lundi 14 juillet 2025
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Adja de Komsilga : « Je n’ai aucun lien avec le Chef de l’Etat »

Elle est l’une des figures les plus emblématiques de la médecine traditionnelle au Burkina Faso. Ses séances de guérison, de délivrance et ses actions relevant du surnaturel ont fait sa renommée, tant au niveau national qu’international. Amsétou Nikiéma, plus connue sous le nom d’Adja de Komsilga, est devenue, ces dernières années, le point de convergence pour des malades de toutes sortes, des personnes en détresse, ou tout simplement celles en quête de gloire et de richesse. Dans cette interview exclusive accordée à Minute.bf, le 30 juin 2024, la guérisseuse de Komsilga s’exprime sans détour sur son métier, l’origine de son don de guérison, ainsi que sur sa vie familiale. Elle évoque également ses récents déboires avec la justice burkinabè et les supposés liens qu’elle entretiendrait avec le Président du Faso. Interview !

Minute.bf : Si vous devriez vous définir, quel mot serait-il approprié ?

Adja de Komsilga : Par rapport à ce que je fais, si je devais me définir, je me présenterais comme Dame Wend Na Song Sida ! (En mooré, cela signifie : « Que Dieu défende la vérité », ndlr). Que signifie Dame Wend Na Song Sida ? Lorsque le pouvoir a voulu descendre, il a dit que beaucoup allaient douter, qu’ils allaient dire que ce ne sont que des mensonges. Mais lui (le pouvoir, ndlr), n’a pas à se justifier auprès de ceux qui ne croient pas. Non ! Si quelqu’un te dit que tu mens, tu dois répondre : Wend Na Song Sida, que Dieu défende la vérité. Si ce que tu dis n’est pas vrai, même si tu manipules les gens avec des mensonges, la vérité finira par éclater. Mais si ce que tu dis est la vérité, les gens douteront de toi, mais au final, ils finiront par te croire.

Minute.bf : Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes devenue la « Adja la guérisseuse » dont le monde entier parle ?

Adja de Komsilga : Avant, je n’étais pas comme cela. J’étais une élève. Quand j’étais à l’école, mon seul rêve, c’était de soigner les gens, parce que j’ai vu beaucoup de personnes tomber malades ici, au village, sans avoir les moyens de se soigner. La plupart perdaient la vie à cause de cela.
Donc, mon seul souhait, quand j’étais à l’école, c’était de devenir agent de santé pour venir en aide aux gens. Depuis mon enfance, j’ai senti que j’étais différente des autres. Je n’étais pas comme eux. Mais je n’arrivais pas à me comprendre moi-même. Je me posais beaucoup de questions.

Tout a commencé ainsi : j’habitais avec ma sœur et son mari, quand j’avais entre 4 et 5 ans. J’étais encore une enfant, mais je me souviens que quand on rentrait le soir, on allumait une lampe pour dormir. Mais lorsque l’on me disait d’aller me coucher, je voyais des enfants venir vers moi.
Ils avaient de longs cheveux, portaient de jolies robes de princesses ornées de fleurs. En s’approchant de moi, ils se moquaient. J’étais la seule à les voir. Ils venaient en groupe et aimaient s’habiller de blanc, de jaune, de rouge, de vert… Ils me demandaient si je voulais être comme eux.
Je leur répondais Oui. À chaque fois que je leur répondais ainsi, dans les jours qui suivaient, quelqu’un venait forcément m’offrir des robes aux mêmes couleurs que celles portées par au moins l’un d’entre eux.
Cela a duré jusqu’au jour où j’ai ressenti une douleur intense à l’oreille. J’avais si mal que le moindre bruit me faisait hurler. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait.
Après cela, alors que ma sœur était toujours avec son mari, je lui ai dit : Est-ce que tu sais que ton mariage ne va pas durer ? Ce jour-là, je me souviens, elle m’a frappée en disant que j’étais trop petite pour parler ainsi. Mais j’ai insisté : L’homme avec qui tu es n’est pas ton mari. Elle m’a alors demandé qui était son vrai mari, mais je n’ai pas répondu. Finalement, moins d’un an plus tard, son mariage s’est brisé.
Nous avons ensuite regagné notre famille. Là-bas aussi, quand je sortais pour être seule, je sentais la présence de quelqu’un que je ne voyais pas. Le matin, en regardant le soleil, je pouvais lire la journée et savoir déjà ce qui allait se passer, comme si je regardais un film.
Je n’arrivais pas à expliquer cela aux gens pour qu’ils me comprennent. Mais ce qui m’a toujours troublée, c’est que, même avec mes parents, j’avais l’impression de ne pas être vraiment en famille. C’était comme si ma véritable famille était ailleurs, comme si, au moment de ma naissance, mes vrais parents étaient partis et que ceux qui m’élevaient m’avaient adoptée.
Je vous jure que je n’arrive pas à expliquer cela clairement pour que l’on me comprenne. C’était ainsi, et les autres enfants refusaient de jouer avec moi. Quand je sortais, les gens se méfiaient de moi, comme si je portais quelque chose de répréhensible. Cela a duré pendant mes cinq à sept ans d’enfance.
Au CP1, CP2, j’ai commencé à comprendre beaucoup de choses. Quand je voyais quelqu’un de malade ou en difficulté, je prenais quelque chose, je lui donnais, et il se sentait mieux. Parfois, la personne me demandait qui m’avait donné ce remède, et je répondais en citant quelqu’un au hasard. Mais quand on allait vérifier, cette personne affirmait ne jamais m’avoir donné quoi que ce soit. Je ne sais pas qui me donnait ces remèdes. Était-ce un génie ? Un esprit ? Je l’ignore…

