Après Balkuy, c’est au tour des propriétaires terriens et des habitants de Garghin, localité de Komsilga, située dans le Sud de Ouagadougou, de protester contre la mesure de la Société nationale d’Aménagement des Terrains urbains (SONATUR) qui a ordonné la démolition de plusieurs maisons dans la zone. Ils ont souhaité des concertations pour recadrer au besoin les constructions dans la zone, excluant l’idée de la démolition. C’était leur position, le samedi 11 mars 2023, où ils ont invité le président Ibrahim Traoré à se pencher sur leur situation.
« Nous sommes sur la terre de nos ancêtres. La SONATUR dit que ça l’appartient. Nous n’allons accepter cela ni aujourd’hui ni demain. Nous les propriétaires terriens de Garghin refusons cela », a d’emblée campé Daniel Kuilga Kaboré dit le Prince. Telle est la réponse des propriétaires terriens et des habitants de Garghin à la SONATUR qui a entrepris des actions de déguerpissements, de déterrement de bornes illégales, et même de démolition de certaines habitations dans certaines zones de Ouagadougou, dont Garghin.

Décision qui ne passe pas au sein des propriétaires terriens encore moins de ceux qui ont acheté des parcelles avec ces derniers. « Nous ne sommes pas satisfaits de la procédure qu’ont suivie les éléments de la SONATUR (agent de l’office national de Contrôle des Aménagements et des Constructions, l’ONC-AC, ndlr) au niveau de nos habitations. Puisque ce sont les propriétaires terriens qui ont décidé de borner leurs lieux et de les attribuer. C’est ainsi que nous sommes venus nous procurer des parcelles pour les habitations. Nous n’avons pas volé », a dénoncé Paul Bénao, le porte-parole des habitants de Garghin, qui, tout en reconnaissant que « la terre appartient à l’Etat », soutient que « l’Etat, c’est l’ensemble des Burkinabè ».
Et sur la procédure de la SONATUR, il regrette, « nous étions à la maison et nous voyons des gens qui débarquent avec la Police armée de Kalachnikov, qui écrivent sur nos murs sans nous consulter (à démolir, ndlr). C’est de la torture (…) il a manqué de dialogue. Il n’y a pas eu de contact ».
Le dialogue pour une sortie de crise
Tenant compte de leurs investissements, les habitants de Garghin pensent que leur déguerpissement n’est pas une solution dans le contexte actuel. Sur le site mis en cause où l’on peut voir des R+ en chantier, M. Bénao a confié qu’il y a des investissements de plus de 40 millions. Ce qu’a confirmé l’agent de la fonction publique, Hamadou Ouédraogo, désemparé depuis que l’ONC-AC a écrit « à démolir » sur son habitat encore en chantier.

« Depuis la semaine dernière, nous sommes dans des angoisses. J’étais au service, on m’a appelé pour me faire savoir qu’ils sont venus mettre de la peinture rouge sur ma maison (à démolir, ndlr). Automatiquement, j’ai cessé de travailler (…) En 2020, j’ai pris un prêt de 10 ans pour acheter le terrain et commencer à construire jusqu’à arriver au niveau de la dalle. J’ai eu la chance d’être recruté dans un projet. Vu que mon salaire a augmenté, j’ai pris un deuxième prêt pour terminer ma maison et déménager. Mon investissement, c’est plus de 60 millions F CFA », a expliqué le fonctionnaire qui dit ne pas savoir ce qu’il va « devenir » si on venait à démolir sa maison. Pour cela, comme tous les autres, il dit être ouvert au dialogue, et même au paiement de « pénalités », s’il y a lieu, excluant l’idée de la démolition.
« En détruisant [les habitations] c’est détruire des vies », pensent les propriétaires terriens et les habitants de Garghin qui disent avoir entrepris des démarches pour voir le ministre en charge de l’urbanisme sans suite. C’est ce qu’a laissé entendre Issaka André Nikiema qui dit avoir demandé 5 audiences sans suite quand le protocole lui a fait savoir que « le ministre a dit qu’il ne veut pas [leur] recevoir ».

Qu’à cela ne tienne, les propriétaires terriens et les habitants de Garghin disent attendre des concertations avec les autorités. « Tout ce que nous demandons, le premier acte, c’est d’oublier l’idée de démolir nos maisons (…) Qu’il y ait un arrangement le plus vite parce que si on veut viabiliser, c’est pour des Burkinabè. Nous sommes aussi des Burkinabè. Pourquoi nous déguerpir et viabiliser pour d’autres personnes. Si ce qui est fait ne répond pas aux normes, on peut recadrer un peu, pour permettre à tout le monde d’être satisfait », a souhaité le porte-parole des habitants de Garghin. Pour ce faire, il a lancé un appel aux plus hautes autorités, le président Ibrahim Traoré en tête, pour se pencher sur leur situation.
Franck Michaël KOLA
Minute.bf