La question foncière, au Burkina Faso, est reconnue comme « une bombe à retardement qu’il faut désamorcer ». En effet, à Roumtenga, dans l’arrondissement 5 de la ville Ouagadougou, des populations ont marché, le dimanche 06 août 2023, pour protester contre « l’accaparement de [leur] terre par El Hadj Moussa Kouanda ». Il s’agit d’une portion de terre de plus de 25 hectares. Minute.bf a pu avoir la version des deux camps, sur cette affaire.
C’est une affaire longue de 22 ans. Selon la première version racontée par la famille Sanfo, initiatrice du mouvement d’humeur, leur « terrain a été vendu » par des membres de la famille Derra, (notamment les sieurs Madi Derra, Hamidou Derra, Assami Derra, Souleymane Derra) à El Hadj Moussa Kouanda, opérateur économique. Il s’agit d’un espace de plus de 25 hectares.
El Hadj Moussa Kouanda a entamé la clôture du terrain, selon le constat fait sur place par une équipe de Minute.bf. Pourtant, de leur côté, ces habitants disent « niet » et n’acceptent pas la construction du mur par l’entrepreneur Moussa Kouanda. Pis, pour ces populations de Roumtenga, c’est « l’entêtement de Moussa Kouanda à clôturer l’espace », qui a motivé la manifestation sur les lieux. En clair, ces populations refusent « de céder le terrain au sieur Moussa Kouanda ». Elles étaient très fermes. « Nous demandons aux membres de la famille Derra, ceux qui ont vendu le terrain à Moussa Kouanda, qu’ils grouillent avec ce dernier, chercher leur terrain pour lui remettre et nous laisser le nôtre », ont-ils lancé le dimanche dernier.
Une des « victimes », Boukary Sanfo, explique l’affaire. « Le terrain nous appartient. Des membres de la famille Derra l’ont volé pour le vendre à El Hadj Moussa Kouanda. Comment quelques personnes peuvent se présenter comme propriétaire d’un si grand espace, 25 hectares et vous l’achetez à 17 millions de F CFA ? Nous avons dit non. On ne se reconnaît pas dans cette vente. On veut notre terrain. C’est dans ça qu’il a envoyé des éléments de la Gendarmerie pour nous faire la force et nous menotter. Nous voulons seulement qu’ils prennent leur matériel pour retourner à Ouagadougou et nous laisser avec notre terrain. S’ils (la Gendarmerie et le maître d’ouvrage, ndlr) ne retirent pas leur matériel, nous ne quitterons pas d’ici. Nous ne voulons pas la bagarre ni aujourd’hui ni demain », a pesté Boukary Sanfo, membre de la famille Sanfo.
Un autre son de cloche recueilli dans cette affaire
Dans la version livrée par Souleymane Derra, un des membres de la famille Derra, « accusé de faire partie du groupe qui a vendu le terrain à Moussa Kouanda », il ressort que l’espace revendiqué par la famille Sanfo, est en réalité un terrain « offert par le chef de Roumtenga à la famille Sanfo pour uniquement faire l’agriculture et cette famille n’avait pas le droit d’y planter même un arbre ». Il affirme que « la famille Sanfo est allogène à Roumtenga ».
Le chef du village rencontré le mercredi 09 août 2023 par Minute.bf, a confirmé ces déclarations qui ont été faites devant lui. Le Yaanga Naaba a lui-même déclaré que « le terrain appartient à El Hadj Moussa Kouanda », le nouvel acquéreur. Souleymane Derra a pour sa part confié que le terrain « a été vendu à El Hadj Moussa Kouanda par ses grands-parents, il y a plus de deux décennies ».
« Les allogènes (la famille Sanfo, ndlr) se sont levés pour dire que le terrain leur appartient. Donc, nous sommes allés voir le Yaanga Naaba. Et celui-ci leur a signifié qu’il ne leur a pas donné de terre. Ils ont nié. Donc l’affaire a été envoyée en justice. La justice nous a donné raison et ils ont fait appel. Là encore on a gagné. On a même récupéré les documents qui le prouvent. [La famille sanfo] est revenue devant le Yaanga Naaba pour donner son accord. La mairie et un huissier sont même témoins et tout a été signé ici même », a-t-il expliqué.
Les plaignants déboutés en justice…
Alors que le dimanche dernier, la famille Sanfo a soutenu qu’« il n’y a pas de décision formelle qui montre que Moussa Kouanda peut construire le mur sur cet espace », c’est tout le contraire que Minute.bf a constaté ce mercredi. Une décision de justice a bel et bien été rendue le 06 juin 2022. La justice a « débouté les plaignants de leur prétention comme étant mal fondée ». C’est donc en possession de la « décision de justice en sa faveur et des documents qui attestent qu’il est propriétaire du terrain », que M. Kouanda a entamé la constructiin d’un mur, soutient Souleymane Derra.
En outre, si le dimanche dernier au moment où nous quittions les lieux, les esprits s’échauffaient entre populations et Forces de l’ordre venues sécuriser l’espace, le mercredi matin, le constat est tout autre. La construction du mur suit son cours normal sous la surveillance de la Gendarmerie nationale.
Mathias Kam
Minute.bf
