Depuis le 24 janvier 2022, la direction du Burkina est aux mains des militaires du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration qui ont renversé le régime de Roch Marc Christian Kaboré. Dans une interview accordée à www.minute.bf, Alain Somlaré, jeune burkinabè vivant aux Etats Unis d’Amérique (USA) formule ses attentes à l’endroit des nouvelles autorités pour un Burkina de paix, de sécurité et de développement. Lisez !
Minute.bf: Le régime de Roch Kaboré a été renversé par un coup d’État. Était-ce prévisible selon vous?
Alain Somlaré: Je voudrais tout d’abord saluer la mémoire des Burkinabè qui ont perdu la vie au cours de ces événements – puisque moi-même j’ai perdu un proche, agent de transport, victime de balle perdue aux encablures du camp Sangoulé – et souhaiter aussi prompt rétablissement aux blessés. Pour répondre à votre question, je dirais qu’il est difficile de prévoir un coup d’État, du moment où il ne s’agit pas d’un fait constitutionnellement prévu dans la marche de la vie politique nationale. Par contre, nous avons pendant longtemps rêvé que le Président Kaboré, au regard de la situation catastrophique dans laquelle était plongé le pays, rendît sa démission. Ç’aurait été un acte constitutionnellement prévu, qui aurait évité à notre jeune démocratie ce dénouement peu honorable qui balaie du même coup l’image que le Burkina post insurrectionnel avait envoyée au monde entier et dont la diaspora jouissait un peu partout.
On aurait pu organiser une transition totalement inclusive mettant l’armée au premier plan avec pour principale mission le rétablissement de la sécurité sur l’ensemble du territoire. Mais, voyez-vous, la ferveur avec laquelle, Monsieur Roch Kaboré avait battu campagne en 2020 pour se faire réélire nous avait déjà convaincus que ce monsieur ne ressentait pas sur sa joue ni les terribles gifles qui étaient quotidiennement infligées à son pays ni les meurtrissures des pauvres populations. Cette situation nous amène à nous souvenir des propos d’un leader du mouvement syndical en 2015 qui disait qu’il fallait trouver des mécanismes pour éviter que n’importe quel “aventurier” se retrouve à la tête du pays. Malheureusement l’histoire semble lui donner raison. Ce qui logiquement avait amener un journaliste bien connu à dire que Roch Kaboré n’avait pas le sens de l’État. Sur ce point, prenons seulement deux exemples.
Premièrement, le drame de Yirgou où il est allé demander presque pardon non pas aux victimes mais à ceux qui semblaient avoir perpétré le massacre. Deuxièmement, parlant du sens de l’État, vous n’ignorez pas par exemple les profondes oppositions entre l’actuel président des USA et son prédécesseur. Cependant, vous ne l’entendrez jamais dénoncer publiquement des accords secrets que son prédécesseur avait signés. C’est l’État, ce n’est pas de la banalité. Mais pour Roch Kaboré, il a fallu révéler des secrets d’audience de Kosyam sur une chaîne de télévision européenne pour montrer selon lui que Blaise Compaoré avait des liens avec des chefs terroristes. Les exemples de légèretés sont légion. Je ne dis pas cela pour tirer sur l’ambulance mais juste attirer l’attention sur la nécessité de trouver des mécanismes pour amener les potentiels prétendants à la direction du pays à savoir qu’il ne suffit pas d’amasser des milliards, se faire élire par tous les moyens juste pour sa propre gloire mais d’être conscients que de sa décision peuvent dépendre la vie de la Nation et celles des populations.
Cela dit, il faut reconnaître à Roch Kaboré d’avoir essayé de rester dans l’esprit de l’insurrection notamment en matière d’autonomie nationale et de liberté d’expression même si là aussi il avait une certaine frilosité quand son trône semblait menacé.
Minute.bf: Quelles doivent être les priorités du gouvernement de la transition à venir?
Alain Somlaré: Il y a une et une seule priorité : reconquérir très rapidement les territoires occupés et réinstaller les populations et l’administration. Cette priorité est même une urgence dont il faut s’occuper énergiquement. Comme on le dit, il faut battre le fer quand il est chaud. C’est clair que l’ennemi va regarder les changements qui vont s’opérer dans les combats au front pour savoir s’il doit fuir ou rester. Il faut donc que d’ici quelques semaines des moyens conséquents soient mobilisés pour donner le ton sur le terrain. Le reste c’est assurer les affaires courantes de l’État jusqu’à ce que la tendance soit totalement inversée pour permettre de faire les réformes institutionnelles qui puissent renforcer nos institutions et garantir plus ou moins à l’avenir des dirigeants à la hauteur de la tâche.
Minute.bf: Combien de temps raisonnable proposez-vous à la Transition ?
Alain Somlaré: Comme je le disais précédemment , il faut faire les choses vite et bien de manière à ce que les gens sachent que la transition est là pour une mission. La ferveur et l’enthousiasme que ce nouvel espoir va provoquer au sein des Burkinabè peuvent s’amincir si les choses prennent du temps à décoller. D’ailleurs on dit souvent que lorsque les crises s’étalent dans la durée, certains en font leur profession. C’est cette dynamique d’hommes en mission qu’il faut surtout garder à l’esprit. Que la Transition dure deux ou trois ans, n’est pas un problème, pourvu que le Burkina retrouve sa souveraineté territoriale.
Minute.bf: Quel message avez-vous à l’endroit des militaires au pouvoir ?
Alain Somlaré: C’est de leur dire que ce sont eux qui ont pris le pouvoir, c’est à eux que l’histoire demandera des comptes. Ils n’ont qu’à rester sur ce cap qui a été théoriquement fixé à travers leurs discours et le transformer en actions. Ils doivent engager le peuple entier dans la dynamique de la guerre, recruter très massivement pour l’armée et acquérir très rapidement les moyens matériels qu’il faut pour redonner à notre armée sa renommée d’antan dans la sous-région. Ils doivent rester neutres dans la conduite de la Transition du début jusqu’à la fin, réconcilier les Burkinabè pour que la cohésion sociale soit parfaite au sortir de cette guerre. Nous sommes hors du pays mais tout comme l’ensemble des Burkinabè, nous souhaitons ardemment que cette transition réussisse à relever les défis afin que nous soyons toujours fiers de parler de notre pays ici.
La Rédaction
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