René Soubeiga est titulaire d’un Master 2 en Economie, conseiller d’intendance scolaire et universitaire de profession. Dans cet entretien accordé à Minute.bf, l’ancien maire de Diabo (2012-2014) a dressé un bref bilan de son passage à la tête de la mairie de Diabo. Il entend se faire élire conseiller municipal dans sa commune qu’il s’est évertué, pendant les deux ans de sa gestion, à construire. Pour les élections municipales à venir, si son parti le Nouveau Temps pour la Démocratie (NTD) lui fait confiance, il pourra aller à la conquête de la mairie de Diabo. Si tout cela se réalise, René Soubeiga part déjà la besace pleine de projets pour Diabo. Il le fait savoir dans cet entretien qu’il nous a accordé à Ouagadougou, le 1er décembre dernier.
Minute.bf : Qu’est-ce qui a pu bien vous amener à faire la politique ?
Je garde un peu cette citation de feu Thomas Sankara qui dit qu’il souhaiterait qu’on garde de lui un homme qui s’est battu pour lui-même et pour la société. J’ai fait mien cet adage, ce qui fait qu’après avoir milité dans les associations (l’ASCODI, la Fondation Diabo Béogo) qui étaient pour moi une voie de développement, mais je me suis rendu compte qu’il fallait faire un pas en politique pour plus contribuer au développement de ma commune. Ce qui fait qu’en 2012 j’ai fait mon premier pas en tant que politique actif sur le terrain. C’est à partir de ce moment que j’ai été élu conseiller municipal de mon village Yantenga. Après, les conseillers m’ont fait confiance en portant ma modeste personne à la commune de Diabo. Naturellement, j’étais allé avec une vision et cette vision était pour moi d’aider la commune à décoller sur le plan du développement. Et pour le développement de nos communes, il ne faut pas aller par quatre chemins ; il faut d’abord voir les secteurs sociaux à savoir l’éducation, la santé, la cohésion sociale et éventuellement voir comment accompagner les jeunes et les femmes pour faire décoller l’économie. Voilà ce que j’avais comme vision à mon premier mandat. Cependant, l’histoire est ce qu’elle est, heureusement ou malheureusement, je n’ai fait que deux ans. J’ai été élu en 2012 mais suite à l’insurrection populaire de 2014, les mairies ont été dissoutes pour faire face à la délégation spéciale. Ce qui m’a amené en 2015 à être candidat à la députation sous la bannière du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) mais malheureusement je n’ai pas été élu. Après cette transition, j’ai changé de parti et je suis allé au Nouveau Temps pour la démocratie. Avec ce parti, nous avons pu avoir 43 conseillers élus dont moi-même, et le poste de deuxième adjoint au maire, au niveau de notre commune. Nous contribuons toujours au développement de notre commune de par nos actions.
Naturellement, cinq ans après, les élections législatives et municipales se sont présentées et à ce niveau mon parti m’a fait confiance en me faisant candidat pour cette élection au niveau de la province du Gourma où j’étais deuxième titulaire. On a vraiment mené une lutte âpre pour au moins avoir un siège au niveau du Gourma parce que dans cette province, on avait affaire au candidat tête de liste du parti au pouvoir le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), actuel maire. Malgré tout, au vu de la confiance que la population a placé en nous, on a pu battre le parti au pouvoir au niveau de notre commune, ce qui n’était pas évident. Voilà un peu en introduction ce que je peux dire de mon cheminement politique.
Minute.bf : Brièvement, quel bilan pouvez-vous dresser pendant les deux ans que vous avez passés à la tête de la commune ?
Ces deux ans à la tête de la commune furent une très riche expérience pour moi. C’était un mandat très court mais qui m’a permis de tirer beaucoup d’enseignements. A la limite, j’avais travaillé comme si je savais que je n’allais pas faire cinq ans. Au niveau éducatif, en seulement deux ans, j’ai pu réaliser beaucoup d’écoles. En ce qui concerne l’enseignement secondaire, la commune comptait deux établissements : un lycée et un Collège d’Enseignement général (CEG). En deux ans, nous avons pu ouvrir six autres collèges.
Sur le plan sanitaire, c’est sous ma gestion qu’on a pu transformer le CSPS en Centre médical (CM) en plus des quatre autres CSPS que j’ai pu réaliser.
