Ceci est une lettre de l’écrivain Adama Kaboré à sa « sœur » Claudine Ouédraogo, députée décédée le lundi 1er mars 2021 à Ouagadougou.
« Un être vous manque et tout est dépeuplé ». Cette assertion de Lamartine trouve pleinement tout son sens avec le décès, ce 1er mars 2021, de l’honorable députée Claudine Ouédraogo, précédemment chargé de missions du ministre des Infrastructures et du désenclavement, Éric Bougouma. Plus qu’une ex-collègue, honorable Claudine était une camarade, une conseillère, une grande sœur. Au ministère des Infrastructures où notre connaissance s’est approfondie à la faveur de mon arrivée dans le département en février 2020, passés les moments d’amabilité et du 1er couac langagier, honorable Claudine s’était prise en affection pour moi à qui elle prodiguait des conseils. « Mon frère », ainsi tu m’appelais. « Grande sœur », ainsi je répliquais. Ainsi donc, c’est désormais au passé que nous devons conjuguer tes légendaires conseils maternels, ta débonnaireté à l’égard des plus démunis, ton dynamisme léonin qui t’a permis de sillonner les 8 communes de la province du Ganzourgou pendant la récente campagne électorale, ta pudibonderie à enseigner à la gent féminine, ton intrépidité d’une Sainte Catherine d’Alexandrie, ta démarche enthousiaste et enthousiasmante, ton allant invétéré, tes yeux de lynx, etc. Difficile d’y croire, car plus qu’abracadabrantesque !
Au sortir des élections législatives et présidentielle du 22 novembre dernier, tu m’expliquais les mille rivières kafkaïennes que tu as traversées pour pouvoir faire aboutir ta candidature au poste de député MPP dans le Ganzourgou. C’était au bloc opératoire de l’hôpital Saint Camille où je rendais visite à ta fille qui a fait un accident rpendant la période électorale. Ce jour-là, tu m’as confié ceci : « Avant l’accident de ma fille, mon fils également a fait un accident, à Ouaga, le jour de l’ouverture de la campagne électorale du MPP à Bobo Dioulasso où j’étais, c’est-à-dire à mon absence ». Puis, pour faire montre de résilience et un pied de nez à toutes les nauséeuses peaux de banane sur notre chemin, nous avons rigolé ensemble en confiant le reste au Seigneur. Le drame du présent montre manifestement que l’heure était à la prémonition. Que d’années à mettre au compte de ton expérience politique pour monter au cénacle et atteindre le Graal au parlement. Tout ça pour ça ! Suis-je tenté de m’exclamer aujourd’hui, d’autant plus que ton décès intervient au moment de la dégustation du fruit de tes efforts politiques, c’est-à-dire juste un mois une dizaine de jours après la validation de ta fonction de député. Quel gâchis !
Mission à l’endroit du ministre Bougouma
Grande sœur, à présent, des questions trottent dans mon esprit. Quel péché as-tu commis ? Quel crime de lèse-majesté as-tu commis ? Qu’as-tu fait de si mal qui ne nécessite pas de circonstance atténuante, pour faire l’objet d’un tel acharnement du sort sur toi ? Prostré, je me pose ces questions sans réponses. Dans une froide faune politique, qui relève d’un véritable panier de crabes, où tu barbotais, tu as toujours su garder le sourire aux lèvres dénué de toute naïveté politique. Mais hélas !
Chère grande sœur, tu m’avais tellement adopté que tu m’as dit le 4 janvier dernier, avec un brin de prophétie, ceci : « Tu verras un jour ton nom sur les plus grandes affiches CV mondiales parce que tu as la grâce de Dieu sur toi. Note cela quelque part et attends seulement ». Cerise sur le gâteau, c’est à moi ton écrivain que tu trouves professionnel, que tu as confié le projet d’écrire un livre portant sur ta biographie. Maintenant que tu es partie sans notre rencontre prévue à cet effet pour que je recueille les informations nécessaires, comment dois-je faire ? Dans une démarche dépourvue de toute ingratitude, tu m’avais aussi confié une mission à l’endroit du ministre Bougouma. Alors, à qui dois-je désormais en faire le rapport, même si depuis l’outre-tombe, ton esprit entend tout ce qu’on dit ici-bas ? Malgré tout, sois assurée d’une chose : d’une manière ou d’une autre, ton ombre planera dans mon prochain livre qui constitue la suite de Possibo la Diabolaise, où Possibo aux origines ganzourgoises incarnera la première femme députée du Ganzourgou dont tu fus. Inchallah !
Avec ton départ, c’est le président du Faso et son Ganzourgou qui perdent une alliée sûre ; le MPP, un poids de taille ; et le ministre Bougouma que tu as remplacé à l’hémicycle, sa force féminine centripète. Lui qui saluait naguère, ton engagement et ta patience exemplaires. Dors doucettement en paix grande sœur !
Adama KABORE
Ton frère écrivain chroniqueur iconoclaste