jeudi 12 décembre 2024
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Burkina/Organisation des assises nationales : « C’est une escroquerie intellectuelle » (Da Sié de Bindouté)

Da Sié de Bindouté, sociologue et analyste politique, dans une interview téléphonique accordée à votre journal Minute.bf le 20 mai, estime que l’organisation des assises nationales prévues les 25 et 26 mai 2024, est inutile. Il appelle le capitaine Ibrahim Traoré à mettre de côté les politiques, à supprimer l’assemblée législative de transition (ALT), à suspendre la constitution et à gouverner par ordonnance. Lisez plutôt !

Minute.bf : Que pensez-vous de la tenue des assises nationales les 25 et 26 mai 2024?

Effectivement on a vu que les assises ont été convoquées et maintenant on parle de la participation des partis politiques et des organisations de la société civile. Moi je pense que c’est de l’escroquerie intellectuelle et ce sont des problèmes même qu’on se crée. Les mêmes partis politiques ont été suspendus. La Société civile a montré ses limites également. Quand on prend les partis politiques de façon globale, est-ce qu’aujourd’hui les Burkinabè sont prêts à entendre ces partis politiques là qui ont géré le pays pendant une trentaine d’années et qui n’ont pas pu, non seulement redresser le pays, mais aussi lutter efficacement contre le terrorisme ?

Pendant la période chaude de cette guerre, combien de partis sont sortis faire des déclarations de résistance ? Combien sont sortis, pour ne serait-ce que dire au peuple de résister ? Tout le monde a passé son temps à dire que notre armée n’est pas forte, les militaires ne valent rien, leur place c’est au front. On a passé tout le temps à dénigrer l’armée. Personne ne s’est levé un jour, pour dire qu’il faut organiser le peuple pour la résistance, il faut payer le matériel. On voyait comment Roch Marc Christian Kaboré avait même des problèmes pour équiper l’armée.

Ceux qu’on pourrait dire de l’Opposition, qu’est-ce qu’ils ont fait véritablement, si ce n’est des rencontres, et sortir critiquer ? Voilà l’escroquerie intellectuelle ! On ne peut pas s’asseoir dans un pays et un, deux, trois c’est au nom de la démocratie ; un, deux, trois, je dis non. Donc, personnellement, les partis politiques actuellement, je pense qu’ils ne sont même pas légitimes pour sortir parler de l’avenir de ce pays. Combien de partis politiques sont patriotes ? Combien peuvent rassembler les gens ? Le problème est que quand le MPSR II est arrivé au pouvoir, ils n’ont pas fait le diagnostic de la société burkinabè. Ils n’ont pas fait l’état des lieux de la situation du pays. Donc, chacun pense qu’il est légitime.

Il faut que les gens suppriment les partis politiques, suppriment certaines Organisations de la société civile pour reconstruire le pays. Vous ne pouvez pas prendre des gens qui ont conduit le Burkina là où il est aujourd’hui et leur demander des propositions. Aujourd’hui, on dit qu’on les convoque. Est-ce qu’ils sont légitimes? En quoi est-il urgent de convoquer les partis politiques aux assises ? Quand on voit ce peuple qui a saigné pour que le Président puisse équiper l’armée, pour que l’armée ait aujourd’hui le courage total d’aller au front et de faire face à ces attaques, les partis politiques n’ont pas leur place à ces assises.

Combien de partis politiques sont sortis pour dénoncer ces attaques dites terroristes pour dire qu’il s’agit de la recolonisation de l’Afrique ? Je ne vois pas. Combien d’organisations de la société civile, d’associations sont sorties pour dénoncer cela ? Moi je n’ai pas vu. Donc, aujourd’hui, dire qu’il faut aller aux assises nationales et convoquer les partis politiques, je pense que le Président Ibrahim Traoré lui-même a manqué de tactique politique.

Dans ce contexte politique, on n’a pas besoin de repartir convoquer les partis politiques, lesquels ont été d’ailleurs suspendus. C’est de l’escroquerie intellectuelle et c’est pourquoi les occidentaux disent que les Nègres ne peuvent pas se gouverner eux-mêmes. Le Président Ibrahim Traoré, quand il est venu, les gens se sont organisés pour le soutenir, pas parce qu’il a des milliards ou parce qu’il est mieux, mais parce que les gens se sont retrouvés en lui. Cette légitimé, ce charisme même fait de lui déjà quelqu’un sur qui le peuple compte, l’espoir. Donc, il ne faut pas encore venir humilier ce peuple en lui disant d’aller aux assises nationales.