En plus, j’ai pu ouvrir une radio communale, conformément à mon programme et au regard de l’importance de la communication. Cela participe également à la transparence à laquelle je tenais parce que, même si pendant les séances, tous ceux qui voulaient, pouvaient venir dans la salle avec son poste radio, on pouvait rester chez soi pour savoir comment évolue sa commune. C’est ainsi que je me suis battu pour la création de cette radio qui fonctionne jusqu’à aujourd’hui au bonheur des populations.
Au plan sportif, durant mon mandat, j’ai régulièrement organisé une coupe dénommée Coupe de la Fraternité avec des frères. A ce sujet, il faut d’ailleurs noter que même après mon mandat, j’ai organisé un maracana.
Sur le plan agricole, dans certains villages, nous avons aménagé des bas-fonds rizicoles, qui aujourd’hui font la fierté de la commune. C’est le cas du bas-fond rizicole de Boalgatenga qui aujourd’hui, engrange des prix au regard de sa production.
Je voudrai également rassurer que durant mon mandat, le Conseil municipal (CM) a toujours bien fonctionné sans aucun problème. Les conseillers étaient très contents et on arrivait à se comprendre sans qu’il n’y ait des difficultés.
Pour la réalisation de toutes ces actions, j’avais aussi fait appel à la diaspora diabolaise avec qui j’avais fait plusieurs réunions à Ouagadougou ici, pour leur expliquer qu’il est vrai que je suis maire, mais que chacun d’entre eux est également maire, parce que pour le développement de la commune, il faut que chacun mette la main dans la pâte. C’est bien de venir applaudir le jour de l’installation du maire mais après, qu’est-ce que tu fais pour que les choses avancent sur le terrain ? Je pense que j’ai été bien compris, raison pour laquelle j’ai pu mener ces actions en deux ans avec leur contribution. Je n’hésitais pas à recourir aux ressortissants qui étaient dans une position sociale comme cela a été le cas pour la création de la radio où on m’avait donné pratiquement la fréquence alors que je n’avais pas les moyens pour la réaliser. J’ai donc fait appel à des ressortissants de la commune qui nous ont appuyés.
Minute.bf : Les élections municipales, c’est dans quelques mois, est-ce que vous allez encore vous présenter?
Je ne peux pas répondre à cette question par l’affirmatif parce que j’appartiens à un groupe. Pour être candidat à une élection, il faut d’abord mériter la confiance du parti. Avec notre parti le NTD, on vient de sortir d’une élection où j’avais été proposé comme candidat aux législatives. Mais, naturellement, si le parti me propose de porter le maillot, je ne vais pas hésiter parce que, c’est l’un des meilleurs postes que j’aime en politique. Il est vrai que j’étais candidat à la députation mais c’est l’un des postes où l’on peut vraiment développer son programme et sa vision pour le développement, en collaboration avec la communauté. C’est donc dire que ma candidature se fera sous réserve que mon parti me fasse confiance.
Minute.bf: Pour ce faire, envisagez-vous d’être un conseiller municipal ?
Oui ! Pour mon village, je pense que cela ne souffre d’aucun débat mais être conseiller municipal est bien différent que d’être maire parce que là c’est une autre étape qui se décide avec un groupe. Aussi, nous ne savons pas ce que les élections à venir nous réservent, il se peut que le mode d’élection des maires change. Si c’est au suffrage direct, il faut l’onction du parti et même si on revient à l’ancien système, là encore, il faut d’abord négocier pour être conseiller et ensuite agir sur le terrain, car comme le disent les militaires, c’est le terrain qui commande la manœuvre.
Dans cette vidéo ci-dessous, René Soubeiga détaille les différents projets de développement qu’il entend mettre en oeuvre au bonheur des populations de Diabo…
Minute.bf : Quand vous serez maire, quelles seront vos actions dans la localité en matière de lutte contre l’insécurité ?
Nous rendons encore grâce à Dieu puisque malgré notre proximité avec la commune de Fada, jusque-là, Diabo n’a pas encore subi d’attaque. En tant que maire, nous avons appuyé les actions que le gouvernement a mises en place ; il s’agit du volontariat. Vous savez que l’armée seule ne peut rien faire. En matière de sécurité, c’est le renseignement. Si les populations ne sont pas unies pour permettre ce renseignement, ça sera très difficile pour les forces de défense et de sécurité. Donc en tant que maire, naturellement je vais commencer d’abord par accompagner les agents de sécurité sur le plan des moyens roulant parce qu’ils sont très mobiles. Continuer à travailler avec les volontaires mais surtout continuer à travailler à d’autres niveaux afin qu’il y ait la cohésion sociale et éviter la stigmatisation. Il faut faire en sorte que chacun dans son coin se sente sécurisé. Et cela passe par la cohésion et la sensibilisation. Comme il y a une radio communale, il faut la mettre à profit pour sensibiliser les gens afin que chacun fasse sienne cette question d’insécurité pour ne pas tomber dans la manipulation. On a plein de déplacés à Diabo qui ont quitté la commune de Fada, Tanwalbougou, Nagaré, etc. On a plein qui sont rentrés. Eux, avec ce qu’ils ont vécu, je pense que cela peut contribuer à remédier au terrorisme.
