Larlé est un quartier populaire situé en plein cœur de la ville de Ouagadougou, precisement dans l’arrondissement N°2. Dans ce quartier emblématique de la capitale politique du Burkina Faso, un phénomène inquiète les résidents ces dernières années : la construction des magasins destinés à stocker tous types de produits commerciaux et souvent des produits toxiques ou explosifs. Sous les alertes incessantes des habitants, www.minute.bf a dépêché une équipe sur place pour des constats et recueillir des témoignages.
Sous les menaces des propriétaires de ces magasins déjà construits où en cours de construction, les résidents que nous avons rencontrés le lundi 5 septembre 2022 ont préféré témoigner sous anonymat. «Les magasins sont là, il y a des gros camions qui viennent garer pour décharger des produits dont on ignore la nature mais parfois ce sont des produits chimiques », confie un riverain. Or, selon eux, les textes sont clairs en la matière. « Il est interdit de construire un magasin dans les lieux d’habitation. Le ministère de l’urbanisme a catégorisé 3 points et les magasins font partie de la catégorie des stations services. Pour construire un magasin, il faut aller en zone commerciale ou tu fais un déclassement et ça, la procédure est difficile. Comme les commerçants savent qu’ils ne peuvent pas suivre cette procédure de déclassement, ils jouent sur l’ignorance des riverains pour construire les magasins », explique un autre résident.
La crainte des populations ne se limite pas seulement aux contenus des magasins. Le transport des marchandises au niveau des entrepôts cause d’énormes soucis aux riverains de Larlé. «Il y a des camions hors gabarit qui viennent et barrent les routes. Il y a eu un cas où un camion est rentré dans la maison de quelqu’un ici. Heureusement que la personne était en voyage», témoigne un habitant.
Mais que fait l’autorité et que dit-elle face à ces agissements ?
A Larlé, l’autorité publique est pointée du doigt. Elle est surtout accusée de passivité ou de manque de rigueur dans l’application des lois. D’autres interlocuteurs que nous avons approchés soupçonnent même l’autorité de complicité avec les propriétaires de magasins.
«Quand nous on saisit l’autorité, elle vient marquer arrêt de chantier, repart et ne revient pas. Les commerçants reviennent quelques temps après et continuent le chantier. Souvent ils construisent nuitamment », deplore un interlocuteur. Ce dernier souhaite que l’autorité applique la loi dans toute sa rigueur pour dissuader au sens propre du terme ce qu’il qualifie de «commerçants récalcitrants ».
«Nous appellons le ministère de l’urbanisme à mettre en pratique le protocole qui part jusqu’à démolir la maison », lance-t-il avant de s’interroger : « ils sont complices ? Pourquoi l’Etat est si passif oubien il veut que le pire arrive avant d’intervenir ? ».
Déterminés à contraindre les promoteurs de magasins à changer de plan, les résidents se reservent pour le moment le droit de passer à d’autres méthodes si le gouvernement n’agit pas concrètement. « Sur un rayon de 100 mètres, il y a 13 magasins qui sont construits. J’ai pris la peine de les compter. On ne veut pas que notre secteur devienne comme Sankar-Yaaré (un grand marché de marchandises diverses situé à Ouagadougou, ndlr). Quand on va se lever pour prendre des initiatives personnelles pour casser, on va dire que c’est de l’incivisme », préviennent-ils.
A la question de savoir si un cas palpable de produit chimique a déjà été découvert dans la zone, le résultat est sans appel. Une grande quantité d’un produit chimique similaire, selon eux, à celui qui a causé l’explosion au port de Beyrouth au Liban faisant plus de 2000 morts a déjà été découvert dans le quartier. « On a découvert dans un entrepôt ici, 11 plateaux de nitrate d’ammonium, le produit qui a explosé à Beyrouth. On était obligé d’aller voir la brigade de répression des fraudes pour qu’elle vienne les déloger. Imaginez si ce produit explose ici, une maison qui peut rester si ce n’est pas le stade du 04 Août », révèle un habitant visiblement agacé.
La transition comme dernier rempart pour la résolution du problème
Fatigués de vainement interpeler l’autorité sur la question et visiblement impuissants face à ce fléau, les résidents de Larlé placent leur dernier espoir aujourd’hui aux autorités de la transition. Ils croisent les doigts en espérant que la réforme de l’administration annoncée par le président du Faso Paul-Henri Sandaogo Damiba permettra d’anéantir, selon leurs dires, « les brebis galeuses qui bloquent [leurs] dossiers de plaintes ».
« Nous avons commencé à manifester depuis 2020 et nous sommes maintenant dépassés. En 2020 nous avons adressé une lettre au Maire de l’arrondissement 2, Pierre Yanogo mais nous n’avons pas eu de suite. Comme c’est la transition, on espère que les choses vont bouger. Il faut débusquer ces agents indélicats qui sont au ministère de l’urbanisme », recommandent-ils.
L’Etat à travers son département en charge de l’urbanisme est vivement interpellé par les résidents. « Que le ministère de l’urbanisme et des affaires foncières prenne ses responsabilités. Qu’il ait un regard sur la construction anarchique des infrastructures commerciales, sur les parcelles d’habitation. Il faut que l’Etat tape le poing sur la table », conseille un autre résident ivre de colère.
Les résidents ont aussi adressé une lettre au Ministère le lundi 5 septembre 2022 pour encore tirer la sonnette d’alarme sur la problématique.
Voici ci-dessous la lettre qu’ils disent avoir adressée au ministre en charge des affaires foncières
Pour memoire, 05 personnes avaient perdu la vie en juillet 2014 suite à une explosion dans ce même quartier Larlé. La détonation avait été causée par des produits explosifs destinés aux orpailleurs et qui étaient stockés dans un magasin, selon les enquêteurs de la gendarmerie à cette époque.
Mouni Ouédraogo
Minute.bf