jeudi 12 décembre 2024
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Lutte antiterrorisme : « Il ne faut pas s’attendre à des résultats probants tout de suite… » (Mahamoudou Sawadogo)

Le samedi 26 juin 2022, Mahamoudou Sawadogo, analyste et expert en extrémisme violent a répondu à l’invitation de la coalition pour la refondation de la patrie (CRP) afin d’animer un panel avec pour thème : « le rôle et contribution de la société civile en période d’insécurité dans un contexte de transition ». Au cours de ce panel, il était principalement question de l’implication des civils pour venir à bout de l’hydre terroriste qui endeuille le pays depuis maintenant plus de 7 ans.

Pour l’expert Mahamoudou Sawadogo, si le Burkina Faso croupit aujourd’hui sous la menace des groupes armés terroristes (GAT), « c’est la faute de tous les Burkinabè et chacun doit s’assumer ». A l’entendre, dès le début du phénomène, les politiques au lieu de chercher rapidement les solutions idoines ont passé tout le temps à s’accuser et le fléau a pris de l’ampleur. selon son argumentation sur la question, chaque localité tombée dans le gouffre de l’insécurité a derrière elle une crise communautaire mal gérée. Le cas le plus instructif est celui de la région du Centre-nord avec l’incident du Yirgou, a-t-il indiqué. «Le déclic qui a fait basculer le centre-nord est le drame de Yirgou », fait-il savoir.

Le difficile dialogue avec les GAT

Le président de la transition Paul-Henri Sandaogo Damiba avait indiqué lors de son adresse à la nation qu’un dialogue sera possible avec les fils du pays qui ont pris les armes contre leurs frères et qui souhaitent les déposer et revenir à la raison. Où en est-on aujourd’hui avec cette décision présidentielle ? Pas grand-chose en tout cas mais tout porte à croire que les lignes n’ont pas bougé, selon les confidences de l’expert en extrémisme violent. Pour Mahamoudou Sawadogo, toutes les conditions n’étaient pas réunies pour aller au dialogue. Autrement dit, la mission fut difficile car il a manqué la personne ou les personnes idéales pour assurer la liaison entre les deux camps. Et c’est ce qui aurait amené les groupes armés à refuser cette offre.

« Bien-sûr qu’ils vont refuser parce que nous changeons à tout moment. Vous avez aujourd’hui un interlocuteur A avec ces GAT, demain c’est un autre interlocuteur qui peut donner d’autres conditions. Nous même nous ne sommes pas crédibles, les politiques ne sont pas crédibles, les populations ne sont pas crédibles », a-t-il déploré.

M. Sawadogo va plus loin en expliquant que les personnes qui pouvaient jouer ce rôle ont disparu avec la bénédiction des politiques. « Si vous prenez les villages où il y a l’insécurité, est ce qu’il y a un leader legitime dans ce village pour porter la voix de la population et être crédible vis a vis des GAT ?», s’est-il interrogé. « Il n’y en a pas parce que nous avons tous contribué à détruire les facteurs de résilience dans ces villages. Avant on avait des leaders coutumiers et religieux sur qui les populations s’adossaient pour résoudre leurs problèmes, ils ont tous été détruits, politisés mais ce sont eux qui doivent mener le dialogue, pas une autre personne », a indiqué le panéliste d’où une nécessité, selon lui, de « reconstruire ces facteurs de résilience avant d’aller au dialogue ».

L’épineuse question de collaboration entre population et FDS

C’est l’une des armes fortes dans cette longue lutte antiterrorisme. « Je pense que nous sommes sur la bonne voie », assure à ce niveau Mahamoudou Sawadogo. Il explique que cet avancement est d’autant plus visible que le gouvernement dans son dernier conseil supérieur de la défense nationale a reconnu « qu’il y a des exactions commises par les FDS et par les volontaires pour la défense de la patrie (VDP) » et qu’il faut « récadrer ». Ce mea-culpa de la part du pouvoir de Damiba s’explique aussi par le fait que « l’État veut la collaboration des populations et si nous avons l’accompagnement de la population, il est évident que nous allons gagner cette guerre », a martelé M. Sawadogo.

Il a également salué la mise en place de la brigade de veille de la défense patriotique (BVDP) qui est une réorganisation des VDP qui désormais « relèveront opérationnellement du commandement des opérations du théâtre national (COTN) » selon le lieutenant-colonel Yves-Didier Bamouni, commandant de cette structure de commandement de l’armée. «Je pense que l’État est sur la bonne », estime cet expert en extrémisme violent. « Il faut s’attendre à ce qu’on ait des résultats », mais pas ici et maintenant, dit-il.

« Dans la lutte contre le terrorisme, il ne faut pas s’attendre à des résultats probants tout de suite. Ça va prendre du temps. Il faut qu’on souffre davantage et il faut s’apprêter à souffrir davantage, mais plus tard ça va commencer à prendre. Il n’y a pas de paracétamol comme vous aviez mal à la tête, vous prenez, 5 minutes après vous êtes guéris, non ! », a-t-il prévenu.

Mais attention au recrutement tous azimuts des supplétifs de l’armée

Autour des FDS, des acteurs tels que les VDP, les Koglewéogo, les Dozos et les Rougats se sont engagés également dans la traque des hommes armés depuis des années. Si pour l’instant leur engagement n’est pas réprimé par la loi, notre expert préconise que l’État fasse un travail de fond pour abaisser les tensions communautaires avant d’engager ces supplétifs. « Il faut abaisser les tensions entre les communautés pour ne pas basculer dans une guerre inter-communautaire parce que l’État est en train d’organiser les supplétifs de l’armée », a-t-il conseillé.

La force des groupes armés terroristes

Comme l’armée avec ses supplétifs cités plus haut, les GAT, eux, ont des complices qui s’appellent les bandes criminelles. Selon Mahamoudou Sawadogo, ce sont elles qui les « ravitaillent en produits, motos, armes et leur permettent d’être mobiles et indépendants sur le plan financier». Donc, en plus de combattre les GAT, « il faut combattre (aussi) sans relâche ses bandes criminelles », a conseillé le panéliste. De même, selon ses dires, les GAT disposent « des unités spéciales » recrutées dans des pays comme l’Afghanistan, l’Irak, etc. qui savent manipuler les armes lourdes en cas d’opération musclée. « La Katiba Serma » par exemple, est l’unité spéciale qui assure les grandes opérations du JNIM, a conclu l’expert sur cette question.

Pour information, les incidents terroristes se sont multipliés ces derniers mois et ont occasionné des centaines de morts (civils et militaires), multipliant les déplacements chez les populations. Aujourd’hui, le Burkina Faso compte plus de 2 millions de personnes déplacées internes.

Mouni Ouédraogo
Minute.bf

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