Le samedi 5 juin 2021, Nabalüm, la Black Princess, à l’état civil Aminata Nabaloum a rendu visite à votre journal www.minute.bf. Il a naturellement été question de musique avec l’artiste, de son actualité à travers son dernier single « Quand il bénit », de son concert le 19 juin prochain à l’Institut français de Ouagadougou et de ses projets à venir. La jeune compositrice et chanteuse afro-soul burkinabè s’est également prononcée sur le style musical qu’elle pratique et d’une manière globale sur le dynamisme de la musique burkinabè avec les jeunes qui émergent. Sur cette question d’ailleurs, l’artiste estime que « c’est aux Burkinabè de créer leurs icônes pour qu’ailleurs, on puisse les respecter ; qu’ils puissent avoir la force de porter très haut le drapeau burkinabè». Lisez plutôt !
L’actualité de Nabalüm, c’est le nouveau single « Quand il bénit », pouvez-vous nous dire comment il se porte depuis sa sortie ?
Le single est sur le marché il n’y a seulement qu’une semaine, il est difficile de dire si l’accueil est assez positif ou pas. Mais pour l’instant, ça va ! On espère qu’il va continuer son bout de chemin et se faire connaître positivement.
Parlant de votre musique, de façon globale, à l’image d’Alif Naaba, l’impression est que votre musique est beaucoup plus consommée à l’extérieur qu’à l’intérieur ; qu’est-ce qui peut bien expliquer cela selon vous ?
C’est vous qui le dites! Je ne pense pas que ma musique est plus consommée à l’extérieur qu’au Burkina. Ma musique, je la fais d’abord pour chez moi. Je chante en mooré et je ne pense pas qu’à l’extérieur, les gens comprennent forcément le mooré. A la base, on fait la musique pour chez nous d’abord et puis après, comme la musique est émotion et universelle, même quand les gens ne comprennent pas la langue, ils s’en approprient.
Je crois que c’est le style musical qui fait qu’on arrive à l’exporter plus facilement. Sinon, je fais d’abord la musique pour le Burkina, pour l’Afrique et puis elle prend son envol, elle va où elle veut.
Vous faites bien d’évoquer votre style, comment le définissez-vous ? N’est-ce pas sa particularité qui donne cette impression que votre musique est plus consommée à l’extérieur qu’ici ?
Ma musique, à la base, elle est afro-soul. Maintenant, j’essaie de l’ouvrir à d’autres horizons. Si vous écoutez mon tout dernier single « Quand il bénit », ce n’est pas le Nabalüm qu’on a toujours écouté.
Il faut dire que ma voix est assez soul. Quand je chante, on pense tout de suite à la soul et c’est ce qui m’a conduite à vouloir transmettre des émotions à travers ma voix. C’est naturellement comme cela que le style afro-soul est né.
Mais je ne fais pas que de l’afro-soul. Par exemple, si vous écoutez « M’yamê » on sent des petites touches de reggae. Ceux qui connaissent bien la musique le reconnaitront. Et avec « Black », j’essaie de m’ouvrir un peu plus, je prends de la musique soul et j’apporte tout ce que je veux dedans. J’ai une chanson comme « Pag Nitam » qui est assez rythmé et « warba » (style musical du terroir moagha). J’essaie de ne pas me fermer. Ma voix est assez grave, assez soul, elle impose un style musical mais je ne suis pas fermée à apporter d’autres choses dans ma musique. Donc, ma musique elle est afro-soul à la base mais avec toute sorte d’ingrédients que je trouve sous la main.
Est-ce à dire qu’on peut vous voir évoluer par la suite vers d’autres styles, la tendance comme on le dit avec la musique urbaine qui semble plus consommée ?
Déjà avec la musique que je fais, je suis un peu urbaine aussi. Quand on écoute, « Noka » ; « Black », je suis entre les deux, j’essaie de rester entre les deux. Je ne crois pas que je vais forcément me mettre à faire un style et lâcher l’autre. Je vais me positionner entre les deux et c’est ce que j’ai essayé de faire avec « Quand il bénit ». Je reste là!
A chaque sortie, vous émerveillez de votre voix et de vos textes les mélomanes ; quelle est la source d’inspiration de Nabalüm ?
Ma source d’inspiration, c’est Dieu à la base, moi-même et un peu ce que je vois autour de moi chaque jour, c’est-à-dire, mes frères, mes sœurs… Je connais le vécu, le quotidien de la majorité de la jeunesse, des femmes, des Burkinabè et des Africains. Alors, j’essaie de m’inspirer de cela.
Mais la base vraiment c’est Dieu parce que je me dis que si aujourd’hui j’arrive à chanter, et que j’ai une voix que tout le monde apprécie, c’est parce qu’il y a quelqu’un quelque part qui a trouvé bien que je puisse l’avoir afin de m’exprimer avec. Donc, j’essaie avant ou après toute chose de rendre hommage à Dieu. Entre les deux, je transmets d’autres messages mais Dieu reste ma première source d’inspiration.
Qui sont les artistes qui inspirent ou ont inspiré Nabalüm dans la musique ?
