mercredi 11 décembre 2024
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Enfants commerçants à Ouaga : Le stylo troqué contre le pousse-pousse pour assurer la survie quotidienne

Il est 9h à Ouagadougou. Chacun s’active pour vaquer à ses occupations. La circulation est dense comme chaque jour ouvrable dans la capitale burkinabè. Nous sommes au mardi 5 janvier 2021. Les enfants scolarisés ont déjà repris le chemin des classes après les congés de fin d’année 2020. Cependant, dans le pays, il existe plusieurs enfants et adolescents qui sont « hors écoles » ou d’autres qui n’ont pas eu la chance d’y être inscrits cette année. Ces derniers, pour la plupart, viennent des villes voisines et arpentent les rues de la capitale avec des friandises à la quête d’un gain quotidien.

Faute de scolarisation, les enfants et adolescents hors de l’école sont contraints de chercher une occupation pour échapper à la mendicité, au vagabondage pire, à la délinquance et surtout pour avoir de quoi subvenir à leurs besoins quotidiens. Ces enfants et adolescents viennent de diverses villes du pays pour chercher leur pitance dans la capitale où, au guidon d’une petite charette, communément appelée « pousse-pousse », se promènent dans la ville pour vendre, entre autres, gâteaux, eau fraîche, jus de bissap, de tamarin et de gimgimbre. Une équipe de Minute.bf est allée à la rencontre de ces enfants. Reportage!

À la rencontre de notre premier petit commerçant du nom de Salou Yaogo, sobrement habillé, au guidon de son pousse-pousse, il nous confie qu’il est originaire de Ouargaye. Il a 15 ans. Après la saison des pluies, les jeunes de son âge « se cherchent » en ville dans de petits boulots, le temps d’économiser une certaine somme avant la saison pluvieuse prochaine. « Je viens travailler à Ouaga après l’hivernage. Et lorsque la saison pluvieuse recommence, je repars travailler au champ au village. Ici à Ouagadougou, je suis embauché par une femme. Par jour je sors avec une marchandise de 5000 à 10 000 FCFA », raconte-t-il.

Avec ses produits composés de gâteaux et d’eau fraîche conditionnée dans des sachets, Yaogo quitte le quartier Goughin pour arpenter les alentours de « Rood-woko », le grand marché de Ouagadougou (environ 6 kilomètres). « Je vends mes gâteaux à 50 FCFA l’unité et l’eau coûte 25 FCFA le sachet. Je peux gagner par jour 1000 FCFA comme salaire après la vente, car on me paye par jour à raison de 100 FCFA sur chaque vente de 500 FCFA », nous a-t-il relaté.

Les artères de Ouagadougou sont pris en otage par ces enfants vendeurs ambulants…

Subvenir aux petits besoins…

Les clients de Yaogo, tout comme ceux des autres petits commerçants ambulants, sont des jeunes, des travailleurs et d’autres personnes qui fréquentent également le centre de la capitale. Cet adolescent commerçant n’a jamais été à l’école, selon ses explications. Mais son activité commerciale temporaire lui permet de subvenir à ses petits besoins. « Si tu es enfant et tu travailles, ça peut t’aider », pense-t-il. Pour cet adolescent de 15 ans, la vente de galettes reste actuellement une activité plus adaptée aux enfants de son âge. « Quand tu deviens grand, tu ne peux plus être embauché pour vendre des gâteaux d’une autre personne. Il est mieux de chercher pour toi-même », conseille le jeune Yaogo qui caresse le rêve de devenir un grand commerçant et ouvrir des grandes boutiques de vente de marchandises diverses. Il a mentionné au passage l’honnêteté de sa « patronne » qui, confie-t-il, le « paye directement après la vente » et mieux, même « si les produits ne finissent pas, il n’ y a pas de problème ».

Toujours de la même localité, vient un autre petit vendeur. Lui, c’est Iliassou Koanda. Il a 12 ans. Comme Yaogo, il n’a jamais été à l’école. Et ce qui l’amène à Ouagadougou n’est autre chose que la pauvreté. Chose qu’il nous certifie sans detour en ces propos : « Je suis venu ici pour essayer de me débrouiller afin de m’en sortir ». À travers cette tâche de vendeurs ambulants, ce petit espère gagner un peu d’argent pour offrir à ses parents qui, à cause du manque de moyens, n’ont pas pu le scolariser. Il nourrit l’espoir de pouvoir un jour se former dans un métier. « Si je gagne l’opportunité de faire une formation professionnelle, cela pourra m’aider à avoir un bon travaille un jour », est convaincu le petit Iliassou.

