Des membres de l’Académie nationale des sciences, des arts et des lettres du Burkina Faso (ANSAL-BF) ont visité, le vendredi 19 juillet 2024, le projet Target malaria, un projet de lutte contre le paludisme. Cette visite a permis à ces « sommités de la recherche scientifique » de toucher du doigt ce projet qui présente un intérêt scientifique pour le pays. Après des échanges, et après avoir visité le site du lâcher de moustiques génétiquement modifiés et l’insectarium, les acteurs de l’académie ont relevé la pertinence du projet et son intérêt scientifique pour le Burkina Faso.
La visite de l’Académie nationale des sciences, des arts et des lettres du Burkina Faso (ANSAL-BF) au sein de l’Institut de recherche en science de la santé de Bobo-Dioulasso offre l’occasion aux acteurs du projet Target malaria de présenter, une fois de plus, l’intérêt et les avantages de ce projet pour le pays, dans le cadre de la lutte contre le paludisme. Target malaria, faut-il le rappeler, est un consortium de recherche à but non-lucratif qui vise à développer et à partager des technologies génétiques nouvelles, durables et économiques afin de modifier les moustiques et réduire la transmission du paludisme.
L’idée du projet est que les moustiques génétiquement modifiés sont proposés comme solution aux problèmes de santé publique notamment le paludisme. La stratégie proposée consiste à lutter contre les vecteurs, par exemple pour réduire ou supprimer les populations de moustiques qui transmettent des maladies comme le paludisme. Malheureusement, ce projet dit « innovant » n’est pas forcément compris par certains Burkinabè. Toute chose qui entrave sa mise en œuvre. A travers cette visite des « sommités de la recherche scientifique » au Burkina, l’occasion est donnée aux responsables du projet de rassurer ainsi la population quant au bien-fondé du projet.
« Nous sommes là ce matin pour regarder un projet qui présente un intérêt scientifique pour notre pays parce que c’est un projet qui vise effectivement à mettre à la disposition du pays des technologies pour pouvoir réduire l’impact du paludisme, en jouant sur les vecteurs qui transmettent la maladie. La pertinence du projet n’est plus à démontrer pour nous. Pour la méthodologie, nous avons vu aussi que la rigueur scientifique est de mise. Mais nous avons constaté qu’il y a un effort qui doit être fait au niveau de la communication et nous avons fait des propositions dans le sens de l’améliorer, car beaucoup de gens ne comprennent pas ce projet. Il faut donc aider cette population à comprendre ce projet », a suggéré le président de l’Académie, Dr Paco Sérémé.
Les habitants de Karangasso-Sambla en harmonie avec le projet Target Malaria
En effet, cette visite a été ponctuée par plusieurs étapes. D’abord, les visiteurs ont eu droit à une communication sur le projet pour leur permettre d’en savoir plus. Ensuite, ils ont été conduits sur l’un des sites d’expérimentation, notamment sur le site du village de Souroukoudingan, dans le département de Karangasso-Sambla, province du Houet. Ce village fait partie des sites où il y a eu l’opération de lâcher de moustiques. Là, les chercheurs ont eu des échanges francs avec la communauté en lien avec la mise en œuvre du projet. Sans langue de bois, la communauté a répondu aux différentes préoccupations des chercheurs.
Des différents avis recueillis, les habitants du village ont réaffirmé leur adhésion au projet Target malaria qui, selon eux, est une opportunité offerte au Burkina Faso, dans le cadre de la lutte contre le paludisme. Hommes, femmes, jeunes, notabilités, la parole a été donnée à tous ces acteurs pour avoir leurs avis sur ce projet. Le Conseiller villageois de Développement (CVD), Soungalo Traoré, pour sa part, a rappelé le bien-fondé du projet et la bonne collaboration qu’il y a entre la communauté et les acteurs du projet. « Ils nous ont toujours associés au projet, depuis le début jusqu’à aujourd’hui et nous sommes contents. Nous avons accepté ce projet dans notre village pour plusieurs raisons. Mais déjà, ce projet va aider le pays à lutter contre le paludisme qui fait des milliers de victimes chaque année. Ici, à Souroukoudingan, nous allons participer de sorte à ce que cette recherche puisse aboutir », a-t-il assuré.
