Le procès Sankara suit son cours. Ce lundi 29 novembre 2021, le témoin Philippe Ouédraogo, militant du Parti africain de l’Indépendance (PAI) et ex-membre du Conseil national de la Révolution (CNR) explique ce qu’il sait des évènements du 15 octobre 1987.
Selon Philippe Ouédraogo du PAI, ce sont les divergences internes qui ont eu raison du CNR. Parlant des divergences, M. Ouédraogo dont le parti a quitté le CNR en 1984 justifie cela par « plusieurs points de frictions » qu’il y avait entre eux et « les dirigeants du CNR en particulier avec le président Sankara ». « Nous voulions conserver notre indépendance d’appréciation, de jugement sur ce qui se passait et donner notre point de vue… Mais cette indépendance d’esprit n’était pas appréciée par tout le monde, les militaires et même nos camarades civils de L’ULCR », a-t-il indiqué. Des divergences, il dit avoir compté un jour 51 militaires à une rencontre du CNR alors que tous, au sein du conseil s’étaient accordés sur un quota par chaque composante. Pour Philippe Ouedraogo, la forte présence militaire au CNR ne facilitait pas les débats. « Les militaires avaient les positions privilégiées et excessives » a-t-il critiqué.
Revenant sur les frictions au sein du CNR, il a révélé qu’il y avait des tracts entre les membres. « il était par exemple dit que l’un ou l’autre (Sankara et Blaise Compaoré) était un personnage à la moralité très douteuse, qu’il n’était pas révolutionnaire ». Un jeu dans lequel même les épouses du numéro 1 et du numéro 2 de la révolution n’étaient pas épargnées selon le témoin Philippe Ouédraogo.
Ce que Blaise Compaoré a dit à Philippe Ouedraogo
Philippe Ouédraogo dit avoir reçu un appel, qui indiquait que Blaise Compaoré demandait à le voir, en fin de matinée du 19 octobre 1987. « Il a demandé à me voir à titre personnel. Il a dit qu’il y avait des problèmes entre Thomas Sankara, lui et les deux autres (Henri Zongo Et Boukary Lingani)… Il a expliqué leurs divergences à propos d’un projet de création d’un parti que Sankara voulait et la dissolution des partis qui existaient et eux (Blaise Compaoré, Henri Zongo et Lingani) n’étaient pas d’accord. Lorsque eux s’opposaient à ce projet… Sankara se fâchait et claquait la porte », a relaté M. Ouédraogo. Un autre argument avancé par Blaise Compaoré pour expliquer leurs divergences, explique Philippe Ouedraogo : »il a parlé de son mariage avec une ivoirienne (Chantal Compaoré). Mariage au cours duquel le président Houphouet Boigny a remis 10 millions au couple. Thomas Sankara avait souhaité que les 10 millions soient versés dans les caisses de l’État » À cette proposition de Thomas Sankara, Blaise Compaoré aurait dit qu’il n’était pas sûr que sa femme soit d’accord. Et à Sankara de revenir à la charge pour demander que les 10 millions soient divisés en deux et que les 5 millions de Blaise Compaoré reviennent au CNR. Ce fut chose faite selon M. Ouédraogo qui relève que cela n’a pas non plus été du goût de Blaise Compaoré.
De ces divergences, le numéro 2 de la révolution a confié à M. Ouédraogo que le jour du 15, il était chez lui quand les coups de feu retentissaient. « Il dit qu’il a pensé qu’on tirait sur son domicile à partir de la présidence… »a déclaré le témoin Ouédraogo, revenant encore sur les divergences. Blaise Compaoré l’aurait fait savoir qu’avec la création du FITMA, Vincent Sigué avait proféré des menaces contre les hommes du CNEC. » On a fini de s’occuper des ennemis on va maintenant s’occuper des amis » aurait lâché Sigué, provoquant la colère des hommes du CNEC, creusant encore les divergences. « Le lieutenant Diendere à l’époque avait calmé la situation, calmé les gens, mais il considère que certainement les gens du CNEC ne s’étaient pas calmé », a confié Blaise Compaoré à Phillipe Ouedraogo, pour en vernir à comment le coup d’État est arrivé. Se confiant au témoin Ouédraogo, Blaise Compaoré aurait précisé que le coup est arrivé » sans le consentement de Diendere ».
Enfin, eux (Blaise Compaoré, Henri Zongo et Lingani) ont constaté les dégâts et ont assumé, raconte Phillipe Ouédraogo de son entrevue avec Blaise Compaoré. Le coup serait donc arrivé des éléments du CNEC sans le consentement de Diendere et Blaise Compaoré et avec les deux autres guides de la Révolution ils auraient assumé? Le témoin Philippe dit ne pas se faire d’illusions. Il pense que Blaise Compaoré était au courant du coup.
Franck Kola
Minute.bf