Adja de Komsilga bénissant des bébés « conçus grâce à ses séances de guérison »

Mon seul ami, c’est mon travail…

Minute.bf : Est-il possible pour vous d’enseigner ce que vous faites à l’université?

Adja de Komsilga : Enseigner ce que je fais à l’université ? Si ce n’est pas les tisanes qu’on peut enseigner, je ne pense pas que ce soit possible. Les tisanes, tu peux expliquer aux gens pour que même en ton absence, ils puissent se soigner eux-mêmes. Mais mon don, je ne pense pas pouvoir l’enseigner, parce que moi-même je ne connais pas exactement son origine. Il faut savoir qu’en toute chose il y a un secret. Les livres que vous lisez renferment par exemple des secrets dont vous seuls qui êtes allés à l’école savez déchiffrer. N’est-ce pas ? Dans tout ce que Dieu fait, il met un code que tout le monde ne peut pas déchiffrer. Ceux mêmes qui parviennent à le déchiffrer ne le font pas de leur seule volonté. C’est parce que Dieu les a choisis. Donc, si toi aussi tu te lèves tu veux le faire juste parce que tu as une tisane, ça ne marchera pas. Quand nous on veut prescrire quelque chose, il y a des paroles qu’on prononce que tu ne connais pas forcément.  

Minute.bf : Comment parvenez-vous à concilier votre vie privée avec autant de monde à assister ?                            

Adja de Komsilga : Côté vie privée, à la maison, je suis seule tout le temps, avec ma télé. En famille, les gens ont peur de moi. Ils ne m’approchent même pas. Si je vois des gens assis en train de discuter et que je les rejoins, plus personne ne parle. Cela m’a conduite à me renfermer sur moi-même. Je me méfie, je reste chez moi.
Mais je cuisine, je fais tout. Cela ne me dérange pas. Cependant, il arrive souvent que je laisse la cuisine pour aller soigner des gens. Je n’ai pas d’amis ni de copines. Mon seul ami, c’est mon travail. Parfois, des gens viennent me saluer, mais comme je ne suis pas très bavarde, ils repartent rapidement.
En fait, ce n’est pas que je suis trop renfermée, mais j’ai remarqué que presque tous ceux qui viennent soi-disant pour discuter cherchent en réalité à me découvrir. Ils ne viennent pas pour partager quelque chose d’eux-mêmes, mais pour m’écouter. Pourtant, je ne peux pas passer mon temps à parler de moi, il faut aussi que les autres parlent d’eux. C’est pour cela que je n’ai pratiquement pas d’amis, à part ceux avec qui je travaille.
Et puis, quand je discute avec les gens, j’ai l’impression d’être dans un autre monde qui ne me plaît pas, qui n’est pas le mien.

J’ai déjà soigné des cas de SIDA…

Minute.bf : Avec autant de monde, comment organisez-vous votre travail ?