Minute.bf : Quelles stratégies allez-vous mettre en place pour promouvoir la cohésion sociale ?
Déjà, même s’il n’y avait pas d’insécurité, la cohésion sociale est quelque chose de très important à promouvoir. Parce que vous ne pouvez pas amorcer un développement s’il n’y a pas de cohésion sociale. Nous sommes dans un Etat fragile parce que nous ne sommes pas des Etats nations. Ce qui fait donc que les pays africains n’arrivent pas à décoller. Sur le plan communal, c’est encore criard parce qu’on est dans des localités où les gens se connaissent, si cette cohésion n’y ait pas, aucun projet ne peut se développer. Donc ce que je ferai, c’est la sensibilisation. Il faut mettre en place donc des comités villageois pour que ces gens-là puissent travailler par village en sensibilisant, et essayer de faire un mariage pour faire une faitière afin de faire en sorte que les autorités puissent participer à tout ce qui se passe dans la commune. Ensuite, faire en sorte que ce que chacun pose comme acte soit respecté. Parce qu’il faut promouvoir chacun dans ce qu’il fait. Sur le plan religieux, vous avez les chrétiens, les coutumiers et les musulmans. Tous ces gens-là, il faut les mettre en confiance et ne pas avoir en tant qu’autorité un parti pris, parce que l’intégrisme vient souvent de ces aspects-là. Donc, il faut arriver à mettre en place des comités qui fonctionnent et sur le plan religieux, c’est de faire en sorte qu’entre les leaders religieux, il y ait une parfaite harmonie comme ce qu’on ressent aujourd’hui au plan national. Si en plus de tout cela vous ajoutez un peu de dose de bonne politique de développement, je pense que vous avez la cohésion sociale. Ce n’est pas plus que cela.
Minute.bf : Parlant de comité, est-ce-que vous faites allusion à ce qu’on appelle l’arbre de la cohésion sociale ?
Oui, je fais un peu allusion à l’arbre de la cohésion sociale. Parce que, comme on le dit, si vous voulez un arbre qui puisse porter du fruit, il faut naturellement commencer à la racine. Nous devons veiller à ce que l’arbre soit bien arrosé avec l’implication des différentes couches telles que les femmes, les vieux et les jeunes, parce que souvent nos difficultés viennent même des problèmes générationnels. Ce que les jeunes vivent aujourd’hui, les vieux ne veulent pas l’accepter, encore moins les femmes. Si déjà au niveau local, cet arbre est mis en place, au niveau de la faitière, ça devient très simple. Quand j’étais maire, souvent on parcourait des villages pour aller faire taire des conflits de terrains et de femmes. S’il y a déjà cet arbre de la cohésion sociale, ces problèmes sont déjà résolus au niveau local. On fera de moins en moins appel à l’autorité, à la police et à la gendarmerie alors que c’est ça qui envenime les choses. Comme on le dit, une bonne entente vaut mieux qu’un procès.
Minute.bf : Quel est votre message particulier à l’endroit de la population de Diabo ?
Le message particulier que j’ai déjà, c’est dire merci pour la confiance que ces populations ont accordé à mon parti le NTD et à travers le NTD, ma modeste personne. Je voudrais leur dire également merci parce que comme le disent les ivoiriens, « ils n’ont pas oublié leur hier ». Ils ont été très reconnaissants pendant que d’autres venaient donc leur donner beaucoup d’argent et ils ont reconnu ce que j’ai pu faire quand j’étais maire. Ce n’est pas toujours évident et rien que cette reconnaissance me va droit au cœur, ce qui a permis au parti d’avoir beaucoup de voix dans la commune. Je les appelle également à rester dans cette logique parce que l’argent ne peut pas tout faire. Vaut mieux avoir affaire à un développement que d’avoir de l’argent pour le temps d’une campagne. Et, merci à ces personnes anonymes qui m’ont aidé pendant cette campagne.
Entretien réalisé par Armand Kinda
Minute.bf