Spécialiste des questions minières et Chargé de recherche à l’institut des Sciences des sociétés (INSS) du CNRST, Dr Tongnoma Zongo a passé à la loupe le mouvement des enfants déplacés internes vers les sites d’orpaillage. Son étude a concerné le Sanmatenga, cette province de la région du Centre-Nord du Burkina Faso. Les résultats de l’étude ici ⤵️
Thème : Les sites d’orpaillage, lieux privilégiés pour les enfants déplacés dans la province du Sanmatenga ?
Résumé
Ce document de vulgarisation est tiré de mon mémoire de master intitulé le travail des enfants dans les sites d’orpaillage du Burkina Faso soutenue au département de Géographie de l’université Joseph Ki-Zerbo. Ce document de vulgarisation analyse la trajectoire des enfants déplacés dans la province du SanmatengaLe travail des enfants est défini comme étant toute forme d’activité économique exercée par des enfants, qui les prive de leur dignité et porte atteinte à leur développement normal, physique et psychologique. Dans de nombreux pays du sud en guerre comme le Burkina Faso, le travail des enfants dans les sites d’orpaillage s’accentue du jour au lendemain. Les enfants ayant abandonnés les études scolaires pour s’installer dans les camps des déplacés et n’ayant plus accès copieusement à la nourriture comme par le passé trouvent les sites d’orpaillage comme des lieux privilégiés pour leurs sauver de cette nouvelle vie. Cet article à travers des données ethnographiques et de la revue de littérature se concentre plus sur la manière dont les enfants sont recrutés pour être envoyé dans les sites d’orpaillage, leurs rôles dans les sites, leurs conditions de vie et la perception des enfants rencontrés dans les sites d’orpaillage de la province du Sanmatenga
Introduction
Le travail des enfants dans les sites d’exploitation artisanaux de l’or au Burkina Faso, notamment, fait l’objet depuis plus de dix ans d’une attention particulière de la part des autorités Burkinabé et des partenaires techniques et financiers du pays. Cette situation qui est combattue par l’Etat Burkinabé et quelques ONG sur le terrain n’a pas pu empêcher les enfants de fréquenter les sites d’orpaillage du Burkina Faso avant les attaques des groupes terroristes dans cette partie du pays. Dans ce contexte d’attaque des groupes terroristes, le déplacement des parents et de leurs enfants de leur village vers les camps des déplacés a accéléré le travail des enfants dans le Sanmatenga. Les enfants vivants dans les camps des déplacés internes n’arrivant plus à manger correctement migrent vers les sites d’orpaillage à la recherche d’une pitance. Lorsqu’on analyse de manière approfondie les initiatives mises sur pied par les acteurs étatiques et les ONG pour mettre fin à la souffrance des personnes déplacées internes dans les camps certains aspects importants y manquent. Cette étude vise à creuser à fond sur les motivations des enfants issus des camps des déplacés fuyant la guerre à migrer vers les sites d’orpaillage.
Méthodologie
La principale source de données utilisée est l’enquête réalisée dans la province du Sanmatenga en août 2021. Dans le cadre de cette étude l’approche qualitative fut privilégiée. Les méthodes ici utilisées pour la collecte des données sont des entretiens semi-structurés, le focus group et l’observation. Des entretiens ont été réalisés auprès d’un échantillon constitué des personnes déplacées internes dans la commune de Kaya (trente enfants âgés de 12 à 18 ans déplacés internes) et des informateurs clés (deux responsables des services sociaux en1 Entretiens 2021 avec l’ONG ATAD dans les camps des déplacés de Kaya. Charge des PDI, le maire de la commune de Kaya, la direction régionale de l’action sociale, l’ONG ATAD). Les entretiens auprès des informateurs clés ont consisté à recueillir leurs mécanismes de gestion des PDI. Les focus groups, réalisés auprès des enfants déplacés internes, avaient pour objectif de comprendre la trajectoire et les conditions de vie des enfants dans les camps de la commune de Kaya et les stratégies d’adaptations adoptées par les enfants pour faire face à leurs nouvelles conditions de vie. Les données des entretiens ont été recueillies à l’aide d’un dictaphone. Par la suite, elles ont été transcrites, traitées, analysées et complétées par des données secondaires provenant des différentes bibliothèques du Burkina Faso et des documents traitant de la thématique en accès libre sur internet. L’observation a été pour nous un facteur indispensable dans le cadre de nos collectes de données dans les camps des déplacés de la commune de Kaya. Notre guide d’observation a porté sur les conditions de vie des enfants, l’hygiène, les toilettes des personnes déplacées. Ce qui nous a permis d’avoir une idée globale des conditions de vie des enfants dans leur nouvel espace de vie.
