jeudi 10 octobre 2024
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Les MILDA au sein des concessions : Circulation des moustiquaires et sélection des bénéficiaires

Dans le cadre de la lutte contre le paludisme, le Burkina Faso a opté pour la distribution gratuite des Moustiquaires imprégnées d’Insecticide à longue Durée (MILDA). Malgré ses efforts, dans le rapport de l’Enquête sur les Indicateurs du Paludisme (EIPBF) comptant pour la période de 2017-2018, il ressort que seulement 55% de la population ont utilisé une moustiquaire. Comment comprendre cet état des lieux dans un pays où sévit le paludisme causant parfois des décès ? Les réponses dans cette enquête réalisée par Dr Léa PARE, Chercheur en Sciences sociales, Institut de Recherche en Sciences de la Santé.

Introduction

Le paludisme demeure une préoccupation pour les pays africains, dont le Burkina Faso. De ce fait de nombreux efforts sont entrepris par le gouvernement et ses partenaires techniques et financiers pour développer différentes stratégies de lutte contre cette maladie. Parmi ces stratégies, la distribution gratuite de la moustiquaire imprégnée d’insecticide à longue durée d’action (MILDA) occupe une place importante. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une couverture universelle qui consiste à distribuer les moustiquaires imprégnées à toute la population à raison d’une (01) MILDA pour deux (02) personnes. Au Burkina Faso, elles sont généralement distribuées sur ce principe. Depuis 2010, les populations, tous les 3 ans bénéficient de nouvelles moustiquaires MILDA pour se protéger contre les piqures de moustiques. Cependant, une enquête réalisée en 2017-2018 a montré que seulement 55% de la population avait utilisé une moustiquaire la nuit précédente l’enquête. La question qui mérite alors d’être posée est : que font les populations avec les moustiquaires reçues ou présentes dans les ménages ? Le texte ci-dessous décrit quelques mouvements autour des moustiquaires qui limite son utilisation effective par les populations bénéficiaires.

Zones d’étude

Les données présentées dans cet article sont issues de travaux réalisés à Kimidougou et Santidougou, deux villages à l’ouest du Burkina Faso. Les données ont été obtenues à partir des observations directes sur l’utilisation des moustiquaires et des entretiens réalisés avec les membres des communautés.

Mouvements des moustiquaires après la distribution gratuite

La circulation des moustiquaires constitue une problématique dans la population au regard des objectifs recherchés par le Gouvernement. Le nombre de moustiquaires remis aux ménages est fonction du nombre de personnes vivant dans la concession. Toutefois, au sein des ménages, une nouvelle clé de répartition des moustiquaires est établie. Les moustiquaires reçues sont partagées entre les personnes effectivement présentes dans les ménages et les membres de la famille habitant d’autres localités. Ainsi des moustiquaires sont envoyées à des parents au Ghana, Côte d’Ivoire, au Mali. Certaines sont également envoyées à des grands enfants étudiant en ville, à des filles mariées dans d’autres villages ou à des parents habitant les hameaux de culture.

La sélection des bénéficiaires par les membres des ménages

Les programmes de distribution des MILDA ont pour objectif la couverture universelle des populations en moustiquaire, c’est-à-dire que la majorité des burkinabè soit protégée par les moustiquaires. Mais quelque fois au sein des ménages, tous les membres des ménages n’ont pas droit aux moustiquaires même si le nombre est suffisant pour couvrir toutes les couchettes. Les moustiquaires sont redistribuées par affinité. Dans ces cas de figures, le restant des moustiquaires est gardé pour les étrangers, surtout ceux qui bénéficient d’une considération positive, pendant que certains des habitants de la concession dorment sans moustiquaire.

Il nous a été donné de constater également des nombres insuffisants de moustiquaires dans des concessions en comparant les moustiquaires disponibles avec le nombre des couchettes et des habitants. Les populations justifient cet écart par des défaillances dans le système de distribution. Elles déclarent que le principe d’une moustiquaire pour deux personnes communiquées dans les messages de distribution n’est pas respecté lors de la remise des moustiquaires. Elles ne comprennent pas ce décalage entre le discours et la pratique des personnes responsable du programme MILDA.

Conclusion

Les raisons du décalage entre le nombre de moustiquaires distribuées dans le cadre du programme MILDA et leur utilisation peuvent s’expliquer par différents facteurs dont la circulation des moustiquaires et la sélection des bénéficiaires réalisée au sein des ménages. Ces deux facteurs montrent que la moustiquaire est toujours considérée comme un objet de prestige par la population. Les critères qui sous-tendent cette perception peuvent être mieux étudiées et intégrées dans les messages de sensibilisation pour l’utilisation de la moustiquaire à l’adresse des personnes encore réfractaires à son acceptation.

Notes

Ces travaux proviennent d’une recherche réalisée par l’Institut de Recherche en sciences de la Santé (IRSS) sur la persistance du Paludisme. Lea Paré Toé était en charge de la composante science sociale de la recherche.

Dr Léa PARE, Chercheur en Sciences sociales
Institut de Recherche en Sciences de la Santé

Bibliographie

Lea Paré Toé. Jean W. Birba. Persistance du paludisme et comportement humain. Rapport du volet sciences sociales de l’étude Investigating magnitude and drivers of persistent plasmodium infection in west Africa , 2016

Marceline F. Finda , Irene R. Moshi, April Monroe, Alex J. Limwagu, Anna P. Nyoni, Johnson K. Swai, Halfan S. Ngowo, Elihaika G. Minja, Lea Pare Toe, Emmanuel W. Kaindoa, Maureen Coetzee, Lenore Manderson, Fredros O. Okumu ; Linking human behaviours and malaria vector biting risk in south-eastern Tanzania. PLoS One. 2019

Enquête sur les Indicateurs du Paludisme (EIPBF) 2017-2018

Enquête sur les Indicateurs du Paludisme (EIPBF) 2014

Minute.bf

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