Le procès dit de l’affaire « Charbon fin » se poursuit, ce jeudi 9 novembre 2023, au Tribunal de grande instance Ouaga 1. Les experts sont toujours à la barre pour répondre aux questions. Ce matin, c’est au tour du tribunal de leur soumettre ses interrogations.
Le tribunal est revenu sur le processus de traitement du charbon fin, ainsi que sur les dérivés de ce charbon fin. Les experts ont maintenu que les scories, la pulpe, les briques réfractaires, la cendre, sont effectivement des dérivés de ce processus de traitement.
Hier, les experts avaient indiqué que lorsqu’ils ont retrouvé les cargaisons, les sacs étaient en état de dégradation. Le tribunal a voulu, ce matin, avoir une description de ces sacs quand ils les ont ouverts. « Les sacs étaient humides. C’était des sacs qui étaient en dégradation », a repris l’expert Ilboudo.
Le tribunal a alors poursuivi en demandant aux experts ce que pouvaient bien contenir ces sacs pour qu’ils se dégradent ainsi. Les experts ont répondu avoir trouvé dans certains sacs du liquide qu’ils ont présenté comme étant du floculant, un produit visqueux utilisé dans les mines, selon leurs explications. Les experts ont cependant affirmé qu’il est inhabituel de rencontrer ce type de produit dans du charbon fin.
Le tribunal s’est par la suite engagé dans un cours de pédagogie avec les experts. Pour le président du tribunal, il revient aux experts de lever toute équivoque sur cette affaire. « C’est quoi un élève brillant ? Un élève est dit brillant par comparaison de ces capacités cognitives à d’autres élèves. Un expert brillant aussi, c’est par comparaison à d’autres experts. La capacité à faire comprendre aisément les choses par rapport à d’autres experts. Dans le domaine des mines, je suppose qu’il y a des normes tout comme dans chaque domaine d’ailleurs. Ici, il est reproché à Essakane d’avoir commis une faute. C’est Essakane que vous avez audité. Votre mission, c’était de savoir est-ce que ce que fait Essakane est conforme ? Est ce que vous avez répondu à cette question ? », a postulé le juge.
L’expert Ilboudo a répondu en disant que les questions qui leur ont été posées et auxquelles ils devaient répondre, n’allaient pas dans ce sens. Le tribunal de poursuivre dans ses interrogations : « est-ce que le tamis qui a été utilisé (au lieu de 830, c’est 850 qui a été utilisé) permet d’aboutir scientifiquement aux mêmes résultats ? » Les experts ont répondu en disant qu’il s’agira de résultats approximatifs, mais pas des mêmes résultats.
Les experts ont aussi laissé entendre que la mine d’Essakane traite de la matière humide à la fois et que c’est ce qui a milité en faveur du tamis de 850 qu’ils ont utilisé dans leur analyse. Le tribunal va leur demander de savoir pourquoi n’avoir pas mis de côté cette matière humide dont ils parlent comme ils l’ont fait pour les corps solides, le temps de réunir les conditions pour leur analyse. Ils vont dire qu’il ne s’agit pas de recréer toutes les conditions comme dans une usine, mais d’aller à des approximations avec les moyens à leur disposition, en tant que scientifiques, pour aboutir à des résultats précis.
« Est-ce que les moyens ont été mis à votre disposition pour vous permettre d’aller jusqu’au bout de votre analyse ? », a interrogé le Tribunal. Les experts ont répondu par l’affirmatif.
Le tribunal s’est par ailleurs intéressé au taux de récupération de la mine d’Essakane qui est estimé actuellement à 90%. Pour leurs analyses, les experts ont estimé le taux de récupération à 80%. Et le tribunal de s’interroger si cette différence de chiffres n’a pas minoré la teneur des matériaux en or. « Vous avez utilisé un taux de 80% alors que Essakane lui-même dit qu’il récupère à un taux de 90%, est-ce que les 80% ne permettent pas de minorer une valeur quelque part? », s’est enquis le tribunal.
L’expert a répondu en disant qu’il n’y a pas de corrélation entre le taux de récupération et la teneur des matériaux en or. Le taux de récupération désigne le rapport entre la quantité de minerai estimé présent dans le gisement au début de l’exploitation, et la quantité qu’il sera possible d’extraire du début à la fin de l’exploitation.
Les experts ont aussi fait des observations sur la présentation du Pr Arsène Yonli surtout en ce qui concerne le processus d’échantillonnage qu’il a utilisé et la méthode qu’il a adoptée. Dans leurs observations, ils ont établi une distinction entre l’humidité et la teneur. L’humidité sert à l’estimation du poids sec d’un matériau donné alors que la teneur exprime le pourcentage d’une phase dans un matériau, ont-ils expliqué, reprochant à l’expert Yonli d’avoir associé ces deux éléments dans son analyse.
A l’issue de cette phase de questions-réponses, le tribunal a suspendu l’audience pour trancher sur la qualité juridique de l’intervention de l’expert Arsène Yonli dans le dossier. Soulignons que ce dernier a été appelé par le parquet. Mais sa présence est contestée par la défense.
L’audience reprend dans une heure…
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Oumarou KONATE
Minute.bf