Le premier maire de la commune de Sabcé accuse son successeur, Rigobert Nassa, de « dégradation volontaire de biens ». Il a donc fait une citation directe à Rigobert Nassa qu’il accuse d’avoir « délibérément » détruit le mur de la mairie et le radier de Yimbskangho qu’il a construits sur « fonds propres ». Une action qui vise, selon la partie civile, à « effacer » les différents efforts fournis par Pierre Zoungrana dans le développement de la commune de Sabcé. « Si on doit effacer mes traces, il faut que je réagisse », a martelé Pierre Zoungrana. C’est ainsi qu’un procès a été intenté contre le « destructeur », Rigobert Nassa, en citation directe, au tribunal de grande instance de Kongoussi ce 30 mars 2022.
« Dégradation volontaire de biens ». C’est le chef d’accusation qui pèse sur le sexagénaire, Rigobert Nassa, qui vient de quitter la mairie avec la dissolution des conseils municipaux intervenue après le coup d’État de fin janvier 2022. En effet, M. Nassa est accusé d’avoir « délibérément » détruit le mur en pierre taillée de la mairie de Sabcé pour ériger un nouveau mur. Le préjudice causé par le « terrassement » du mur s’élève à 24 072 150 FCFA, selon un devis estimatif de la partie accusatrice.
Il est aussi accusé d’avoir « volontairement » et de « façon unilatérale » détruit la digue de Yimbskangho, également construit « sur fonds propres » par M. Zoungrana. Le préjudice s’élève à 91 360 000 FCFA. Le total du préjudice de ces deux biens détruits s’élève à 115 432 150 FCFA. Également, en détruisant la digue, souligne M. Zoungrana, M. Nassa a « intentionnellement » détruit la plaque qui portait l’écriteau : « Digue offerte par Pierre Zoungrana, maire de Sabcé ». M. Zoungrana dit avoir donc subi un « préjudice moral » et réclame à ce effet des dommages et intérêts à hauteur de 100 000 000 FCFA. « Attendu que la présente procédure a contraint monsieur Zoungrana Pierre à s’attacher les services d’un conseil pour assurer la défense de ses intérêts, que ce recours a occasionné des frais estimés à 5 millions de FCFA », la partie civile réclame à l’accusé le paiement de cette somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

« Je ne reconnais pas les faits »
Après avoir cité les chefs d’accusation qui pèsent sur l’accusé, le président du tribunal lui a donné la parole. « Reconnaissez vous les faits qui vous sont reprochés ? » : interroge-t-il. Et à Rigobert Nassa de répondre : « je ne reconnais pas les faits ». Il indique que le mur a été réhabilité par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD). Les travaux du mur ont été lancés le 14 octobre 2018 et on pris fin le 2 juillet 2018. La partie accusatrice, s’appuyant sur l’article 622-1 du code de procédure pénale, estime qu’il y a « dégradation volontaire de biens ». Mais pour le Procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Kongoussi, « l’infraction instantanée » tombe sous le coup de la prescription. « L’infraction se trouve éteinte » car plus de trois ans se sont écoulés, de la construction du mur, à la poursuite judiciaire contre ce fait.
Mais, pour Me Maria Kanyili, conseil de Pierre Zoungrana, l’action ne devrait pas être éteinte car la réception définitive du mur, selon le procès verbal de réception, ne s’est faite qu’en 2020. Elle confie à cet effet que son client n’a eu connaissance de la destruction du mur qu’en février 2022. Mais, pour l’avocat de M. Nassa, Me Issiaka Ouattara, la période devrait inclure le terrassement du mur. Il confie que la partie civile a été bien mise au courant de la démolition du mur et a même été invitée à la cérémonie de réception. « Mais il (M. Zoungrana) n’est jamais venu », relève-t-il.
De son côté, M. Nassa dit avoir eu l’information par la citation directe, qu’il « aurait détruit les biens de M. Zoungrana ». Il ajoute qu’il n’a pas eu connaissance que ces biens ont été personnellement réalisés par Pierre Zoungrana. Mais de l’explication du maire Zoungrana, le mur a été construit sur « fonds propres ». Il dit avoir utilisé les « perdiems » qui lui revenaient durant sa gestion à la mairie, pour construire ce mur. Le radier a également été construit sur fonds propres dans les années 2000, bien avant qu’il accède à la mairie, selon ses explications. M. Zoungrana également opérateur économique affirme avoir fait plusieurs réalisations pour le développement de sa commune.

La préfecture a été son œuvre, le lycée communal également. Mais, malgré ces efforts, il dit avoir constaté que depuis l’accession de M. Nassa à la tête de la mairie, ce dernier travaille à effacer tout ce qui porte son nom. Ce qui a ainsi causé sa « réaction ». « Ce sont des efforts que je fais depuis 1982. J’ai fait beaucoup d’investissements à Sabcé. Si ça doit continuer comme cela, on va tout terrasser », s’alarme-t-il. Mieux, M. Zoungrana estime que l’on n’avait pas besoin de détruire la digue pour la construction du pont.
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Mais, selon l’accusé, ce sont les conclusions de l’étude technique qui font passer la voirie de 35 kilomètres en construction, sur le radier. Le conseil de M. Zoungrana a donc demandé à l’accusé de produire le rapport de l’avis technique qui prouve qu’il était nécessaire de faire passer le pont sur le radier. Mais le tribunal n’a pas jugé nécessaire la production de ce rapport pour la suite de l’audience.
« Infraction non constituée »
Le procureur, à lalumière des pièces fournies par la partie civile et de la comparution des deux parties, a estimé que l’infraction de dégradation de biens n’est pas constituée. Pour lui, si ces réalisations ont été faites pour la communauté, elles n’appartiennent plus à l’ancien maire Pierre Zoungrana. Et Rigobert Nassa, en sa qualité de maire, avait le droit de travailler aussi pour la commune. Pour Me Issiaka Ouattara, il n’y a pas de disposition légale qui montre que M. Nassa avait l’obligation d’informer M. Zoungrana avant la destruction des infrastructures qui « appartiennent à la communauté ». « M. Zoungrana ne peut pas prétendre de la propriété d’un bien construit pour la commune », a martelé le procureur.
Me Kanyili revient à la chatge et précise que ce qui a conduit les différentes parties devant le tribunal, « c’est l’esprit caché derrière la destruction de biens ». Mais Me Issiaka Ouattara persiste que M. Zoungrana ne peut pas poursuivre M. Nassa pour des faits posés dans le cadre de ses attributions, en sa qualité de maire, lesquelles attributions, dit-il, « sont régies par la loi ».
Le procureur quant à lui, a tranché que Rigobert Nassa devrait être relaxé pour infraction non constituée.
Le procès a été mis en délibéré le 13 avril prochain.
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Armand Kinda
Minute.bf