Résumé : Ce document de vulgarisation est tiré de notre article scientifique intitulé « La littérature de jeunesse au Burkina Faso, un tremplin pour le développement social : regards et volontés d’enfants à travers la poésie », Il a été publié en 2022 dans la revue DJIBOUL N°004, Vol.1. En effet, un corpus de poèmes d’enfants nous a permis de constater que des jeunes de 11 à 15 ans étaient au courant depuis l’an 2000 des sérieux problèmes sociaux que traverse surtout le Burkina Faso, le monde entier d’ailleurs et qui sont toujours d’actualité. Ces jeunes gens ne se contentent pas de dénoncer mais aussi de proposer des solutions à ces maux qu’ils vivent au quotidien. Il s’agit d’un réel cri de cœur, un grand appel à l’amour, la tolérance et la justice qui sont les seuls gages d’unité et de paix.
Patoingnimba Sandrine Kientéga (CNRST/INSS)
Mots clés :littérature de jeunesse, poésie d’enfants, problèmes, solutions
Introduction
La littérature de jeunesse est un genre qui désigne un public identifié comme jeune (enfants et des adolescents). Elle est une catégorie d’ouvrages destinées à la lecture des enfants et / ou effectivement lue par les enfants (Sissao, 2009). Très souvent, ce sont les œuvres écrites par les adultes qui sont à l’honneur. De là, l’on pourrait bien se demander ce dont parlent les œuvres de cette littérature produite par les enfants eux-mêmes. Qu’est-ce que la plume d’un enfant pourrait nous (lecteurs enfants et adultes) apprendre de ses plus profonds tracas et désirs en matière de relations humaines ? Ces questionnements qui constitueront sans doute l’armature de cette réflexion déjà mené dans P.S. Kientéga (2022), une étude menée sur un corpus de dix (10) textes poétiques écrits par de jeunes écoliers du Burkina Faso. Il est extrait de Poésie sur la ligne, un recueil qui est le résultat d’un concours d’écriture sur ‘‘les relations hommes femmes au 3ème millénaire’’, impliquant des participants d’autres pays comme le Mali et le Ghana, et dont la publication en 2000 a été possible grâce à la collaboration de l’UNESCO.
Méthodologie
L’objectif principal de cette réflexion est de dégager le sens et l’unité du message des enfants. La méthode de l’analyse isotopique semble être l’une des meilleures voies. L’isotopie est le nom de l’accord sémantique des lexèmes ou mots au sein d’un texte et nous optons pour celle de François Rastier (1987 : 92). Pour lui, le lexème ou mot ou encore unité de sens est un concept opératoire qui combine des traits sémantiques (sèmes) pertinents permettant de l’identifier comme unité. Lorsque plusieurs lexèmes (mots) partagent des traits de sens (sèmes) communs dans un texte, créant ainsi une isotopie. Ainsi, l’analyse lexicale (par lexème) et isotopique (par cohérence sémantique) se complètent pour mieux faire comprendre sens d’un texte. L’étendue du passage n’est pas définitoire, c’est la perception effective d’une répétition qui importe pour l’identification d’une isotopie.
- L’analyse
L’analyse lexicale et isotopique des poèmes d’enfants que nous proposerons dans le tableau suivant nous permettra de dégager les thèmes majeurs traités par les enfants.
| Poèmes | Eléments du champs lexical | Champ lexical | Isotopies |
| 1 | « vivons ensemble, évitons les divisions, cultivons la paix, vivons unis » | La tolérance | /Famille/ /Croyance/ /Violence/ /Union/ |
| «animiste, chrétien, musulman » | La religion | ||
| 2 | « mari, femme, père, papa maman, mère » « enfants, nous, frères, sœurs » | La famille | |
| disputez, mal, battre, querelles, guerres» | La violence | ||
| « aimons-nous, aimez-vous» | L’amour | ||
| « même sang, citoyens du monde, main dans la main, pour tous» | L’union | ||
| 3 | « homme, mari, femme père, mère, vous, parents » « enfants » | La famille | |
| « victime, abandonnés, ordures» | La souffrance | ||
| 4 | « homme, femme, ils » «enfants, les » homme, femme, enfants » | La famille | |
| « doivent (être égaux, s’aimer, s’entendre, se compléter, se concerter» | L’union | ||
| 5 | «parents, hommes, femme, « enfants, frères, sœurs » » | Famille | |
| « querelles, guerres» | La violences | ||
| « devoir, taisons, cessons» | Le devoir | ||
| «égalité, paix ,union » | L’union | ||
| 6 | « femme, fille, elle, sœurs, elles» | La famille | |
| « égalité, droits, il faut (devoir)» | La justice | ||
| «école, inscrire, connaissances, instruire, savoir | L’instruction | ||
| 7 | « mêmes droits, mêmes devoirs» | La justice | |
| « s’entendront, partisans, concorde, ensemble, notre, pour tous» | L’union | ||
| 8 | «mères, elles, femme, foyer » « mauvais traitement, insupportable, battre» | La femme La violence | |
| « douleurs, pleurs, blessures, consternation, travaux, humiliants, avilissants, angoisse» « femme » « homme » « amour, entraide, solidarité, dialogue, union» | La souffrance Le couple L’union | ||
| 9 | « hommes, femmes, donnons-nous la main, partageons nos joies et peines, soyons» | L’union | |
| « vivons ensemble, évitons les divisions, cultivons la paix, vivons unis » | Tolérance | ||
| «animiste, chrétien, musulman » | La religion | ||
| 10 | « mari, femme, père, papa maman, mère » « enfants, nous, frères, sœurs » | La famille |
Tableau récapitulatif des thèmes observables dans le corpus
- Les résultats
Le tableau ci-dessus nous présente succinctement un ensemble de champs lexicaux, que l’on peut appeler thèmes, contenus dans ces poèmes. Les thèmes récurrents dans l’ensemble des poèmes sont retenus comme des isotopies qui sont sans doute des éléments de sens qui habitent l’esprit de ces poèmes d’enfants.