Adja de Komsilga : Selon l’organisation de mon travail, les lundis, je soigne, mais pas de façon intensive. Je traite quelques patients, puis je leur accorde du repos afin qu’ils puissent reprendre des forces. Ils ne doivent pas être focalisés en permanence sur leur traitement, car cela les rend malheureux.
Donc, le lundi matin, je sors, je fais des bénédictions, je verse de l’eau, je donne des traitements ou parfois, je réserve carrément ma soirée pour faire un peu de Douahs.
Le mardi, je soigne également, mais toujours de façon modérée. Ce sont les jeudis et dimanches que je soigne intensivement, et pour toutes sortes de maladies.
Les mercredis et samedis sont consacrés aux consultations, car certaines personnes viennent uniquement pour une consultation, tandis que d’autres viennent pour des soins. Or, les consultations et les soins ne sont pas la même chose.

Minute.bf : Dans la pratique, est-il arrivé des cas que vous n’avez pas pu soigner ?

Adja de Komsilga : Je n’ai jamais rencontré un cas de maladie que je n’ai pas pu soigner. Quand le patient arrive et qu’on fait les consultations, la maladie dont il souffre se révèle automatiquement et son remède avec. Et il retrouvera la santé, mais à condition qu’il suive les recommandations qu’on lui donne.

Adja de Komsilga en train de benir un orpailleur en quête de chance

Minute.bf :  Vous avez dit lors de votre récente sortie à l’université que vous pouvez soigner même le SIDA, l’avez-vous déjà fait?

Adja de Komsilga : J’ai déjà soigné des cas de SIDA. Il y a des personnes qui sont venues de l’extérieur, qui souffraient de cette maladie, que j’ai réussi à soigner. Ils ont même ramené leurs analyses après, pour confirmer qu’effectivement la maladie est guérie. Je ne peux pas dire des choses que je n’ai pas faites. Si je le dis, c’est parce que je l’ai déjà fait.

Minute.bf : Peut-on donc dire que pour une première fois dans l’histoire, une Burkinabè a réussi le pari de soigner le SIDA ?

Adja de Komsilga : En tout cas, moi, j’ai réussi à soigner cette maladie. Quand le patient est arrivé, je l’ai traité sans même savoir qu’il souffrait de cette affection. C’était l’année dernière, à une période où j’avais des démêlés avec la justice. Après les soins, la personne est revenue ici, mais ne m’a pas trouvée, car j’étais à Ouagadougou. Elle m’a attendue et, à mon retour, elle m’a annoncé que son SIDA avait disparu. Pourtant, lorsque cette personne était venue me voir, sa maladie était déjà à un stade très avancé.
Quand elle m’a dit cela, je lui ai conseillé d’aller faire d’autres examens dans différents centres médicaux pour s’assurer. Elle a multiplié les analyses et est ensuite revenue, avec des résultats à l’appui, pour me confirmer que les médecins avaient effectivement attesté sa guérison. Il y a même des témoins.
En réalité, ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il existe des maladies qui ne sont pas naturelles, et le SIDA en fait partie. Les sorciers sont capables de tout, y compris de jeter des sorts qui provoquent des maladies. Mais tant que le mal dont souffre une personne provient de leurs œuvres, je peux la guérir.
D’ailleurs, le cas de ce patient n’est pas isolé. Ce n’est pas la seule personne atteinte du SIDA que j’ai soignée et qui a guéri. Il y en a beaucoup d’autres. Toutefois, certains patients que j’ai traités ne sont pas encore totalement rétablis. Leur maladie a diminué en intensité, mais ils ne sont pas encore complètement guéris.

Je ne fais qu’exécuter ce qui m’a été assignée...

Minute.bf :  Vous organisez couramment des prières au cours desquelles vous faites des sacrifices de chameaux. A quoi cela répond-t-il ?

