jeudi 12 décembre 2024
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Putsch au Burkina : « Ce qui est très important pour nous, c’est la sécurité » (Maire de Dablo)

Depuis le 24 janvier dernier, des militaires sont arrivés au pouvoir au Burkina Faso. La junte réunie autour du Mouvement patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) a renversé le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré qui venait d’être réélu pour un second mandat depuis novembre 2020. Dans un entretien accordé à www.minute.bf le 25 janvier 2022, le maire de la commune de Dablo, localité située dans la région du Centre-nord, province du Sanmatenga, a souhaité que la paix et la sécurité reviennent au Burkina Faso, particulièrement pour sa commune qui a été vidée de ses âmes depuis plusieurs semaines à cause de l’insécurité.

Minute.bf : Depuis le 24 janvier 2022, le pouvoir a changé de main au Burkina Faso. Les militaires ont renversé Roch Marc Christian Kaboré. Qu’elle est votre réaction sur ce fait?

Dr. Ousmane Zango : On a constaté que depuis le 23 janvier dernier, la situation a commencé par des mutineries et après effectivement hier (24 janvier, ndlr), au soir, on a vu un groupe de militaires qui ont fait une déclaration de prise du pouvoir à la télévision nationale. Mais il faut dire qu’avant cela il y avait un malaise au sein de la population et aussi au sein des forces de défense et de sécurité en ce qui concerne la stratégie de lutte contre le terrorisme au Burkina Faso parce qu’il y a eu des marches, le 27 novembre 2021 et le 22 janvier 2022, pour demander qu’il soit mise en place une bonne stratégie de lutte contre le terrorisme.

Minute.bf : Aujourd’hui les militaires arrivés au pouvoir dans un contexte d’insécurité. Quelles sont vos attentes des autorités militaires spécifiquement pour votre commune Dablo et de façon générale pour le Burkina Faso ?

Dr. Ousmane Zango : C’est l’insécurité qui a été le fait majeur de la chute du régime. Ce que nous souhaitons c’est de rétablir la sécurité de façon générale. Pour Dablo, nous espérons que dans un bref délai, (les militaires) arriveront à chasser ceux qui ont occupé le territoire et permettre le retour des populations. Nous pensons que si cela est fait, les populations pourront cultiver car depuis plus de trois ans cette population, majoritairement des cultivateurs, n’a plus pu exercer cette activité. Donc c’est de leur demander, puisque c’est eux qui sont au pouvoir, de faire tout pour reprendre les territoires abandonnés par les populations le plus tôt possible et de ramener ces populations-là dans leur localité, les installer et leur permettre de poursuivre leurs activités stoppées depuis 3 ans.

Minute.bf : En tant que maire de Dablo, est-ce que cette prise de pouvoir sonne comme une lueur d’espoir en ce qui concerne l’insécurité dans votre commune ?

Dr. Ousmane Zango : Il est un peu tôt de faire une analyse mais ce que je peux dire, ce sont les militaires qui sont sur le terrain, ce sont eux qui font le combat. Ils peuvent s’organiser pour que le terrorisme soit neutralisé le plus tôt possible. Je pense que c’est l’objectif majeur de cette prise de pouvoir. Ils ont parlé de manque de moyens, d’une organisation, je pense que ces jeunes doivent savoir où taper pour pouvoir récupérer les territoires abandonnés. Ce qui est très important pour nous, je pense que c’est la sécurité. Aujourd’hui tant que la sécurité n’est pas retrouvée personnes ne peut mener une activité, ni vaquer à ses occupations librement. Donc nous pensons qu’ils doivent rapidement s’organiser pour que la population retrouve la quiétude.

Lire aussi : Le maire aux populations de Dablo : « Il faut garder espoir et être résilientes »

Minute.bf : Est-ce que vous ne pensez pas que ce temps de flottement dans la gestion du pouvoir va contribuer à faire avancer le terrorisme ?

Dr. Ousmane Zango : Non, je pense que tous les camps militaires ne sont pas à Ouagadougou. Ils continuent d’accomplir leur devoir dans les autres détachements dans les différentes localités du pays. Donc, je me dis qu’en même temps que d’autres sont à Ouagadougou pour gérer les choses, d’autres sont dans les différents détachements avec les autres unités y compris la gendarmerie pour contrecarrer les terroristes. Aujourd’hui particulièrement, et depuis hier, on n’a pas entendu parler d’une attaque. Du moins c’est vers Titao, dans le Yatenga qu’on a appris une attaque. Mais je pense que les détachements sont toujours là et continuent les actions sur le terrain. Les militaires connaissent la situation réelle et aujourd’hui si une organisation n’est pas faite rapidement, les terroristes peuvent gagner du terrain et profiter de ce laps de temps pour créer des activités et contraindre les populations. Mais je pense qu’on ne va pas en arriver là car le travail continue sur le terrain.

Minute.bf : Aujourd’hui, des manifestants demandent une coopération avec la Russie, d’enlever même les barrières contre le Mali. Qu’elle lecture faites-vous de cette requête ?