Dans notre tournée pendant cette même période, nous-nous sommes entretenus aussi avec Idrissa Soumdakouma. Il vient de Koupela. Il a 14 ans et travaille pour une dame également comme d’autres vendeurs d’eau glacée. Idrissa quitte le quartier Zogona pour prendre en otage les grands trottoirs de Ouaga avec ses friandises. Loin des classes, le petit Idrissa se promène aux alentours de Rood-woko et de Zabre-daaga. Il lui arrive souvent d’évacuer toute sa marchandise au cours de la journée, mais souvent « ça ne fini pas», reconnaît Idrissa qui confie traverser les durs moments de son travaille, sans compter les railleries des usagers de la route pressés en circulation. « Parfois on n’a pas la monnaie pour donner aux clients et ces derniers repartent avec leur argent sans acheter », se désespère-t-il même s’il peut gagner 1000 FCFA par jour comme salaire.

Galettes, gâteaux, eau fraîche sont entre autres les différentes marchandises de ces enfants vendeurs ambulants

Âgé de 15 ans, Harouna Diallo, quant à lui, nous fait savoir qu’il est venu de Dori en compagnie de ses trois frères pour travailler à Ouaga. « Nous travaillons pour notre grande sœur. Nous venons après l’hivernage et à la reprise de la saison des pluies, on repart. Chaque fois on fait ça. On n’a pas fréquenté. Comme  »le vieux » ne nous a pas inscrits à l’école, nous n’avons d’autres choix que de nous trouver un travail qu’on peut faire pour subvenir à nos petits besoins. Le travaille nous aide un peu. On peut s’acheter des habits des chaussures », nous a témoigné le vendeur d’eau fraîche, qui souhaite aussi avoir des gâteaux à vendre. Comme pour montrer qu’il envie ses camarades qui ont des gâteaux en plus des jus qu’ils vendent.

« Quand mon grand père est décédé, je n’ai pas pu payer ma scolarité… »

Parmi ces petits vendeurs ambulants au pousse-pousse, certains ont déjà été à l’école mais n’ont pas pu poursuivre faute de moyens. «Je suis venu à Ouaga pour chercher l’argent. J’ai fréquenté jusqu’à la classe de 6e », nous confie Daouda Béogo. Cet adolescent quitte la maison à 7h et y retourne à 18h ou 19h après son commerce. « Je viens de Wemtenga. Je peux parcourir plusieurs secteurs de la ville et je termine aux alentours des marchés. Par jour, je peux gagner 1000 FCFA comme salaire », nous informe-t-il, tout en indiquant qu’il est originaire de Fada N’Gourma.

Partageant presque les mêmes réalités que les autres petits vendeurs au pousse-pousse, Issouf Boumboundi, 12 ans, a cependant une histoire plus particulière. Il a été contraint de quitter l’école après le décès de son grand-père qui payait sa scolarité, son père ayant rendu l’âme bien avant. « Je fréquentais à Koupela. Quand mon grand-père est décédé, je n’ai pas pu payer ma scolarité. J’ai fait le premier trimestre de la classe de CM2. Mais je n’ai pas pu continuer », nous a-t-il confirmé d’un air triste. Son espoir est de reprendre un jour ses études particulièrement dans une école professionnelle. « Si on me propose aujourd’hui une formation professionnelle ça me fera plaisir car ce travail est très épuisant », dit-il.

En attendant d’être touchés par un programme de scolarisation et de professionnalisation de nos autorités et des Organisations non gouvernementales (ONG) compétentes, ces enfants et adolescents continuent, malgré les difficultés, de servir les riverains et les citoyens de Ouaga, tout en espérant un lendemain meilleur.

Il faut mentionner, par ailleurs, que jusqu’en 2020, d’après la Fondation Stromme, une ONG au Burkina Faso, plus de 2 millions d’enfants burkinabè, selon une étude, étaient toujours hors de l’école.

Hervé KINDA
Minute.bf

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