Adja de Komsilga : Merci pour la question ! C’est une interrogation qui revient très souvent. Beaucoup de personnes parlent du sacrifice des chameaux sans vraiment savoir ce qu’il y a derrière. Chacun se fait sa propre idée.
Le sacrifice des chameaux m’a été recommandé par les esprits, ceux qui m’ont attribué le don de guérison. Au départ, nous ne faisions pas de sacrifices de chameaux. Tout a commencé par des poulets. Ensuite, il m’a été demandé d’offrir des moutons, puis des bœufs, et aujourd’hui des chameaux. Avant de faire une prière, les esprits indiquent le nombre et le type d’animaux requis : cela peut être des poulets, des bœufs ou des chameaux. Ce sont des prescriptions spirituelles, et nous ne faisons que les suivre.
Il est également important de préciser que l’argent pour l’achat des chameaux ne vient pas de moi. Il provient des cotisations des personnes qui viennent se soigner ici. Certaines vont même jusqu’à acheter elles-mêmes leur propre chameau pour le sacrifice. Par exemple, lorsqu’un patient vient pour des soins, il arrive que, lors de la consultation, les esprits demandent un sacrifice de chameau. La personne peut alors décider d’acheter immédiatement neuf chameaux pour le rituel. De la même manière, d’autres peuvent en offrir cinq, dix, voire trente ou plus, afin que les sacrifices profitent aussi aux patients dans le besoin, mais qui n’ont pas les moyens financiers.
Concernant les prières, chaque mercredi, nous prions pour environ 1 500 personnes. Le dimanche, nous pouvons accueillir entre 8 000 et 15 000 patients pour les grandes prières mensuelles. Nous réalisons ces sacrifices au moins quatre fois par mois. Si, parmi toutes ces personnes, une dizaine ou une vingtaine doivent effectuer un sacrifice de chameau, imaginez le nombre d’animaux nécessaires en un mois. Faites le calcul. Puis projetez-vous sur cinq mois, et vous comprendrez pourquoi le nombre de chameaux sacrifiés augmente naturellement.
Ainsi, nous ne faisons pas ces sacrifices au hasard. Tout a un but précis. Ce sont les patients eux-mêmes qui cotisent pour acheter leurs chameaux. Malheureusement, certaines personnes ne comprennent pas ce fonctionnement et se font des idées erronées. Certains pensent, par exemple, qu’un bienfaiteur achète les chameaux pour nous les envoyer. D’autres vont jusqu’à dire que nous faisons ces sacrifices pour le chef de l’État. Cela me fait sourire, car ce n’est absolument pas le cas.
D’ailleurs, nous préparons actuellement un Douah qui aura lieu dans une semaine. À cette occasion, nous voulons sacrifier des bœufs pour la prière. Les cotisations ont déjà commencé : chacun donne ce qu’il peut. Certains contribuent pour 100 000 F CFA, d’autres 50 000 F CFA, et certains, 1 000 ou 100 F CFA. Une fois la somme réunie, nous achetons les animaux nécessaires.
C’est ainsi que nous parvenons à organiser ces sacrifices sans grande difficulté. Ce sont des pratiques spirituelles qui, lorsqu’elles sont respectées, permettent d’obtenir l’exaucement des prières. En revanche, si l’argent collecté est détourné, les choses ne s’arrangent pas. C’est ainsi que cela fonctionne, ce n’est pas sorcier.

Minute.bf :  Certaines personnes vous tancent d’être l’oracle du président Ibrahim Traoré. Que leur répondez-vous ?

Adja de Komsilga : Lorsqu’on atteint un certain niveau dans la vie, certaines choses ne nous touchent plus. Il y a des sujets que l’on ne prend même plus en considération. De toute façon, on ne peut pas empêcher les gens de raconter ce qu’ils veulent à notre sujet. Mais ce qu’ils disent est faux.
Je n’ai aucun lien avec le chef de l’État, le Capitaine Ibrahim Traoré. Il m’arrive de faire des consultations pour le pays et même au-delà de nos frontières. À travers ces consultations, je peux voir ce qui va se passer dans le futur, aussi bien pour le pays que pour d’autres régions. J’arrive, par exemple, à prédire les catastrophes à venir ainsi que les défis auxquels nous serons confrontés.
Ces consultations se font en public, devant tout le monde, et chacun peut écouter. Mais comme il y a toujours une grande affluence ici sur le site, je ne peux pas savoir si ce que je dis remonte jusqu’au Président ou non. Cela, je l’ignore totalement.

« Ils m’ont fait passer pour une folle quand mon mal a débuté.. »

Minute.bf :  Vous avez récemment été au cœur d’une affaire judiciaire qui a enflammé la toile, pouvez-vous nous en parler?