Quand vous prenez la société civile, c’est qui ? Ce sont les antichambres des ONGs et des Occidentaux. Ce sont les gens de la société civile qui permettent aux Occidentaux d’intervenir directement dans les affaires intérieures des Etats. Une association peut produire un rapport et au nom de cela seulement, l’Occident va vous déranger sur les droits de l’homme, les questions de liberté.

À un moment donné, il faut savoir qui nous sommes. Il faut savoir où on va. La question de la société civile est une question qu’il faut déconstruire. Est-ce qu’aujourd’hui en Occident, ils parlent de société civile ? Ils ne parlent pas de société civile. Vous pensez que c’est une association ou c’est l’opposition en France qui va défier Macron ou se lever pour perturber le programme du gouvernement ? Mais ici, tout le monde est opposition et société civile. C’est pourquoi moi je dis que le mot opposition, il faut le supprimer. On est venu nous fabriquer des choses. Les intellectuels aussi qui ne sont pas aussi profonds, sont dans la superficialité. C’est eux qui emploient tous les mots tous les jours. Les Etats de droit, la démocratie, je pense que c’est incongru. Le peuple ne méritait pas que Ibrahim Traoré le traîne encore dans des questions d’assises nationales.

Moi je suis contre ces assises, je ne veux pas qu’on humilie encore ce peuple et qu’on le trimballe dans des questions politiciennes. Quel est aujourd’hui l’homme politique digne de ce nom qui peut encore sortir pour parler politique ? On les connaît tous dans ce pays. On sait comment chacun a volé, chacun a menti, trahi ce peuple. Si Ibrahim Traoré veut aller loin, il doit se démarquer de ces approches politiciennes. Ses conseillers politiques l’ont très mal conseillé sur ce coup. Les hommes politiques, c’est des gens même qu’on devait enfermer. Parce que ce sont eux qui ont mis le pays dans ce pétrin. Faisons comme en Occident où ils ne tardent pas à tuer et enfermer leurs leaders pour trahison. Les prisons ont d’ailleurs été inventées pour cela.

Notre problème, ce sont les partis politiques et la société civile. Et ce sont ces gens là qu’on va encore convoquer pour discuter de l’avenir du pays ? Regardez l’imbroglio qu’on a créé autour de cette transition. On a levé la suspension de la Constitution. Le président est même allé prêter serment. Il y a eu la charte de la transition. C’est un imbroglio et moi j’accuse les juristes et autres constitutionnalistes. Le capitaine Ibrahim Traoré devait être au dessus de tout cela. Malheureusement, je trouve que c’est un désordre politique et le président ne devrait pas se mettre dans cela. L’incongruité est qu’on l’appelle président de la transition. Transition est le nom de quel pays ? Les assises ne sont ni légitimes, ni opportunes. C’est le président qui doit décider de ce que le Burkina va être. On a vu tout le monde ici. On n’a donc plus besoin d’aller vers ces partis politiques pour parler de l’avenir de ce pays.

Minute.bf : Quel schéma proposez-vous pour la suite de la transition?

D’abord, le concept de transition comme je l’ai dit plus haut, est incongru. Moi, je n’aime pas ce concept là, et je ne sais pas pourquoi dans un pays il faut aller compartimenter les choses comme cela. Ça n’a pas de sens. Je m’oppose à la notion de transition parce que les Occidentaux sont les mêmes qui ont pratiquement organisé tous les coups d’État contre les gouvernements socialistes, dans les années 60 à 90. Et ils ont placé des militaires, des gens qui ne valaient rien parce qu’ils ne voulaient pas seulement que les pays avancent.

Aujourd’hui après le discours de La Baule en 90, les mêmes Occidentaux, ce sont leurs propres gens qu’ils ont mis au pouvoir qui se sont transformés en démocrates. Mais cela n’a pas été appelé transition. Pourquoi aujourd’hui, dans ce contexte précis, on parle tout temps de transition? Il y a quelque chose qui ne va pas et il appartient aux intellectuels africains, burkinabè de réfléchir et de déconstruire les choses. Moi, je ne me mets pas dans cette perspective fallacieuse de démocratie, de droit de l’homme, de liberté, etc. L’Occident n’est pas un modèle sociétal ni un modèle politique. On connaît l’histoire de l’Occident, le sang qu’il a versé pour se construire. Et le sang qui se verse aujourd’hui en Afrique, c’est à cause de leur intervention parce qu’ils veulent que des froussards dirigent l’Afrique.