Dr. Ousmane Zango : Il faut dire que c’est légitime. C’est la population qui vit la situation. C’est elle qui est attaquée de partout. Même étant à Ouagadougou chacun de nous a un parent dans sa localité d’origine mais par migration ou pour des questions administratives, on s’est retrouvé à Ouagadougou. Donc nous vivons la situation, même si c’est à des niveaux différents. Si après avoir analysé la coopération actuelle la population trouve qu’il n’y a pas eu de résultats conséquents, il est normal qu’elle réclame de nouveaux partenaires. Le Premier ministre Choguel Maïga a dit : « nous sommes un pays indépendant et libre, nous sommes à même de traiter nos coopérations que ce soient commerciale, sécuritaire ou sanitaire avec le pays de notre choix ». Nous pensons que la population a analysé la situation malgré le fait qu’elle ne sache pas les contours des traités, mais néanmoins sur le terrain nous constatons que le résultat n’est pas ça, en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. En plus de cela, je pense que le peuple malien et le peuple burkinabè partagent les mêmes faits historiques ; nous partageons les mêmes origines et nous partageons les mêmes fardeaux. Ce qui leur arrive nous contamine aussi de façon directe ou indirecte. L’insécurité était là-bas depuis 12 ans, progressivement, cette insécurité est arrivée chez nous aussi. Les populations analysent la situation et trouvent que les sanctions qui ont été imposées au Mali peuvent également les impacter, en tant que Burkinabè.

Concernant les sanctions de la CEDEAO, je pense qu’avec les organisations sous régionales, ça a toujours été comme cela. Nous entendons déjà le président français dire qu’il a eu des appels avec les dirigeants de la CEDEAO pour voir quelles sont les sanctions à infliger au Burkina Faso si toutefois les militaires gardent le pouvoir.

Si nous sommes indépendants et libres, les organisations sous régionales sont des organisations qui accompagnent les États dans leur situation. Est-ce que la CEDEAO ne pouvait pas mobiliser son armée pour aider le Burkina Faso ou le Mali ? Et là s’il n’y a pas de soucis, c’est fait, on peut sanctionner car ils diront qu’on vous a aidés. Mais s’il s’agit de faire des rencontres pour prendre des décisions, je pense que la CEDEAO doit réorganiser sa stratégie de prise de décision, voir quelles sont les causes qui emmènent les conséquences que nous vivons. Parce que dans toute chose il ne faut pas résoudre les conséquences et laisser les causes profondes.

La situation a commencé au Mali, ils ont fait des sanctions marathons là-bas, c’est arrivé en Guinée avec la suspension ; peut-être que les sanctions vont arriver là-bas aussi et au Burkina Faso. Il n’est pas sûr que la situation va s’arrêter au Burkina Faso. Donc nous pensons qu’il est temps que la CEDEAO réorganise la manière, sa vision de voir les problèmes que vivent les populations des pays membres et essayer de voir, se conseiller aussi comme dans les associations pour que ça ne dégénère pas.

Minute.bf : Le coup d’Etat vous a-t-il surpris?

La réponse dans cette vidéo

Lire aussi: Dablo : Le dernier convoi civil en charrette a quitté la commune

Minute.bf : Est-ce que vous avez un message d’espoir à l’endroit de la population de Dablo actuellement cantonnée sur les gradins du stade régional de kaya et dans d’autres sites de déplacés internes?

Dr. Ousmane Zango : Il faut dire que la situation n’est pas simple à ce niveau parce que depuis le 30 novembre jusqu’aujourd’hui il y a des gens qui sont toujours là-bas. Nous savons qu’en matière d’urgence humanitaire ça ne doit pas dépasser une semaine ou deux semaines. Les gens sont là, ils dorment au stade, il n’y a pas de maisons. Tout récemment il y a Ankouna et Déou qui sont venus s’ajouter. Donc c’est de voir le plus tôt possible pour que ces gens, à défaut de les faire repartir toute suite, c’est de les permettre d’être dans la résilience dans ces abris. L’histoire de Dablo, il faut voir jusqu’à Silgadji et sécuriser parce que la porte d’entrée de ces groupes armés a toujours été vers là-bas. Il faut faire un toilettage dans cette zone.

Les déplacés viennent et on leur donne à manger. Mais l’homme s’adapte à son nouveau milieu et après quand on lui demande de partir, vous allez voir des gens qui vont dire qu’ils vont rester d’abord ; en ce moment ce n’est pas bien. C’est un passage qui doit être rapidement résolu parce que quoi qu’on dise les gens de Dablo se sentiront mieux à Dablo dans leurs cases que dans les tentes de la CONASUR ou de l’UNICEF à Kaya. Ça c’est évident et c’est ce que nous souhaitons vraiment. Ce sont des situations existentielles de l’être humain. Je pense que ceux qui sont là vont faire de diagnostic et planifier une intervention conséquente et rapide.

Propos recueillis par A. Kinda et H. Ouédraogo

Mintue.bf

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