Le Centre pour la Gouvernance démocratique (CGD), Diakonia, le National Democratic Institute (NDI) ont organisé un panel de haut-niveau autour du thème central: « Ethnies et démocratie en Afrique de l’Ouest, cas du Burkina Faso ». L’événement qui a eu lieu ce jeudi 28 juillet 2022 à l’Université Joseph Ki-Zerbo a réuni des universitaires et des personnes averties des questions de société.
Reputée sensible et longtemps esquivée dans les débats publics, la question de l’ethnie, notamment sa place dans la lute contre le terrorisme a fait l’objet d’un panel sous l’égide du CGD et des Organisations de la Société civile (OSC) sœurs.
« Avons-nous, dans notre pays, des groupes ethniques ou certains groupes ethniques où on initie leurs membres à la violence terroriste ? », s’est d’emblée interrogée le professeur de philosophie Pr Abdoulaye Barro, alors qu’il communiquait sur le thème : « Ethnie et terrorisme ». Sans forcément répondre, a-t-il, estimé: « je pense que sur cette question là, seule la vérité sauvera le Burkina Faso. »
Pour lui, le terrorisme qui sévit au Burkina Faso est à la fois « exogène et endogène » avec « au sein des groupes terroristes, des individus issus de plusieurs nationalités et de plusieurs ethnies. » Et pourtant, le professeur de Philosophie dit observer « l’opposition de deux Burkina dans cette affaire-là : Un Burkina qui se positionne comme celui de la résistance et un autre qu’on considère comme le Burkina Faso de la collaboration. »
Dans ce sens, s’interroge-t-il : « souvent je me demande s’il ne faut pas se retourner vers nos services de renseignement et de Sécurité, peut-être qu’ils doivent disposer de statistiques ou d’indices fiables pour cerner la sur-représentation de tel ou tel groupe ethnique au sein des divers groupes qui composent la galaxie terroriste. » « Est-ce un truisme d’affirmer que la question de l’ethnie s’est désormais inscrite au cœur de la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso ? », s’est questionné à nouveau le philosophe pour qui, « la dimension religieuse semble évacuée » dans cette guerre.
Il a également relevé que c’est depuis Yirgou qu’il y a eu « ce basculement avec le développement de tensions entre différentes communautés (…) Une méfiance s’est installée entre certaines communautés. »
« Il y a fondamentalement un problème entre les Fulsé et Peuls, Mossi et Peuls… »
Prenant ces propos au rebond, Amadou Diemdioda Dicko de l’Union du Progrès pour le Changement (UPC) a réagi : « nous avons demandé justice pour Yirgou en son temps. Le dossier a été mal traité. »
« Aujourd’hui Barsologo n’existe presque plus », a-t-il renchéri avant de s’interroger: « Pourquoi ? Est-ce que c’est du terrorisme, du djihadisme dont on parle ou c’est un problème ethnique ? »
Sans répondre à ses propres interrogations, il a poursuivi: « on a continué sur Arbinda. Il y a eu près de 60 morts. Ce sont des Peuls qui ont été tués. » Pour lui, il y a problème entre Fulsé et Mossi et Peul. Pour illustrer, il a revelé qu’ « aujourd’hui, Arbinda est pratiquement encerclé. Les Peulhs sont en brousses, les Fulsés sont en ville. Personne n’ose mettre le pied dehors. »
Et pour lui, la création des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) y est pour quelque chose. « On a armé et créé des (VDP) à Arbinda, créé des VDP à Gorgadji. Tout autour, ce sont des Peuls. Donc, ils ont dit, l’État a armé des hommes pour nous tuer », a-t-il argumenté avant de déduire qu’« il y a fondamentalement un problème entre les Fulsé et Peuls, Mossi et Peuls. »
Comme lui, Dr Daouda Diallo du Collectif contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC) a appuyé avec cette révélation: « moi j’ai demandé à certains chefs pourquoi les autres zones sont attaquées et pas les leurs? Ils m’ont dit qu’il n’y a pas de Koglwéogo, parce qu’ils ont refusé l’installation des VDP dans leur village. »
Pour M. Diallo, « la question ethnique existe au Burkina et c’est le terrorisme qui l’a révélée avec force. »
« Le terrorisme a un visage et il est caractérisé par le peul… »
Réagissant à son tour, Boubacar Sanou du Congrès pour la Démocratie et le Progès (CDP) a clairement fait savoir que « le terrorisme a un visage et il est caractérisé par le peul. » « Aujourd’hui, nous tous qui sommes là, en privé, on se parle. Venir nous asseoir ici pour dire qu’il n’y a pas de problème ethnique n’est pas vrai. La stigmatisation aujourd’hui est systématique et automatique en ce qui concerne le peul », a lancé celui-là qui a invité les Burkinabè à crever l’abcès, faisant des révélations de scènes où des Peuls ont été indexés comme responsables des attaques terroristes.
Et pour M. Sanou, « l’accusation n’est pas gratuite. Quelque part, il y a un problème. » « Lorsque vous prenez les témoignages des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), des populations et des VDP, les photos des personnes recherchées, en prison ou qu’on tue, lorsque vous prenez le physique, les noms, les plus présents sont les peuls. Cela aussi est une réalité », a-t-il commenté. Pour lui, l’on doit se demander « pourquoi les Peuls sont massivement dans ces groupes ? »
Pour autant, Boubacar Sanou a tenu à préciser que « tous les Peuls ne sont pas terroristes », estimant même que beaucoup d’entre eux ont souvent été victimes du phénomène.
Ainsi, les panelistes comme les participants ont salué les organisateurs pour ce début de démystification de la sensibilité attribuée à la question de l’ethnie dans la lute contre le terrorisme.
Minute.bf
Très intéressant arrêtons la stigmatisation