Antoinette Yaldia est la Directrice du Salon international du Textile africain (SITA), un salon créé depuis 2009 pour la valorisation du textile africain en général, et burkinabè en particulier. Dans cet entretien qu’elle a accordé à votre organe Minute.bf, la directrice du SITA a fait un bref bilan des actions du SITA, avant de décliner les perspectives. Il a été aussi question, au cours de cet entretien, de la 7e édition du SITA qui se tiendra à Djibouti en octobre prochain. Cette édition connaitra plusieurs innovations, à en croire Mme Yaldia. Nous vous proposons l’intégralité de cet entretien dans les lignes qui suivent.
Comment se porte aujourd’hui le SITA ?
C’est depuis 2009 que le SITA a vu le jour. Aujourd’hui, nous pouvons dire que c’est avec satisfaction que nous voyons l’évolution du travail acharné que nous menons tous les jours. C’est dire que le SITA se porte très bien parce qu’il y a beaucoup d’initiatives et plusieurs activités que nous sommes en train de mener. Au-delà de nos attentes, nous voyons les portes de l’international s’ouvrir à nous. Donc je ne peux que dire que le SITA se porte bien.
Vous valorisez le textile africain et burkinabè en particulier, quel bilan faites-vous de vos actions?
Concernant nos actions, nous pouvons faire un bilan positif parce que depuis la création du salon il y a eu une grande amélioration vis-à-vis des acteurs et même de la population. En effet, de plus en plus, les gens s’adonnent au port du textile africain. Les associations de tisseuses, les acteurs même du textile reconnaissent que le SITA a apporté beaucoup. L’Union africaine, que je remercie au passage, a toujours été à nos côtés et elle nous accompagne vraiment quant à la valorisation et à la promotion du textile dont nous avons fait notre cheval de bataille. Lors d’un des sommets, l’Union africaine a eu à initier des propositions pour amener les chefs d’Etat à s’habiller avec le tissu africain lors des différents sommets. Cette proposition a été faite de concert avec le président de la commission de l’Union africaine qui est d’ailleurs parrain de la cérémonie de la conférence internationale à Djibouti 2021. Au sommet qui s’est tenu à Niamey, nous avons constaté une amélioration parce que les chefs d’Etat ce sont habillés avec le pagne typiquement africain.
Vraiment cela nous a beaucoup touché car nous voyons à quel point l’Union africaine nous accompagne, comment ils sont en train de prendre la chose à cœur pour que la valorisation et la promotion du textile africain soit une réalité. Même au niveau local, nous avons eu à accompagner des structures quant à la production du textile africain, et burkinabè plus précisément. Au-delà de nos frontières, nous avons de bons retours de participants aux évènements du SITA. Il y a la Centre-Afrique même qui demande à ce qu’on vienne faire une formation sur le tissage parce qu’ils n’ont vraiment pas de produits locaux en matière de textile ; ce sont les wax et autres. Ils ont tenu à ce que nous les accompagnions afin qu’eux aussi, puissent s’identifier à travers le textile africain.
D’où est née l’initiative des soirées podium SITA ?
L’idée est venue du promoteur qui est le commissaire général. Avec lui, nous avons échangé et il a trouvé qu’il était important de donner aux acteurs burkinabè un espace pour montrer les créations, le savoir-faire des stylistes burkinabè et aussi faire la promotion des mannequins avec qui d’ailleurs, nous avons un contrat de long terme. Nous voulons qu’à chaque fois que nous aurons besoin d’un mannequin, qu’il soit présent. C’est une idée qui est née comme cela, avec pour objectif de donner de la visibilité aux acteurs du textile, notamment les stylistes et aussi les mannequins. Cela va s’étendre jusqu’en septembre pour un début, vu qu’entre temps nous ne serons pas présents sur le sol burkinabè à cause de la 7e édition du SITA, qui devrait se tenir à Djibouti.
Est-ce qu’il y a concrètement une innovation pour cette nouvelle édition ?
L’innovation majeure, c’est la formation en e-commerce et la formation en teinture et tissage. Aux éditions précédentes, on a juste eu les différentes activités dont les conférences internationales, parades des tenues traditionnelles, défilés de mode, exposition et nuit du coton. Mais, cette année nous avons, en plus de cela, une formation en e-commerce et une formation en teinture et tissage au sein de la population de Djibouti.
Valoriser le textile africain et particulièrement le textile burkinabè revient au « consommons local, le consommons burkinabè » comme l’aurait voulu le président Thomas Sankara. Est-ce que vous entreprenez des actions avec les politiques pour l’implantation d’une industrie de transformation du textile au Burkina Faso?
