Dans quelques heures, les fidèles musulmans vont commémorer la fête de l’Aïd El fitr, marquant la fin du mois de Ramadan. D’ordinaire, cette fête musulmane ainsi que celle de l’Aïd El kebir, arrivent comme des temps de moisson pour les marchands de bétail et autres ruminants. Mais, depuis quelques temps, et particulièrement cette année, les affaires ne marchent pas. C’est du moins le constat fait par une équipe de Minute.bf, dans quelques marchés à bétail de la ville de Ouagadougou, ce jeudi 20 avril 2023.
Ouagadougou, marché à bétail de Tanghin, il est exactement 10h 35 min. Nous sommes dans un marché presque vide de monde. L’ambiance n’est pas à son beau fixe. Rien ne laisse présager la veille d’une fête de l’Aïd El fitr. Lassés d’attendre des clients qui ne viennent pas, plusieurs marchands se sont repliés à l’ombre des arbres. Notre entrée sur le site suscite de l’espoir. Tous accourent à notre rencontre. « Venez voir! Venez par ici. Qu’est-ce que vous voulez? Il y a des gros moutons par ici. Moi j’ai de gros béliers venus tout droit de Dori. Vous ne serez pas déçus », vantent presque en chœur les marchands de leurs animaux qui emplissent les lieux de leurs bêlements. « Nous ne sommes pas là pour faire des achats. Nous sommes des journalistes », les repliquons-nous. Il n’aura pas fallu plus pour ramener chacun d’eux sous son hangar. Quelle déception, eux qui pensaient avoir trouvé des clients.

Ousséni Diallo est l’un de ces marchands de bétail au marché de Tanghin. Depuis huit années maintenant, il convoie des moutons de Kaya à Ouagadougou quand arrive la période des fêtes. Les prix de ses bêtes varient entre 70 000 FCFA et 350 000 FCFA mais certaines espèces rares peuvent atteindre les 400 000 FCFA. De sa longue expérience dans ce commerce, il dit avoir rarement vécu une periode aussi caniculaire que celle de cette année.
« Cette année, le marché n’est pas du tout ça. Les clients ne viennent pas. Peut-être que ça va venir après, sinon actuellement ça ne paye pas. L’année passée à l’heure actuelle, moi je n’aurais même pas eu le temps pour faire ce qu’on est en train de faire là, tellement il y aurait du monde. Ça fait 08 ans que j’envoie les moutons de Kaya au marché ici, mais la morosité du marché cette année là, aussi est particulière », déplore-t-il. Même si depuis le matin, il n’a vendu qu’un seul ruminant, Diallo dit garder espoir que jusqu’à la tombée de la nuit, la clientèle va affluer.

El Hadj Yacouba Traoré est aussi un marchand de bétail dans le marché de Tanghin. Taureaux, béliers et chèvres sont entre autres ruminants qu’il propose aux clients. Il est par ailleurs le président du marché à betail de Tanghin. Lui aussi confirme la morosité du marché de cette année.
« Vous-même vous pouvez le remarquer. On n’a pas besoin de le dire encore. Voyez comment le marché est vide. Les gens ne viennent pas acheter. A cause de la situation du pays, les gens ne pensent pas à la fête. Ceux aussi qui viennent acheter proposent des prix qui ne sont pas trop ça. Donc, finalement on ne parvient pas à s’entendre », avoue-t-il.

Justement, parmi les rares clients du jour de M. Traoré, figure Kassoum Zida. Venu se trouver un mouton pour passer la fête avec sa petite famille, c’est finalement les bras ballants qu’il est ressorti des lieux. Il déplore une hausse vertigineuse du prix des moutons. « J’étais venu me procurer un mouton pour passer la fête avec ma petite famille mais finalement je pense que je vais laisser tomber. Les moutons sont là, mais c’est intouchable. C’est trop cher. D’habitude, c’est à la Tabaski que j’achète mais cette année, je voulais faire l’exception », explique-t-il, ajoutant qu’il va devoir se contenter de poulets pour cette fois.

Après le marché à bétail de Tanghin, nous mettons le cap sur celui du quartier Cissin. C’est là que Mahamadi Sawadogo, un autre marchand de bétail, commerce. Contrairement aux autres marchands, lui trouve le marché plutôt positif cette année. « Ici en tout cas, nous rendons grâce à Dieu. C’est vrai que c’est pas encore fini, mais il y a le marché. On arrive à s’en sortir. Par jour je peux vendre au moins 10 à 15 ruminants. Je ne m’en plains pas », nous dit-il, précisant que les prix de ses ruminants oscillent entre 50 000 FCFA et 200 000 FCFA et plus.
Si les vendeurs de petits ruminants arrivent à s’en sortir avec quelques rares clients, la situation des marchands de gros ruminants est encore plus pénible. Les marché est quasi inexistant pour eux. C’est la situation que nous décrivent El Hadj Abdoul Karim Ouédraogo et ses frères, qui proposent des boeufs à l’entrée du marché à bétail de Tanghin. « Vraiment, on ne sait pas comment décrire la situation. C’est dur et même très dure. Figurez-vous que depuis hier, on n’a rien vendu du tout. Alors que nous aussi, on comptait sur la fête pour faire de bonnes affaires. Cette année là est vraiment dure », se lamente El Hadj Ouédraogo qui dit imputer ce fait à la crise que traverse le Burkina Faso.

Pour lui, seul le retour de la paix dans le pays pourra ramener les choses en ordre. Il dit formuler donc le voeu que la paix revienne au Burkina afin que les bonnes affaires reprennent. « On prie Dieu pour qu’il aide nos autorités à ramener la paix seulement. C’est tout ce qu’on demande. Parce qu’on sait que si on a la paix, le reste va venir », se convainc-t-il.
Oumarou KONATE
Minute.bf