Pour moi, la suite qu’il faut donner à la transition, c’est quoi ? Nous demandons au MPSR II de nous donner le programme qu’il avait en faisant le coup d’État, afin qu’on voit quels sont leurs objectifs. Et il leur appartient maintenant de décider de l’orientation qu’ils vont donner à ce pays. Qui parle des élections aujourd’hui au Burkina Faso? Ce sont les politiciens et la société civile parce que c’est à travers cela qu’ils sont financés par les ONG. Le peuple Burkinabè aujourd’hui, les pauvres paysans qui sont là, est-ce qu’ils ont besoin d’élections pour survivre ? Est-ce que ce sont les élections qui les préoccupent ?

La priorité aujourd’hui, c’est de vaincre cette guerre coloniale, c’est de vaincre cette guerre de recolonisation. La priorité n’est pas de parler de démocratie, de droit de l’homme ou de liberté. Il faut donc vaincre cette guerre d’abord avant de trouver quel chemin nous allons prendre pour la suite. Tout ce que l’Occident a aujourd’hui, on estime que cela a été possible grâce à la démocratie. Mais les gens ne savent pas que c’est le résultat des guerres inhumaines qu’ils se sont faites ou qu’ils ont faites. Quand on ne connaît pas l’histoire de l’Occident on peut répéter mécaniquement ce que les ONG et les occidentaux eux-mêmes disent. Chez eux, ils n’ont pas évolué comme cela. Mais aujourd’hui, c’est eux qui se prennent pour des modèles pour parler de démocratie aux gens.

Les Asiatiques n’ont pas emprunté le chemin que l’Occident leur a proposé. Ils ont eu leur propre chemin, aujourd’hui ils sont où? Tu prends toute l’Europe réunie, ils ne valent pas la Chine, ils ne valent pas l’Inde sur le plan démographique ou économique. Un pays comme la France aujourd’hui, si l’UEMOA tombe, si les 14 pays arrivent à produire chacun sa monnaie, la France ne va même pas tenir un an. L’économie de la France va s’écrouler dans la même année.

Donc, il faut faire très attention dans ce qu’il nous arrive. La suite, ce n’est pas de venir parler de transition, de démocratie ou de droit de l’homme. C’est au MPSR II de proposer un programme de société au Burkina. Voilà où on va, voilà où on doit partir et maintenant travailler fondamentalement pour y arriver. Le peuple burkinabè veut progresser, le peuple n’a plus à attendre qu’on vienne lui proposer quand est-ce qu’on va organiser les élections.

Malheureusement, le schéma qui va sortir de tout cela, ne sera pas de l’extraordinaire et ça ne sera pas différent du cas malien. Les gens sortiront vous dire qu’il faut prolonger la transition, étoffer la charte de transition, et organiser les élections dans tel nombre d’années ; appeler le Président Ibrahim Traoré à se présenter, renforcer l’assemblée legislative de transition (ALT), etc. Il n’y a rien d’extraordinaire qui va sortir de ces assises.

Et tout cela vient justifier ce que aiment dire les occidentaux : les Nègres ne peuvent pas se gouverner. Vous êtes en guerre, vous avez mis des milliards pour payer des armes, vous n’avez pas encore fini cette guerre, mais c’est vous qui vous réunissez pour parler d’élections et de transition. Voilà l’escroquerie intellectuelle et politique.

Dans votre propre pays, des gens viennent vous donner des mandats pour délimiter la durée de vos actions. Cela répond à quelle logique ? Il n’y a rien d’intelligent dans ce que nous sommes en train de faire. C’est ce qu’on appelle la singerie. Nous sommes en train de répéter ce que l’Occident nous a répété et faire ce qu’il nous dit de faire. C’est mécanique, et le MPSR II, à ce niveau, a failli. Il faut avoir votre programme, vous le déroulez dans votre gouvernance. Est-ce qu’aujourd’hui, ce sont les partis politiques et la société civile qui sont plus légitimes, plus charismatiques que le chef de l’État lui-même avec son gouvernement? Non ! Mais on a tout fait pour mettre dans notre tête que tant que ce n’est pas comme ce que disent les occidentaux, ce n’est pas bien pour nous. Et, en empruntant le chemin des occidentaux, on se rend compte comment la chose est incongrue et très infantile.