Mes premières influences étaient d’abord occidentales. Quand j’étais petite, autour de l’âge de 5 ans j’ai commencé à interpréter des chansons de Céline Dion. Après je me suis retrouvée à écouter beaucoup plus du R&B, de la Soul ; je pense que c’est un peu ce qui a influencé mon style musical. Maintenant, je me suis ouverte à toutes les musiques, j’ai commencé à écouter des artistes comme Ismaël Lô…
Au burkina, j’ai découvert Alif Naaba, Floby, Victor Démé. C’est un peu ce genre de musique qui me nourrissait. C’est pour dire que mes influences sont un peu proches de mon style de musique.
Mais, n’empêche que lorsque j’ai envie de danser, j’écoute du Amzy, Tanya et tout le monde… Je ne suis pas fermée.
Avec votre premier album, vous avez fait sensation et avez même titillé de grands noms de la musique Burkinabè au Kundé d’or 2019 ; est-ce que vous avez encore un projet de cette envergure pour vos fans ?
Mon premier album est sorti en 2018 mais avant, j’avais sorti mon premier EP (Un extended play) en 2016 dont « M’yamê » et aujourd’hui je sors un single qui est un peu un prélude à mon EP qui arrive en fin 2021.
Un album, pour moi, ça demande beaucoup de préparation. Surtout le style que nous on fait, ça demande vraiment du travail, des moments de résidence, de concentration, d’écriture… donc, je ne pourrai pas donner de date exacte qui annonce mon album mais j’ai un album à venir.
En attendant, je sors un single et bientôt un EP.
Pouvez-vous rassurer vos fans que ça sera du « lourd » comme on le dit dans le domaine ?
Bien sûr, c’est pour cela que ça prend du temps. Parce que, quand on veut bien faire, il faut se donner le temps. Et même si après, c’est vrai qu’on a un peu des murmures, il faudra que, lorsque l’album sera disponible, ça soit à la hauteur des attentes.
Parlant de la satisfaction des fans, la tendance actuellement, c’est remplir le Palais des Sports de Ouaga 2000 ; est-ce que vous préparez quelque chose de ce genre pour vos fans ?
Déjà, j’ai un concert le 19 juin à l’institut français. Mais, je ne me compare à personne, je suis arrivée comme je suis arrivée et je continue mon chemin comme cela. Chacun a sa particularité, chacun a son public aussi, chacun a ses atouts, chacun a ses faiblesses. Moi j’admire beaucoup ce qui se passe actuellement, je suis fière parce que, c’est bon de faire rêver, d’être à fond dans son truc et les gars, ils arrivent à le faire et tellement bien aujourd’hui. Je vais citer Amzy, Kayawoto, Tanya et autres, qui sont venus avec leur marque, leur touche, ils apportent beaucoup à la musique burkinabè. C’est une fierté pour nous parce que, peu importe qui fait quoi, c’est le Burkina qui gagne.
Mais personnellement, je ne me donne pas comme défi de remplir le Palais des Sports de Ouaga 2000. Pour l’instant, ce n’est pas dans mon planning. Ce n’est pas parce que quelqu’un d’autre l’a fait que je vais essayer de le faire. Je suis sans aucune pression, j’essaie de donner le meilleur de moi-même et ceux qui peuvent l’accueillir, le font à bras ouverts et voilà, chemin faisant, on va faire d’autres choses.
De manière globale, comment appréciez-vous le dynamisme actuel de la musique burkinabè dans la sphère musicale africaine ?
Encore une fois, comparaison n’est pas raison. Je n’ai jamais aimé cela parce que ce n’est jamais équitable. Chaque pays nait avec sa culture, avec ses richesses et puis, avant tout, c’est le peuple qui crée les icônes. Ce sont les consommateurs du pays d’abord qui donnent de la valeur à leurs artistes. Les Maliens, les Ivoiriens, les Sénégalais, etc. ont leur histoire et nous aussi.
Le Burkina aujourd’hui est en train de s’affirmer musicalement aux yeux du monde entier. Maintenant, nous comparer aux autres pays, je ne sais pas et je n’ai pas envie de le faire parce que ce n’est pas comparable. Ici, la culture, elle est essence, elle est profonde. Chez nous, il y a encore des artistes qui font de la musique de recherche, qui se donnent du temps de rentrer en résidence avec des musiciens pour créer de la musique.
Après, la musique est devenue beaucoup plus commerciale ailleurs. Et chaque style de musique a son marché, ses défis. Je ne pourrai pas décrire la musique burkinabè en un style déjà, pour la comparer à d’autres musiques d’ailleurs.
Je trouve que le Burkina est bien parti. Les artistes se donnent beaucoup de mal pour ça et il faut le reconnaitre, il faut les encourager. C’est bon la critique mais la critique négative tout le temps ça démoralise les artistes. Il faut reconnaitre que chez nous, il y a beaucoup de critiques négatives, on n’encourage pas les artistes, on est tout le temps en train de les comparer à d’autres artistes ailleurs, qui eux, même s’ils n’ont pas le talent des artistes d’ici, sont accompagnés, sont mis en valeurs. Et quand ils sortent, les gens leur donnent le respect qu’on leur donne chez eux. Si tu n’es pas respecté chez toi, dehors on risque de te prendre aussi comme cela. Du coup, je me dis que c’est aux consommateurs, aux Burkinabè de créer leurs icônes pour qu’ailleurs, on puisse les respecter; qu’ils puissent avoir la force de porter très haut le drapeau burkinabè.
