honte d’aller faire des sacrifices et qui se cachent pour aller chez les marabouts, les devins, mais ne se cachent pas pour aller à l’église. Quand nous on fait nos traditions, on fait sortir des masques et tout ça, on ne se cache pas pour le faire. Moi je fais ma forge, je ne me cache pas et s’il y a des sacrifices à faire je le fais. J’égorge mon poulet et puis je demande la paix sans avoir honte de cela. Mais il y a des gens qui ont honte et qui pensent que c’est trop ancien. Ils ne veulent pas s’associer à ça mais c’est la nuit qu’ils le font. C’est de l’hypocrisie. Quand on va sortir de cette hypocrisie, quand on va s’assumer, je pense que ça va beaucoup aider dans notre situation actuelle.
Il faut que chacun dans son intime conviction puisse respecter la tradition, tenir à quelque chose, parce que toutes les religions du monde prônent la même chose: le respect de l’autre. A partir du moment où on va respecter l’autre, il n’y aura plus de problème. Mais tant qu’il n’y aura pas le respect de la différence, on ne va pas s’en sortir. Regardez! Qu’est-ce qui fait la force de la forêt ? Les grands arbres qui se trouvent dans la forêt, c’est quoi qui fait leur force? Ce sont les petits arbres autour. C’est parce qu’il y a des arbustes, des buissons qui protègent les grands arbres en cas de tempête que le grand arbre est là et puis il ne tombe pas. S’il n’y avait pas ces arbustes et les buissons, lorsque viendra la tempête, le grand arbre va tomber. C’est en respectant ces différences, en respectant ces petitesses, que nous allons nous en sortir.
Minute.bf : Pouvez-vous nous citer des patronymes de forgerons chez les Moosé?
KPG: Il faut savoir que beaucoup de forgerons s’identifient à leurs outils de travail. Et c’est cela souvent qui donne les patronymes pour les éléments de la forge. Tout d’abord, je voudrais préciser qu’au niveau de la forge, il y a 7 portes qui existent. Et ces 7 portes représentent également les 7 portes de l’univers. C’est à travers ces portes qu’on magnifie la Vie. C’est à travers ces portes qu’on magnifie la Création. C’est aussi à travers ces portes qu’on magnifie la mort. Les outils que les forgerons utilisent comme patronymes après « Badmoogo » qui veut dire Bamogo, il y a Kindo, Kientega, Yiougo, Zorome, Zonon, Zalle, Zãanre, Koudougou. Tous ces patronymes qui existent, ont un lien avec la forge. Mais il y a des gens qui portent ces noms et qui ne sont pas des forgerons. A l’époque de l’esclavage, il y avait des questions d’impôts. Et avec les questions d’impôts, quand tu arrives par exemple chez nous au village, il y a des Bamogo, Kientega. Quand on sait que les Bamogo ont payé l’impôt et que les Kientega n’ont pas payé, tous les Kientega disent qu’ils sont des Bamogo et qu’ils sont les mêmes. Donc il y a d’autres aussi qui sont devenus Bamogo, Kientega par la force de l’esclavage ou bien par la force des problèmes qu’ils ont vécus. Avec les razzias et tout, chacun change de nom de famille. Je connais des Sawadogo qui sont des forgerons, des Ilboudo qui sont des forgerons et même des Ouédraogo qui sont des forgerons. Mais ce n’est pas leurs noms de famille. Les vrais noms de famille de forgerons, c’est ceux que j’ai cités plus haut. C’est toujours en lien avec le métier de la forge, tout ce que j’ai dit par rapport au 7 portes de la forge qui existent.
Minute.bf : Un dernier mot pour conclure ?
KPG: Je dis merci à Minute.bf, pour l’intérêt qu’il porte au métier de la culture et de la forge en particulier. Ça nous permet de parler de ce métier de la forge qui est laissé en désuétude mais qui joue pourtant un rôle important dans la cohésion et la sauvegarde de notre patrimoine traditionnel. Longue vie à vous! Gratitude à l’Entité suprême, aux esprits du ciel, à l’autel sacré de la terre mère, à l’autel de l’intarissable et amovible, à toutes les énergies bienfaisantes, aux hommes et aux femmes de pouvoir. Gratitude!
Vidéo – Un peu d’ambiance avec la troupe de l’artiste Conteur KPG
Propos recueillis par Armand KINDA et Oumarou KONATE
Minute.bf