mercredi 13 novembre 2024
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Burkina : Dr Tongnoma Zongo analyse l’impact de l’orpaillage sur la main d’œuvre agricole dans le Sanmatenga

Dans cet article, Dr Tongnoma Zongo, chargé de recherche à l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS) du CNRST et Specialiste des questions minières aborde l’impact de l’orpaillage sur la main d’œuvre agricole dans le Sanmatenga, région du Centre-nord du Burkina Faso. Les résultats de l’étude ici⤵️

Thème : L’impact de l’orpaillage sur la main d’œuvre agricole dans la province du Sanmatenga au Burkina Faso

Résumé

Ce document de vulgarisation est tiré de l’article scientifique intitulé « Mécanisme de régulation par le bas de l’orpaillage dans les sites aurifères du Sanmatenga au Burkina Faso » publié dans la revue PASRES en 2021 analyse l’impact de la pratique de l’orpaillage sur la main d’œuvre agricole.La pratique de l’orpaillage au Burkina Faso qui était relativement considérée comme un complément à l’agriculture, est désormais engagée dans une concurrence de la main d’œuvre agricole. Cette situation provoque une mutation sur le système agricole des zones de production minières du Burkina Faso. Cet article vise à analyser l’impact du basculement de la main d’œuvre agricole vers les sites d’orpaillage au Burkina Faso. Une étude ethnographique multi-située dans la province du Sanmatenga et de la capitale Ouagadougou nous a été d’un apport de taille pour comprendre les dynamiques qui se construisent actuellement dans un contexte de basculement d’une bonne partie des jeunes dans les sites d’orpaillage.

Introduction

L’agriculture est le secteur refuge par excellence au Burkina Faso, mais son caractère traditionnel (avec une productivité très faible) ne permet malheureusement ni de répondre de manière satisfaisante à la demande alimentaire locale de plus en plus croissante, ni de doter les exploitations agricoles familiales d’un revenu suffisant à même de satisfaire leurs multiples besoins. L’agriculture est presque toujours pluviale, itinérante, sans roue ni charrue, ce qui limite sa production. En effet le Burkina Faso a péché par l’absence d’une politique agricole claire cohérente susceptible de créer les conditions de remettre les millions de petits agriculteurs au travail ainsi que l’émergence d’une agriculture compétitive et professionnelles, capable de relever les défis de créations d’emplois et de sécurité alimentaire. Or au lendemain de leur indépendance dans les années 1960, selon Shikayi Luboya (1994), la plupart des pays d’Afrique noire dont le Burkina Faso, dans l’optique de réduire la pauvreté rurale, ont basé leur politique de développement agricole et rural sur une intervention accrue de l’Etat dans le secteur agricole. En effet le Burkina Faso connaît une croissance économique erratique depuis 1960. Ces politiques des efforts de développement rural menés depuis ces années au Burkina Faso n’ont pas été à la mesure des problèmes énormes que posent l’autosuffisance alimentaire et l’amélioration du bien-être des populations rurales en particulier. Ces insuffisances politiques, l’augmentation rapide de la population et l’évolution des techniques d’extraction dans le domaine de l’orpaillage ont favorisé le basculement de la main d’œuvre agricole vers les sites d’orpaillage du Burkina Faso. Notre article questionne l’impact du basculement de la main d’œuvre agricole vers les sites d’orpaillage du Burkina Faso.

Méthodologie

Dans le cadre de cette étude nous avons adopté une démarche méthodologique qualitative. Il s’est agi de collecter des données à travers des observations, des entretiens individuels et des focus groups pour comprendre les causes du basculement de la main d’œuvre agricole vers les sites d’orpaillage du Burkina Faso. Ces entretiens ont eu lieu dans la province du Sanmatenga auprès de plusieurs acteurs. Ces acteurs sont entre autre les orpailleurs, les agriculteurs, la direction de l’agriculture, les propriétaires terriens, les femmes etc. Au total nous avons mené 32 entretiens dans le cadre de cette étude.

