L’Autorité supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC) a-t-elle compétence pour contrôler la gestion de l’Assemblée nationale ? Ce n’est pas ce que pense l’ancien président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé et ses conseils. Face à la presse, le jeudi 16 mars 2023 à Ouagadougou, les avocats de M. Sakandé ont fait savoir que « la gestion de l’Assemblée nationale est bien contrôlable, mais pas par l’ASCE-LC ». Aussi, ont-ils relevé des éléments dans le contenu de l’audit de l’ASCE-LC, en ce qui concerne le référentiel de contrôle.
« Dans sa restitution à l’ALT en juin 2022, l’ASCE/LC a relevé sans détour qu’elle a constaté que l’Assemblée nationale s’appuie essentiellement sur son Règlement pour son fonctionnement et sa gestion », a relevé Me Dieudonné Willy, avocat de Bala Alassane Sakandé qui affiche clairement : « ce qui est vrai ».
Partant, s’appuyant des communications de l’ASCE-LC, M. Willy a rappelé que « les contrôles sont menés suivant les normes décrites dans les référentiels applicables aux organes de contrôle de l’ordre administratif, à savoir, le cadre de référence pour la pratique professionnelle de l’audit interne de l’Etat (CRéPAIE) du Burkina Faso [et] le manuel d’audit interne à l’usage des structures de contrôle administratif du Burkina Faso ».
Ainsi, est convaincu M. Willy, « si les référentiels de gestion de l’Assemblée sont différents des référentiels qui ont servi de base pour l’audit, il va sans dire que la mesure n’est pas possible, du moins que les résultats sont faussés d’avance ».
Alors que « l’ASCE/LC estime que le Règlement de l’Assemblée nationale ne peut pas contredire les textes réglementaires qui organisent la gestion des finances publiques et que par principe, l’Assemblée nationale est en tort en s’appuyant sur son Règlement et non sur les textes réglementaires pour sa gestion », l’avocat de l’ex-président de l’Assemblée nationale, tout en refusant de s’attarder sur « ce débat qui pose simplement la question de la hiérarchie des normes », a rétorqué : « pour la gouverne de tous, le Règlement de l’Assemblée nationale a valeur de loi organique. Dire qu’un tel texte ne peut pas contredire un décret, chacun jugera le poids de l’argument ».
Autre reproche de l’ASCE-LC démonté par Me Willy, ce sont les cas de « violation des textes alléguée à la gestion Alassane Bala Sakandé » qui s’est appuyé « sur le Règlement de l’Assemblée nationale et les décisions internes de gestion, au lieu des lois et décrets relatifs à la commande publique ». « C’est ainsi que les surfacturations ont été déterminées en référence aux mercuriales des prix élaborés par le Ministère en charge des finances », a fait savoir Dieudonné Willy, qui détaille : « plus concrètement, pour conclure à des surfacturations dans certains marchés (55 en tout), l’ASCE/LC a juste estimé que si les mercuriales des prix élaborées à l’adresse des administrations centrales et déconcentrées de l’Etat étaient utilisées par l’Assemblée nationale, les coûts auraient été moindres ».
Précisément, selon M. Willy, ce sont ces irrégularités que « l’ASCE/LC a chiffré à 13 616 028 639) francs » et regroupé en « comptes insincères, les irrégularités dans la gestion de la trésorerie, (dépenses non justifiées ou comportant des justificatifs inacceptables et dépenses inopportunes); les prêts, gratifications et subventions irrégulièrement accordés aux députés et aux groupes parlementaires ».
Quid des près de 8 milliards de dépenses sans pièces justificatives ?
Sur le cas précis « des paiements cumulés de 7 913 856 138 de F CFA qui ne seraient pas soutenus par aucune pièce justificative ou qui s’appuient sur des pièces justificatives inacceptables », l’avocat de Bala Alassane Sakandé a botté cet argument en touche.
Il a relevé que lorsqu’en septembre 2022, l’ASCE/LC a demandé les justifications, les « copies de toutes les pièces qu’elle dit n’avoir pas retrouvées lui ont été transmise dans 4 cartons, par bordeaux n°2022-074/Cab du 28 septembre 2022 ». « Elle (ASCE-LC, ndlr) les a ignorées (pièces justificatives, ndlr), ne pouvant plus ou ne voulant plus modifier ce qu’elle a présenté prématurément comme étant ses conclusions finales », a déduit Me Willy pour qui l’ASCE/LC ne pouvait pas tenir compte de ces pièces, « ne serait-ce que pour son propre crédit ».
Du reste, « par principe, la gestion de l’Assemblée nationale est bien contrôlable, mais pas par l’ASCE/LC et cela a été reconnu à maintes reprises par l’ASCE/LC elle-même », a fait remarquer le Conseil de Bala Sakandé qui précise qu’il n’est nullement pas question pour son client de « se soustraire de ses responsabilités » mais plutôt de mener « un combat de principe, mais aussi un combat politique ».
Franck Michaël KOLA
Minute.bf