- La société et ses valeurs
- La famille
La famille est un thème central dans ces poèmes d’enfants. Quasiment tous les poèmes l’évoquent. Il est surtout présent dans les poèmes 2,3,4,5,6 et 10. Elle est le premier ainsi que l’idéal cadre de vie, d’apprentissage et d’affection pour l’enfant. Elle est censée lui offrir la sécurité et lui inculquer les valeurs indispensables à son développement social et les enfants semblent en être conscients.
- La religion et la tolérance
Les poème n°1 et 9 soulèvent le thème de la tolérance en précaution, surtout dans la religion. En effet, l’intolérance religieuse est source de conflits et de souffrances. Le respect de la croyance et des pratiques religieuses d’autrui sont gages de paix et c’est ce à quoi nous invitent ces voix d’anges.
- L’union
Tout comme le thème de la famille, presque tous les poèmes prônent l’union par dessus tout. Il est associé à l’évocation de la famille et de la religion. Au delà de la tolérance dans les familles et dans les pratique religieuses, ces enfants nous enseignent que l’union est sacrée. Elle doit transcender la violence et la souffrance pour réunir tous les humains. Il y a une dose de justice à opérer avant cette union et ce thème, même s’il n’est traité que dans les poèmes 6 et 7, il est capital car, il apaise et tente de réparer.
- Les maux qui minent la société
- La violence et la souffrance
Ces hèmes sont réguliers dans des poèmes 2, 3, 5 et 8. Tous ces poèmes traitent aussi du thème de la famille sauf le poème 8 qui mentionne spécifiquement le thème de la femme qui est naturellement membre de la famille. Alors, pourquoi ce thème à valeur péjorative joint à celui de la famille ? Il est sous-entendu que la violence sévit dans les familles. La violence et la souffrance dans les foyers constitue un climat malsain pour l’épanouissement des enfants, et par conséquent pour la société toute entière. Ces maux dont les parents sont responsables constituent des menaces pour l’avenir de leurs enfants. La violence conjugale affecte mères et enfants, ouvrant ainsi la brèche à toutes souffrances.
Conclusion
En résumé, les enfants, à travers ces poèmes dénoncent la violence sous toutes ses formes. Depuis la cellule familiale à l’ensemble de la société, les violences conjugales, les violences généralisées, l’intolérance religieuse et les guerres ne favorisent pas l’épanouissement de l’enfance ni le développement social. Le Burkina Faso et le monde entier se reconnaissent dans cette peinture sombre de la société par la plume enfantine. Insurrection, coup d’état attentats, grèves, conflits communautaires… sont autant de maux qui minent actuellement et ce depuis un certain temps peuple burkinabé et dont parlent les enfants. Ces poèmes ayant été écrits depuis 2008 sur les relations humaines, nous dirons que les enfants sont la mémoire du passé et du présent et que les problèmes de leurs sociétés ne leur sont pas méconnus. Ils les vivent au quotidien et n’en sont pas insensibles. Heureusement, ils ne se limitent pas à la dénonciation : ils nous appellent à la tolérance, à la justice et surtout à l’union.
Références bibliographiques
- KIENTEGA Patoingnimba Sandrine, « LA LITTERATURE DE JEUNESSE AU BURKINA FASO, UN TREMPLIN POUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL : regards et volontés d’enfants à travers la poésie », DJIBOUL ç N°004, Vol.1 Décembre 2022.
- Poésie sur la ligne. Le 3ème millénaire vu par de jeunes écoliers et écolières du Burkina Faso, du Ghana et du Mali, UNESCO, 2000, 57p
- RASTIER François, 1987, Sémantique interprétative, PUF, Paris, 267p
- SISSAO Alain Joseph, 2009, Émergence de la littérature d’enfance et de jeunesse au Burkina Faso : état des lieux, dynamique et avenir, Harmattan, Burkina, 220p