Présentation et discussion des résultats

Le basculement de la main d’œuvre agricole vers les sites d’orpaillage et l’insécurité alimentaire
Le basculement de la main d’œuvre agricole vers les sites d’orpaillage ne manque pas d’exposer la population rurale à une situation de déficit alimentaire. L’orpaillage perturbe considérablement l’agriculture à cause de la baisse de la main d’œuvre qu’il occasionne. Cette réorientation de la main d’œuvre agricole dans les sites aurifères artisanaux trouve sa justification aux espoirs d’y accéder sur le bon filon. Certains jeunes n’hésitent pas à quitter leurs villages d’origines pour s’installer définitivement ou d’une manière temporaire dans les sites artisanaux de la province, laissant la campagne agricole aux vieux et vieilles dans la province. Le boom minier que connaît le Burkina Faso actuellement associé aux résultats mitigés des politiques agricoles, provoquent un bouleversement des calendriers qui structurait jusque-là l’économie.
L’orpaillage installe un cercle vicieux à travers l’euphorie et l’espoir d’un avenir meilleur qu’il a engendré. Le bouleversement s’est observé sur la complémentarité de l’orpaillage à l’agriculture. Alors que les économies rentières, quelle que soit leur nature, présentent de grands risques (Magrin G., 2010). Ceux-ci tiennent à leur dépendance envers des dynamiques externes dont les soubresauts affectent durement l’économie interne. Malgré tout, les rentes agricoles portent l’avantage de produire des effets d’entraînement considérables et favorables à l’expansion d’autres secteurs, ainsi bien à l’échelle des zones de production qu’ailleurs. Si l’on prend l’exemple du coton les graines sont utilisées pour la fabrication du savon, d’aliment pour le bétail et d’huile. Une partie de celle-ci sera commercialisée tandis que l’autre est réservée à la consommation. Or, tel n’est pas le cas pour l’or qui offre une valeur ajoutée. Car qu’il soit issu de l’orpaillage ou de l’exploitation industrielle, il intègre directement le marché sous régional puis mondial, sans aucune transformation si ce n’est un certain niveau de raffinage dans le cas de d’autres pays miniers Africains. Ce cheminement se fait par le biais de réseaux nationaux et internationaux. C’est ce sens qu’un de nos interlocuteurs avance que : « l’or ne nous profite pas, la seule activité qui nous arrange c’est l’agriculture car nous ne pouvons pas transformer l’or ici au Burkina Faso »
Une autre avance que l’or ne peut pas lutter contre l’insécurité alimentaire c’est seulement l’agriculture qui pourra nous aider à sortir de la pauvreté 
La perception de la population sur le basculement de la main d’œuvre agricole vers les sites d’orpaillage
Pour d’autres chercheurs les fonds issus de l’exploitation artisanale de l’or peuvent servir à investir dans l’agriculture voir (F. Brugger,& J. Zanetti, 2020). Tout compte fait, ce basculement des jeunes vers les sites d’orpaillage mérite une interrogation. Le secteur aurifère a rapporté au pays, à l’exportation, 190 milliards Fcfa, dépassant ainsi les recettes cotonnières estimées à quelque 117 milliards de Fcfa (INSD, 2010, p. 14). Cette situation d’évolution des mines artisanales ne tarde pas à exposer les populations rurales à un déficit alimentaire (T. Zongo, 2019, p.101). Des champs sont érigés en sites aurifères et les tenants des activités agricoles que sont les jeunes et les femmes délaissent les champs au profit de l’orpaillage dans nombre de localités au Burkina Faso à l’image de la province du Sanmatenga (T. Zongo, 2019, p 104). Cette pourrait trouver une justification à cause de la dégradation des sols .Un de nos interlocuteurs avance que : « Nous ne pouvons pas ne pas laisser l’agriculture car c’est une activité incertaine. Tu cultives mais tu ne sais pas si tu auras quelque chose à cause de l’instabilité de la saison des pluies alors que dans les sites d’orpaillage même si tu ne gagnes rien le fait d’entendre que tel voisin de trou a eu une somme importante te donne l’espoir »
AE, un autre de nos interlocuteurs avance que : « Je suis ne trouver que mes parents sont des agriculteurs mais cette activité n’a pas pu permettre à mes parents de s’acheter une moto, mais je peux vous dire que grâce à l’orpaillage, j’ai payé plus de cinq motos pour ma famille. Pour moi c’est une activité plus concrète que l’agriculture »

Conclusion

La main d’œuvre agricole est menacée par l’orpaillage à cause les aléas climatiques et par conséquent leur économie basée sur cette activité devient instable. Ces jeunes ruraux avancent que l’exploitation artisanale de l’or est plus concrète que l’agriculture avec ce contexte de changement climatique Mais, ce basculement définitif de la main d’œuvre agricole dans l’orpaillage n’est pas sans conséquences sur les rendements agricoles

Bibliographie

BRUGGER Fritz, & ZANETTI Jessica (2020). “In my village, everyone uses the tractor”: Gold mining, agriculture and social transformation in rural Burkina Faso. The Extractive Industries and Society. Vol 7, n° 3, pp 940-953.
ZONGO Tongnoma, 2019, Orpaillage et dynamiques territoriales dans la province du Sanmatenga « le pays de l’or » au Burkina Faso, Thèse de Doctorat en cotutelle de Géographie, Université Joseph ki Zerbo et Université Panthéon Sorbonne, 265 pages.
Zongo Tongnoma, Gouama Nacoulma et Zougouri Amidou 2021« Mécanisme de régulation par le bas de l’orpaillage dans les sites aurifères du Sanmatenga au Burkina Faso » publié dans la revue PASRES en 2021

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