Vidéo-Nabalüm: « La musique nourrit son Homme »
L’univers de la musique n’est pas toujours un long fleuve tranquille, que ce soit entre artistes ou avec les managers. Avec les femmes aussi, ce sont des faveurs qu’on demande pour faire leur promotion. Est-ce que Nabalüm a eu des problèmes de ce genre ?
Par rapport à cela, je ne peux pas parler à la place de tout le monde, donc je vais parler de mon expérience à moi. Je crois que je suis venue avec un style de musique qui, peut-être, fait que je n’ai pas vraiment eu ces problèmes-là. Je ne veux pas dire que je n’en ai pas eu du tout, mais pas autant que d’autres qui font un autre style musical. Les gens ont tendance à nous coller une étiquette du genre quand tu es une chanteuse, forcément tu fais telle ou telle chose pourtant, c’est à chaque personne, chaque artiste de montrer que la musique, c’est un métier comme tout autre. Le harcèlement existe dans tous les domaines, dans tous les corps de métiers. Mais, c’es vrai que c’est un peu plus dans notre métier, dans la culture en général et dans la musique en particulier.
Personnellement, je pense qu’au début, j’ai pu poser les bases, montrer à quiconque s’essayait que je ne suis pas venue pour cela. Je suis venue chanter, si tu as besoin que je fasse mes preuves, tu me donnes un micro mais pour autre chose, je ne suis pas disponible. Les femmes doivent s’affirmer, être fortes, pour montrer que ce qu’un homme fait dans ce milieu-là, elles aussi le font. Je suis là pour chanter, le même respect que vous donnez aux hommes, vous nous l’accordez aussi. Maintenant, pour quelque chose, si tu ouvres les vannes, je pense que ça va conduire à autre chose mais si tu les fermes, il n’y a rien.
Justement, beaucoup de carrières ont été brisées à cause de cela, quel conseil avez-vous à donner aux filles qui veulent embrasser la musique ?
Il faut d’abord aimer la musique avant de venir faire la musique. Moi par exemple, j’ai toujours fait la musique inconsciemment. Je chantais tout le temps à la maison, tout le monde se plaignait de cela. Donc, quand je suis venue pour faire la musique, je suis venue vraiment pour le faire. Je ne suis pas venue pour juste paraitre à la télé. C’est pour dire qu’il faut avoir les bonnes raisons de venir à la musique. Quand on n’a pas les bonnes raisons, après, on est obligé de faire des compromis pour pouvoir rester là.
La musique, elle est très jalouse, elle demande beaucoup de temps, beaucoup d’implication et tout. Donc, il faut prendre conscience de cela avant de s’engager. C’est toute une vie, une carrière. Il faut savoir que lorsque tu fais la musique, c’est un métier comme tout autre. Il faut te donner les moyens d’avoir ta vie de femme, si tu as envie de faire la musique comme mais aussi ta carrière ; il faut faire la part des choses.
Quand tu es une femme, je vais dire que ça dépend de l’éducation que chacun a reçue sur cette question. Moi je ne suis pas du genre à me laisser marcher dessus. On a l’impression que je suis très calme mais pour certains sujets, je dis carrément ce que je pense, je mets les barrières. Il faut savoir se défendre, il ne faut pas attendre toujours que ce soit les autres qui nous défendent. Face à un homme, il y a une attitude à tenir en fonction de la personne qu’on est et de ce qu’on recherche. Il faut vraiment se préparer mentalement parce que ce n’est pas facile. Faire ce métier déjà, il y a des gens pour qui être une chanteuse, c’est être autre chose que je n’ai pas envie de citer. Donc, il faut vraiment se préparer en amont, se donner le temps de murir ça dans la tête avant de s’y lancer.
Est-ce que dans vos prochains projets vous avez prévu des collaborations avec d’autres artistes ?
J’ai l’intention maintenant de faire des featuring parce que jusqu’à présent, j’ai voulu m’exprimer pleinement, j’ai voulu montrer ce dont je suis capable. Les featuring c’est bon, ça permet d’avoir d’autres fans, de s’ouvrir à d’autres peuples s’il est à l’international. Mais, pour moi, dans un premier temps, les featuring n’étaient pas la priorité. La priorité pour moi au départ, c’était de montrer qui je suis, en tant qu’artiste, et m’exprimer pleinement ; ce que j’ai fait avec mon album. Maintenant, je crois que je pourrai faire des featuring peu importe le style musical même s’il ne faut pas exagérer… Je suis prête à le faire maintenant.
Vidéo-Votre événement immédiat, c’est le concert du 19 juin prochain à l’Institut français, quel message voulez-vous adresser à vos fans ?
Propos recueillis par Franck Michael Kola
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