Nous touchons les politiques parce que nous ne pouvons pas travailler sans l’accompagnement de nos autorités. Nous les avons rencontrées et nous sommes actuellement sur un plaidoyer pour le port du textile en milieu scolaire. Il y a la CEDEAO qui nous accompagne sur ce projet mais aussi des industries hors du Burkina qui cherchent des moyens pour s’implanter dans notre pays pour la transformation surtout du coton en fibre, parce que la seule grande société de transformation que nous avons actuellement c’est la Filature du Sahel (FILSAH). Donc, à l’édition 2017 du SITA, nous avons eu des investisseurs chinois qui étaient là, et qui ont émis l’idée de trouver au Burkina Faso le moyen de créer une usine pour accompagner la transformation des produits locaux. Le projet n’est pas encore terminé, mais nous sommes sur le bon chemin et nous sommes en fait une ouverture pour permettre aux investisseurs qui veulent vraiment investir dans le milieu du textile, de pouvoir être un intermédiaire entre les autorités et eux. Nous sommes en train de mener cette lutte pour que des investisseurs qui sont intéressés puissent s’installer au Burkina Faso.
Aujourd’hui, on voit que le Faso dafani est quelque peu une réalité, les autorités l’arborent et cela incitent la population à le porter…
Surtout lors des cérémonies officielles et là aussi c’était une de nos actions parce que nous avons vraiment fait le plaidoyer auprès du chef de l’État en 2016-2017 pour que le Faso danfani burkinabè ait plus de valeur. C’est donc à l’issue de cela que le décret est sorti pour faire du Faso danfani, le pagne officiel pour les cérémonies officielles.
…mais aujourd’hui, ne pensez-vous pas que l’espoir suscité pour le port du Faso danfani est en souffrance avec le coût quelque peu élevé de ces produits sur le marché?
Effectivement, il est vrai que le coût ne permet pas à tout le monde de pouvoir se l’acquérir, ce qui fait que nous sommes encore en plaidoyer pour voir s’il y a des possibilités de faire une réduction des coûts. FILSAH trouve que la SOFITEX leur vend le coton cher, du coup, à leur tour ils ne peuvent pas mettre le fil à moindre coût à la disposition des tisseuses qui, elles aussi, trouvent que le fil est cher. Il est donc difficile de tisser et vendre cela à un certain prix sans enregistrer des pertes. Donc, c’est de voir si avec les industries comme SOFITEX et FILSAH, l’État peut faire des subventions pour que le fil et le coton puissent être transformés sur place et en même temps permettre aux tisseuses de se l’acquérir à moindre coût. Sinon, il n’est pas évident que la classe moyenne puisse chaque fois s’habiller en Faso danfani comparativement aux pagnes wax et autres qu’on peut avoir à 4000 FCFA, 3000 FCFA, contre 4000 et 5000 FCFA au minimum pour le seul pagne de Faso danfani. Il est difficile de demander aux gens de s’habiller tout le temps avec le Faso Danfani, si nous-mêmes, nous ne menons pas des actions pour que le coût de ce pagne soit accessible à tout le monde.
Le Burkina Faso a perdu sa première place de producteur de coton il y a bien des années. Le pays, aujourd’hui, est à la 4e place. Ne craignez-vous pas que vos actions dans la promotion du textile africain se heurtent à cette conséquence que nous avons sur le terrain ?
Non ! Au contraire, nous encourageons les producteurs à produire plus. C’est la SOFITEX qui s’occupe de ce volet. Il s’agit de travailler avec les producteurs à rehausser le niveau de la production. Nous, de notre côté, nous encourageons à une forte production qui va, sans conteste, profiter à toute la chaine, de la production à la transformation. Les acteurs de la mode, les transformateurs, en gros, toute la chaine de valeur profitera de cela.
La baisse de production touche automatiquement les acteurs du textile parce que nos actions sont totalement liées. Quand ça va chez eux, automatiquement ça va aussi chez les transformateurs.
Le rôle du SITA est de promouvoir le port du textile burkinabè et africain. Pour ce qui est de la production, nous apportons notre touche comme nous le pouvons, mais comme je le dis, il appartient plus aux acteurs engagés dans la production de rehausser le niveau.
Le président du Faso a déjà donné son accord quant au port du Faso Danfani en milieu scolaire. Cela aura des entrées économiques pour chaque région, parce que, selon l’idée du projet, ce sont les régions qui tisseront et habilleront leurs élèves. Nous sommes sur ce plaidoyer. Au sein de la CEDEAO, c’est déjà acté, mais il faudra qu’on pose un acte fort dans ce sens au Burkina Faso d’abord pour donner l’exemple aux autres pays.
Une autre question qui nous revient fréquemment, c’est la question du coût des produits. Des populations relèvent la cherté des produits Faso danfani. Nous luttons vraiment pour avoir une baisse du coût du produit sur le marché parce que beaucoup de personnes posent ce problème.
Quel message avez-vous à lancer à l’endroit des populations ?
J’invite les populations à s’intéresser à la 7e édition du SITA qui doit se tenir du 28 au 30 octobre 2021 à Djibouti, sous le parrainage d’Ismaïl Omar Guelleh, président de la république de Djibouti. J’invite tout le monde à y participer. Du côté du Burkina, il faudra qu’il y ait une bonne mobilisation parce que c’est d’abord un évènement burkinabè. Nous avons donc besoin de l’accompagnement de chacun pour que cela soit une réussite afin de hausser la tête du Burkina Faso à l’international.
Propos recueillis par Hamadou Ouédraogo
Minute.bf