jeudi 31 juillet 2025
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Littérature : Jean Bernard Ouédraogo traite du combat et la résilience des femmes dans ses romans « L’Autre monde » ; « Et si mon père avait raison ? »

« L’Autre monde », « Et si mon père avait raison ? ». Ce sont là les deux œuvres de l’écrivain Jean Bernard Ouédraogo, instituteur de formation. À travers ces œuvres, l’auteur fait des inégalités sociales sont cheval de bataille. L’auteur porte aussi une vision, celle « d’imposer la lecture des œuvres locales aux apprenants pour éveiller leur curiosité et affûter leur esprit critique ». Comme un jardinier, patient, il souhaite ensemencer les consciences juvéniles avec les récits de son pays, soutenant que « les romans burkinabè sont des miroirs où la jeunesse peut se reconnaître et se projeter ». Son parcours, tissé de détermination et de rencontres décisives, révèle un homme pour qui l’écriture est à la fois un refuge et une arme contre les inégalités sociales. Au cours de cet entretien qu’il a accordé à Minute.bf, l’auteur revient sur son parcours, son amour pour l’écriture et les messages portés par ses œuvres.

Né à Ziniaré dans les années 70, Jean Bernard Ouédraogo grandit entre les bancs de l’école primaire publique de Guilongou et les étagères de la bibliothèque du collège moderne privé de Toussiana (province du Houet, région des Hauts-Bassins) et du lycée Bogodogo à Ouagadougou. C’est là que son « goût pour la lecture », prend racine, est nourri par les bandes dessinées et les romans policiers dévorés à la lueur d’une lampe de poche. Après un baccalauréat obtenu au Lycée Bogodogo, il embrasse la carrière d’instituteur en 1993, tout en poursuivant des études de sociologie à l’université. Une double casquette qui façonne son regard acéré sur les réalités sociales.

Jean Bernard Ouédraogo expliquant son amour pour l’écriture

« Le véritable déclic vint de mon ami Augustin Badolo, un passionné de Guy Descartes », confie-t-il, évoquant ces nuits passées à discuter littérature sous les étoiles du Bazèga. Cette amitié, comparable à « une rivière irriguant un désert culturel », l’incite à transposer sur papier les maux de sa société.

Les romans : des fenêtres sur les déchirures sociales

Ses deux romans, « L’Autre monde », 101 pages, « Et si mon père avait raison ? », 126 pages, sont des « cathédrales narratives » où s’entremêlent traditions et modernité.

Dans « L’Autre monde », il dépeint une société en proie à l’excision, aux mariages forcés et à la sorcellerie, à travers le personnage de Boutogo, « un homme dont l’arrogance se noie dans les eaux troubles d’un marigot ». Le récit, métaphore des cycles de violence, interroge la place des femmes, ces « colonnes invisibles qui portent le foyer sans jamais en recevoir les lauriers ».

Le second roman, « Et si mon père avait raison ? », prolonge ce combat en explorant les tensions familiales autour de l’éducation. Patiendé, l’héroïne, incarne la résilience face à un père tyrannique.

Littérature : Jean Bernard Ouédraogo présente ses œuvres « L’Autre monde » ; « Et si mon père avait raison ? »

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L’écriture à l’épreuve du temps…

Écrire n’a jamais été un long fleuve tranquille surtout pour les professionnelles. Entre les classes surchargées de 80 élèves et les cours particuliers pour subvenir aux besoins de sa famille, Jean Bernard Ouédraogo avoue que c’était dur. « Le temps est un oiseau qui m’échappe sans cesse », raconte-t-il. Ses nuits, ponctuées de réveils à minuit, sont autant de « rendez-vous clandestins avec la muse des mots », au prix de sacrifices familiaux. « Ma femme est une complice silencieuse, un roc dans la tempête », reconnaît-il, évoquant ces heures volées au sommeil.

L’auteur nourrit un rêve de voir imposer des œuvres burkinabè à l’école

Si Jean Bernard Ouédraogo salue les avancées, notamment dans la scolarisation des jeunes filles, il rappelle que l’émancipation reste un chantier inachevé. « L’arbre des progrès ne doit pas cacher la forêt des inégalités », pense-t-il, dénonçant les conditions qui obligent les femmes à se lever à l’aube pour des travaux précaires ou à aller répondre seules aux convocations scolaires. Le 8-mars, pour lui, doit dépasser le folklore. « Ce n’est pas une journée de bamboula, mais un appel à briser les chaînes invisibles », croit-il.

Pour une renaissance littéraire au Burkina…

Le plaidoyer de Jean Bernard Ouédraogo pour la lecture s’ancre dans une urgence : celle de contrer l’emprise des écrans et redonner aux livres leur place de « phares dans la nuit de l’ignorance ». L’écrivain propose d’intégrer les auteurs burkinabè dans les programmes scolaires, comme c’est le cas dans un pays voisin où « chaque élève lit deux romans par an » ; subventionner les publications locales, trop coûteuses, et garnir les bibliothèques d’œuvres littéraires africaines ; impliquer les parents, transformant le foyer en « sanctuaire où le roman rivalise avec le portable ».

« La lecture est un pont entre les générations, un dialogue où chaque page tournée est un pas vers la liberté », souligne-t-il, rappelant son propre professeur, le frère Jean-Louis Schneider, qui « faisait de la bibliothèque un jardin où germaient les rêves ».

Les romans sont venus à 3 000 F CFA l’unité

Les œuvres de Jean Bernard Ouédraogo, vendues à 3 000 F CFA dans les librairies de Ouagadougou et Bobo-dioulasso, ne sont pas de simples livres, mais des manifestes où résonnent les voix étouffées d’une Afrique en quête d’équilibre. En rendant hommage à ses parents sur les couvertures de ses romans, il symbolise cette transmission, « un héritage qui, comme les baobabs, prend racine dans le passé pour fleurir dans l’avenir ».

Lire aussi : Littérature : Pour une jeunesse africaine « éclairée », Issaka Kouraogo propose « Le Repère »

Mathias Kam
Minute.bf

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