Quant à la polémique sur l’épidémie de la dengue qui, selon des populations, est causée par le lâcher de moustiques, Soungalo Traoré a apporté des éclaircissements. Selon lui, il n’y a pas de lien entre cette opération de lâcher et la maladie de la dengue. « Il faut que les gens sachent qu’il n’y a pas de lien entre le projet et la maladie de la dengue. Nous avons compris que les moustiques qui causent la dengue sont différents des moustiques du paludisme alors que les chercheurs travaillent sur ceux du paludisme. À ma connaissance, nous n’avons pas enregistré de cas de dengue ici l’année dernière », a-t-il fait remarquer.
« L’impossible » rapprochement entre le lâcher de moustiques et la dengue
Sur le sujet, le Pr Robert Guigemdé a soutenu qu’il n’y a pas lieu de faire la confusion entre le paludisme et la dengue, car dit-il, ce sont deux maladies différentes et causées par des agents totalement différents.
« L’agent du paludisme est un parasite, pour la dengue, c’est un virus. Les virus et les parasites sont complètement différents. Le vecteur du paludisme, c’est l’anophèle et pour la dengue, c’est l’aède. Ces deux moustiques sont différents sur le plan morphologique, sur le plan génétique, sur le plan comportement vectoriel », a-t-il expliqué.
Et de poursuivre : « c’est une vérité scientifique universelle pour le paludisme que les mâles ne transmettent pas le paludisme. Seules les femelles transmettent le paludisme. Dans cette recherche sur les mâles qui sont modifiés, déjà que le mâle non-modifié ne transmet pas le paludisme, il ne va pas piquer l’homme pour lui transmettre le paludisme et encore moins la dengue. Donc, cette peur ne se comprend pas parce qu’on travaille sur des mâles qui ne piquent pas l’homme, qui ne peuvent pas transmettre le virus de la dengue. Ce travail n’est pas fait uniquement au Burkina, il est fait aussi dans d’autres pays et avec la compréhension et l’autorisation des plus hautes autorités scientifiques internationales. Et il y a sur chaque site des agences de sécurité qui vérifient le protocole pour s’assurer qu’il n’y a pas de risque pour les personnes qui sont dans l’aire du projet. Donc il faut savoir que toutes ces personnes, si elles avaient trouvé un risque, elles n’auraient pas donné l’autorisation d’exécuter le projet ».
L’ANSAL-BF séduite par la rigueur scientifique…du projet
Cette visite a permis aux membres de l’académie, de visiter également l’insectarium où se passent les travaux de recherche. Cela a permis aux visiteurs de s’imprégner du travail abattu dans les laboratoires.
« Nous avons vu un excellent travail qui est abattu dans les laboratoires et avec la présentation en salle, nous avons bien compris tout ce qu’il y a comme méthodologie derrière cette approche pour réduire le nombre de moustiques qui transmettent le paludisme dans notre pays. Nous sommes émerveillés par ce que nous avons vu, surtout au village. Cela montre que le projet est en phase avec la communauté villageoise. Ce qui augure un lendemain meilleur et nous repartons très satisfaits », a laissé entendre le président de l’académie, Dr Paco Sérémé.
Dr Abdoulaye Diabaté, chercheur à l’Institut de recherche en science de la santé à Bobo-Dioulasso et investigateur principal du projet Target malaria au Burkina, a souligné l’importance de cette visite de l’académie pour le projet.
Pour lui, il était nécessaire de recevoir les membres de l’académie pour leur présenter le projet et communiquer une fois de plus avec la presse afin de relayer la bonne information sur le projet, auprès des différentes communautés. Ce, pour qu’elles comprennent qu’il y a une différence entre le paludisme et la dengue, car rassure-t-il, ce sont des maladies différentes.
Tout en rassurant la communauté que la technologie est maitrisée au Burkina Faso, Dr Diabaté a insisté sur le fait qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les lâchers de moustiques qui ont été faits et la dengue observée depuis quelques temps. Il a fait savoir que le paludisme et la dengue sont plus dus à l’environnement insalubre dans lequel vivent les populations.
Il estime également que c’est un privilège pour le Burkina Faso d’abriter cette « technologie innovante ». C’est pourquoi, il invite toute la population à accompagner ce projet, pour faire en sorte que le pays puisse garder ce leadership qu’il a sur cette technologie.
Lire : Lutte contre le paludisme : Les ambitions du projet Target Malaria
Minute.bf