Présentation et discussion des résultats
La guerre que connaît le Burkina Faso, a fait surgir un nouvel espace et un nouveau cadre pour l’action : la politique minière s’affranchit des frontières et des Etats, avec pour conséquences l’apparition de joueurs supplémentaires de nouveaux rôles, de règles inconnues, de nouvelles contradictions et de nouveaux conflits sont attribués aux enfants des personnes déplacées dans les sites d’orpaillage de la province du Sanmatenga. Avant les attaques des groupes armés dans la province du Sanmatenga, toutes les pièces se déplaçaient d’une seule et même manière. Il n’y avait donc pas une obligation des enfants d’aller sur les sites d’orpaillage. Ils le faisaient de manière volontaire soit pour accompagner un parent ou se décidaient à y aller seul. De nos jours nous assistons à la naissance de nouveaux acteurs avec des perceptions et des idéologies très différentes sur l’usage des enfants dans un contexte de crise. Cette configuration rend plus difficile l’action de plusieurs acteurs dont celle des ONG, des institutions et de l’Etat dans leur fonctionnement politique de protection des droits des enfants ainsi que celle des organisations de la société civile. Alors que les organisations et associations de la société civile comme Plan Burkina Faso, Terre des hommes, l’ONG ATAD, etc., jouent un rôle important dans la protection du droit des enfants dans la province du Sanmatenga. En effet, elles contribuent à la formation et à la sensibilisation des communautés locales sur leurs droits et devoirs, à la promotion d’un traitement responsable dans les sites d’orpaillage de la province. Beaucoup d’acteurs croisés lors des entretiens estiment que les enfants des camps de la province du Sanmatenga s’adonnent à plusieurs activités pour la survie. Mais l’activité que les enfants aiment le plus est l’orpaillage. Les raisons avancées sont que l’orpaillage est plus concret dans un contexte de crise que le commerce. Un enfant d’un camp justifie sa présence par ces mots : « Je suis dans les sites d’orpaillage car c’est rare pour moi de retourner dans le camp sans un minimum de fonds »
Un autre enfant avance que : « Moi personnellement, je n’ai pas le choix que de venir dans les sites d’orpaillage car mon père et ma mère sont avec moi dans ce camp des déplacés sans rien alors que mon père est malade donc il est de mon devoir de me débrouiller pour s’occuper de mes parents »
Discussion
La présente étude montre bien les réalités des enfants victimes des attaques des groupes armés dans la province du Sanmatenga. La réduction des ressources financières des ménages déplacés, qui accompagne souvent les déplacements internes, peut amener les familles les plus vulnérables à retirer leurs enfants du système scolaire, les encourager au travail soit parce qu’elles ne peuvent pas payer leurs études, soit parce qu’elles ont besoin d’eux pour travailler.). Les résultats de notre étude rejoignent également d’autres études menées sur la crise ivoirienne de 2002 qui montre que cette crise a eu de graves conséquences sur la situation économique, sécuritaire, sociale et humanitaire en Côte d’ivoire et s’est traduite par une baisse prononcée du PIB de 15 à 20 % (Côte d’ivoire Ministère de l’éducation nationale,2011). Cette paupérisation de la population ivoirienne a empêché certains parents de remettre leurs enfants dans le système éducatif. Ceux qui l’ont pu, ont réorienté leurs enfants vers des centres de formation professionnelle et d’autres enfants ont développé des initiatives de travail pour venir en aide à leurs parents. Cette crise sécuritaire que connait le Burkina Faso dont la province du Sanmatenga est accompagnée d’une augmentation du taux de chômage et d’une baisse du niveau de vie, ce qui va provoquer la naissance des activités économiques de survie (petit commerce, artisanat etc.) avec une présence des enfants déplacés dans tous les secteurs d’activités à la recherche du bien-être.
Conclusion
Les attaques des groupes terroristes jouent négativement sur le devenir des enfants. En effet, les enfants qui aimaient l’école sont contraints aujourd’hui d’abandonner l’école pour des raisons sociales. L’école qui était indispensable pour les enfants est maintenant remplacée par les sites d’orpaillage jugé indispensable par les enfants pour améliorer leurs conditions dans ce nouveau contexte. Pourtant, la plupart des enfants qui fréquente les sites d’orpaillage sont exploités par les personnes âgées des différents sites d’orpaillage.
Bibliographie :
Sien So Sabine Léa SOME, Tongnoma ZONGO ,2021. Le travail des enfants dans un contexte d’insécurité dans la province du sanmatenga : choix individuel ou contrainte familiale ? journal du CAMES
Zongo Tongnoma,2014. Le travail des enfants dans les sites d’orpaillage. Mémoire de master, Département de Géographie, université de Ouagadougou 83 P
ZONGO Tongnoma, 2019, Orpaillage et dynamiques territoriales dans la province du Sanmatenga « le pays de l’or » au Burkina Faso, Thèse de Doctorat en Géographie
ZONGO Tongnoma, 2020, « Le travail des enfants dans les sitesd’orpaillage de la province du Sanmatenga », in Burkina 24 du 09 novembre 2020. En ligne :https://www.burkina24.com/2020/11/09/le-travail-des-enfants-dans-les-sites-dorpaillage-de-la-province-du-sanmatenga/.