Regardez en Asie, est-ce que les Asiatiques se comportent comme les enfants, comme nous les Africains ? Est-ce qu’ils écoutent les occidentaux comme nous les écoutons ? Avez-vous vu la société civile en Occident et en Asie se comporter comme des mendiants, des brigands, des soulards comme chez nous en Afrique? Regarder comment la société civile se comporte, aucun patriotisme, ce qui importe est qu’on leur donne des financements chacun va se construire une maison, doubler les femmes, tripler les femmes, envoyer les enfants à l’extérieur pour ded études. C’est malheureusement ça le combat de l’élite africaine. L’élite africaine ne sait pas qu’il faut construire de grandes universités, de grandes bibliothèques, des grands laboratoires pour penser à transformer les choses. Ce qui importe, c’est d’avoir une place où l’on va se faire de l’argent. Vous voyez leurs enfants étudier à l’extérieur, doubler les femmes, vivre en pacha. C’est ça la politique. Donc, le schéma que je propose pour ce pays, c’est de supprimer les partis politiques, supprimer certaines associations dites de la société civile, supprimer la constitution, supprimer l’assemblée et gouverner par ordonnance. Amener tout le monde à se concentrer sur un seul objectif. Vaincre cette guerre de recolonisation de l’Afrique, stabiliser et relancer le pays, continuer avec des vrais programmes pour que dans 20, 30, voire 40 ans, nous soyons des Etats viables.

Pour moi, il faut dissoudre tout et se donner des objectifs : gouverner par ordonnance, organiser l’État, réorganiser l’administration, donner espoir et de vraies orientations économiques au pays.

On passe tout notre temps à parler politique. On ne parle jamais de comment approfondir les choses en termes économiques pour diminuer la pauvreté, pour éduquer le peuple et surtout éviter la migration. Combien des jeunes africains sont en train de quitter l’Afrique du fait qu’ils n’ont pas d’emploi et n’ont pas de situation stable? Tout celà est dû au leadership et à l’instabilité qui se retrouvent toujours au sommet de l’État dans nos pays.

Qu’est ce que l’Assemblée législative de transition (ALT) nous apporte dans ce temps précis ? L’ALT ne nous apporte rien concrètement dans ces temps précis. Mais il faut ressembler à ce que les Occidentaux veulent. Donc il faut aller mettre l’ALT. Des gens prennent des milliards de F CFA et en peu de temps ils se construisent. Ce n’est pas une institution qui nous arrange actuellement.

Pour moi, il fallait prendre le chemin sans la Constitution, sans tout ce qu’on voit et maintenant on va se concentrer. Tout le monde va se concentrer. Mais ces débats de société civile, droit de l’homme, démocratie et partis politiques, c’est pour créer des débats inutiles, qui nous distraient, qui ne nous apportent rien.

Le schéma que je propose c’est de revenir à la case départ et diriger par ordonnance, de diriger le pays en dehors des questions de partis politiques. L’important c’est de stabiliser le pays, créer un État viable et d’aller vers des élections, pourquoi pas, dans 10 ans, 20 ans et là on est sûr que les textes sont bien écrits.

Propos recueillis par Armand Kinda

Minute.bf

2 Commentaires

  1. Vous qui êtes expert en la chose politique. Vous qui connaissez les bonnes voies. Si réellement vous êtes patriote, pourquoi parler de loin. Est ce que vous avez un seul jour demandé à voir le président ou le premier ministre ? Je pense que non ! Si vous êtes un fils du pays et vous êtes réellement un patriote de ce pays, pourquoi ne pas donner votre contribution pour son développement. Si vous voyez de bonnes choses et vous ne les proposez pas, vous laissez voir une complicité ou une culpabilité. Selon moi, vous devriez faire ces propositions au chef de l’état ou au premier ministre et non faire une démonstration de connaissances et d’expertises devant des journalistes. Le pays a besoin actuellement de tous ses fils pour son développement.

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