Adja de Komsilga : Ce que j’ai vécu m’a beaucoup appris. Cela m’a permis de comprendre énormément de choses. Mais c’est un sujet que je préfère ne pas aborder. Il n’est pas facile de traverser une telle épreuve et de continuer malgré tout à aider les gens. Il y a des situations qui te poussent à te demander si cela vaut vraiment la peine de te sacrifier pour les autres. Tu donnes tout pour eux, mais en retour, ils n’ont aucune reconnaissance. Pourtant, comme j’aime à le dire, je ne fais pas ce travail pour quelqu’un en particulier. C’est une mission qui m’a été confiée, et je ne fais qu’exécuter ce qui m’a été assigné. C’est tout ce que j’ai à dire sur le sujet.

Minute.bf :  L’on vous lie également au guérisseur Seydou Bikienga de Nagréongo. Quels sont vos rapports avec lui?

Adja de Komsilga : Je suis allée à Nagréongo lorsque j’ai reçu mon don, mais uniquement pour recueillir ses bénédictions avant de commencer mon travail. À l’époque, j’étais encore très jeune et ce don de guérison s’est manifesté sous la forme d’une maladie.
Quand cela a commencé, mes parents m’ont envoyée chez un premier guérisseur qui m’a donné des remèdes. Mais au lieu de m’aider, il a tout fait pour m’empêcher d’accomplir la mission qui m’était destinée. À cause de lui, mon état s’est aggravé. Ce n’était pas une maladie ordinaire, mais des transes accompagnées de révélations, ce que ma famille n’a jamais compris. Mes parents pensaient que j’étais folle et m’ont conduite chez plusieurs guérisseurs, mais aucun d’eux n’a pu me soigner. À chaque fois, on me donnait un remède qui ne produisait aucun effet.

Le guérisseur dont je parle a même poussé les gens à me considérer comme une folle. Il m’a enchaînée avec d’autres personnes atteintes de troubles mentaux. J’ai vécu ainsi jusqu’à ce qu’un vieil homme mette mon père en garde : il lui a dit que s’il ne me libérait pas, les esprits qui m’accompagnaient s’attaqueraient à lui. Mon père n’a pas voulu écouter, mais peu après, il est tombé gravement malade. Ce n’est qu’après sa guérison qu’il est venu me chercher immédiatement.
C’est alors qu’on nous a conseillé de voir Seydou Nagréongo. Une fois chez lui, après lui avoir expliqué notre situation, il nous a répondu en paraboles. En langue mooré, il a dit : « On ne peut pas envoyer un poulet acheter des condiments au marché, alors que le poulet lui-même fait partie des ingrédients. » C’est tout ce qu’il nous a dit. Il ne m’a donné ni remède ni médicament, rien du tout.

Une vue des patients de la guérisseuse

Quand nous sommes revenus, j’ai expliqué ces paroles à mon grand-père pour qu’il m’aide à les comprendre. Il m’a dit que le guérisseur voulait signifier qu’une personne ayant un don de guérison ne peut pas aller demander des soins à une autre personne possédant aussi ce don. Pour mieux comprendre le dicton du guérisseur, mes parents sont retournés le voir. À leur retour, ils m’ont rapporté un autre proverbe qu’il leur avait donné : « Lorsqu’il y a un lièvre qui suscite la convoitise de tous les chasseurs, c’est que ce lièvre est celui du chef. »
Je suis allée consulter une vieille femme pour m’expliquer la signification de ce proverbe. Elle m’a dit que cela voulait dire que seul Dieu pouvait m’aider à résoudre mon problème, car, selon elle, personne d’autre n’en avait le pouvoir. Elle m’a également avertie que j’aurais de grandes difficultés à fonder un foyer.
Malgré ces explications, je n’arrivais toujours pas à croire ce qui m’arrivait. Je voulais comprendre. C’est alors que mes parents ont entendu parler d’un voyant vivant dans le village de Rapadma. Ils ont voulu m’y conduire, mais les esprits m’ont dit de ne pas y aller. Quand mes parents ont insisté, je leur ai clairement dit que si jamais ils tentaient de me forcer, le véhicule tomberait en panne.
Ils ne m’ont pas crue et m’ont tout de même fait monter dans le véhicule. En chemin, le pneu du véhicule a crevé. Ils ont changé de voiture, mais le pneu de ce véhicule aussi a éclaté. Ils ont fini par changer de véhicule une troisième fois, mais encore une fois, le pneu a crevé. Finalement, ils se sont résolus à me laisser à la maison et sont partis seuls consulter.

Lorsqu’ils sont arrivés, le voyant leur a dit de me laisser tranquille si ils voulaient avoir la paix dans leur famille. Il leur a conseillé de me laisser accomplir la mission que les esprits m’avaient assignée et de me conduire simplement en brousse, pour m’y laisser.
Quand mes parents m’ont emmenée ici, dès que je suis arrivée, j’ai déclaré que c’était ici que je viendrais soigner les gens. Ils ont fait construire deux cases pour moi, et m’ont isolée. Personne ne voulait manger avec moi, et jusqu’à aujourd’hui, personne ne veut dormir avec moi non plus. Ils disent que des choses se produisent quand ils dorment près de moi. Quant à moi, je n’ai jamais rien vu d’anormal. Sinon, Seydou Nagréongo ne m’a ni soignée, ni donné un quelconque pouvoir.

Minute.bf : Quelle peut-être votre contribution à la résolution de la crise sécuritaire que connaît notre pays?

Adja de Komsilga : Pourquoi me posez-vous une telle question ? Je ne suis pas une politicienne. (Rires) Ce sont les politiciens qui peuvent vous répondre à ce sujet. Moi, je fais mes prières et je demande que la paix revienne dans notre pays. Mes prières ont aussi révélé beaucoup de vérités, mais les gens ne veulent pas les entendre. Alors, ce n’est plus à mon niveau… Je ne peux pas nier que je prie pour notre pays. J’ai toujours prié pour la paix, car ce pays nous appartient à tous. Peu importe ce que les gens diront de moi, que ce soit que je suis la Wackman (oracle, ndlr) ou même la copine du président, cela ne m’arrêtera pas. Je continuerai de prier pour mon pays, parce que, comme je l’ai dit, ce que je fais, je ne le fais pas pour moi-même. Je le fais pour ceux qui se battent chaque jour et qui risquent leurs vies pour nous sortir du pétrin dans lequel nous nous trouvons.

Minute.bf :  Que pensez-vous d’une intégration des tradipraticiens dans la chaîne de la médecine au Burkina Faso ?

Adja de Komsilga répond dans cette vidéo:

Minute.bf : Quels sont les défis qui se présentent à vous dans votre travail ?

Adja de Komsilga : Les attaques mystiques. Je fais l’objet de plusieurs sortes d’attaques, des attaques que l’on ne peut pas expliquer à quelqu’un. Si tu te lèves le matin et que tu es en vie, dis Alhamdoullah ! Si tu rentres le soir en bonne santé, dis Alhamdoullah. C’est comme ça. C’est inexplicable.

Minute.bf : Nous sommes à la fin de notre entretien, avez-vous un dernier message ?

Adja de Komsilga : En guise de mot de fin, je tiens d’abord à vous remercier, vous de Minute.bf qui êtes venue jusqu’ici pour réaliser cet entretien. Je remercie également toutes les personnes qui nous soutiennent dans notre travail, car cela nous donne de la force et du courage pour continuer. Quand tu travailles et que tu sais qu’il y a des gens qui te soutiennent, cela te motive énormément.

Ce n’est pas l’argent qui donne le courage, mais l’amour. C’est une chose qui ne s’achète pas au marché. Je vous remercie beaucoup pour cela. Je tiens aussi à exprimer ma gratitude au peuple burkinabè et à demander à Dieu de nous ramener la paix. Je Lui prie de sauver notre pays, de protéger les Forces de défense et de sécurité (FDS), ainsi que les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), et de veiller à la protection de tous ceux qui, bien qu’aucunement militaires ni VDP, mènent ce combat. Je prie pour que Dieu fasse toujours tomber l’ennemi sur cette terre.

Interview réalisée par Oumarou KONATE

Minute.bf

16 Commentaires

  1. Que Dieu lui donne ce qu’elle veut aussi edans ce monde. Du fait qu’elle donne aux autres ce qu’ils viennent lui demander, alors que Dieu lui donne ce qu’elle veut en dehors de sa mission.

  2. Merci beaucoup vraiment je suis très heureux d’avoir lu le parcours de notre guérisseuse long vie à elle et merci pour minute.bf pour cette réalisation !

  3. 🎉😀 Merci beaucoup d’avoir fait cet entretien
    Magnifique decouverte … Je me demandais si c’etait vrai ou pas ! Mais je sors convaincue apres la lecture de cette histoire qui merite d’être ecrit !

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