jeudi 3 octobre 2024
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Burkina : La ville de Poura vu du Dr Tongnoma Zongo après l’exploitation minière

Après l’exploitation de la mine de Poura, Dr Zongo Tongnoma, Chargé de recherche et spécialiste des questions minières à l’institut des Sciences des Sociétés (INSS) du CNRST a étudié l’impact sur la ville. Les résultats de l’analyse ici⤵️

Thème : La ville de Poura et son territoire au rythme de l’après mine au Burkina Faso

Résumé

Ce document de vulgarisation de l’article scientifique intitulé « L’impact socio-sanitaire et environnemental d’une mine en fin d’exploitation non réhabilitée : cas de la mine de Poura au Burkina Faso » publié de la revue Nazari revue africaine de philosophie et de Sciences Sociales ISSN : 1859-512X Revue semestrielle, numéro 011Volume 2 : Sciences sociales Décembre 2020 analyse l’impact de la fermeture de la mine de Poura.
La ville de Poura, première ville minière du Burkina Faso avait des caractéristiques propres au moment du fonctionnement de la mine. Cette mine contribuait à faire de la ville de Poura, une destination ou chaque Burkinabè rêvait d’y aller pour vivre. Le rythme de cette ville connait de nos jours des mutations socio démographiques et environnementaux après la fermeture de la mine. Cet article à travers des données ethnographiques et de la revue de littérature se concentre plus sur la manière dont l’après vie de l’extraction est négociée et gouvernée. Il s’agira pour nous d’interroger à la fois les dynamiques impulsées par les acteurs du « haut » à savoir le système politique local et ses élites sur la gestion urbaine de l’après mine mais également celles initiées par les acteurs du « bas » dans leur vie quotidienne et leurs perceptions de la vie après mine dans la ville de Poura. Cet article se penche aussi sur les questions de responsabilité dans les phases de post-fermeture du cycle de vie de la mine, transgressant ainsi les divisions méthodologiques entre les différentes échelles d’extraction, notamment le global, le national et le local dans la gouvernance minière.

Introduction

Dans le contexte de la mondialisation et de la libéralisation des économies, les institutions de Bretton Woods ont recommandé aux Etats africains qu’ils rendent leurs économies plus compétitives et plus attractives aux investisseurs étrangers (Bonnie Campbell, 2004). Le secteur minier est resté longtemps en déclin depuis la période des indépendances (Zongo T, 2021). La libéralisation du secteur minier a été la base d’une hausse importante en termes d’investissement étrangers. Or ces investissements ne sont pas sans conséquences pour l’environnement des zones abritant la mine industrielle depuis son ouverture jusqu’à sa fermeture. La fermeture d’une mine industrielle correspond à la dernière étape du cycle de mise en valeur des minéraux (Magrin, 2011). Les mines ferment pour différentes raisons, mais les deux raisons les plus communes sont l’épuisement des réserves de minerai et la faiblesse du prix des minéraux ou des métaux, diminuant la rentabilité de la mine. Dans le contexte Burkinabé, l’exploitation minière est fortement marquée par l’extraction de l’or. Cependant, les intérêts des communautés locales, les questions environnementales et l’après mine sont très peu prises en compte par les autorités Burkinabé. En effet, pendant la phase d’exploitation jusqu’à la fermeture peu de dispositions sont prises pour atténuer les impacts sanitaires et environnementaux. Depuis lors, la fermeture d’une mine a toujours été un sujet délicat pour le gouvernement Burkinabé. La fermeture de la mine de Poura a été un lourd fardeau pour les communautés locales sur le plan économique et les services sociaux de base.

Méthodologie

Dans le cadre de cette recherche nous avons mené une revue de littérature et une enquête de terrain réalisée dans la commune de Poura . La collecte des données s’est faite à Ouagadougou et dans la zone de l’étude. La méthode qualitative et l’observation ont été privilégiées dans le cadre de l’étude. Pour ce faire, des guides d’entretiens ont servi de fil conducteur pour les entretiens avec les acteurs clés. Les entretiens visaient à aborder des thèmes distincts afin de recueillir les informations sur l’impact de la fermeture de la mine sur la commune de Poura. Ces entretiens ont été faits auprès des orpailleurs, des responsables des machines, les concasseurs et concasseuses, la direction de l’environnement, la mairie de Poura, le chef du village de la commune de Poura, les agents de sécurité etc. L’observation nous a été utile car elle a permis d’avoir des éléments d’appréciation par rapport aux données recueillies. Ces données traitées ont permis d’appréhender l’impact de la fermeture de la mine sur le plan économique, social, environnemental.

Les résultats de la recherche

L’impact de la fermeture de la mine industrielle sur la ville de Poura
En Afrique, lorsqu’une mine ferme, elle laisse souvent derrière elle des mutations socio-économiques de grandes envergures (Zongo T et Ouedraogo A,2021). À titre illustratif, le désarroi, la pauvreté, le chômage et d’importants problèmes sociaux sont les nouveaux maux auxquels la commune minière doit faire face. En effet, lorsque les opérations cessent, les gouvernements disent ne rien pouvoir faire pour la population riveraine qui a l’impression d’être prise en otage (Zongo T et Ouedraogo A, 2021). Pour expliquer ce problème, nous allons convoquer le modèle minier qui a été introduit et institutionnalisé en Afrique à travers les réformes successives des réglementations minières au cours des 30 dernières années et qui ont donné lieu à ce qui pourrait s’appeler le « tout minier » (Bonnie Campbell, 2004). Cette politique s’est traduite par de généreuses mesures d’incitation et dérogations parce que l’idée de base consistait à voir dans l’activité minière un développement et de réduction de la pauvreté (Bonnie Campbell, 2004.). Du coup dans le contexte des premières mines africaines, lorsque les mines se ferment, l’absence de l’Etat se fait sentir durement.
Souvent les populations perdent l’accès à l’eau, à l’électricité et aux services sociaux parce que tout cela était fourni par la mine aux temps anciens (Zongo T, 2019). C’est le cas de la ville de Poura qui devait son existence et son fonctionnement à la mine industrielle de Poura. Si l’ouverture d’une mine industrielle était synonyme de développement en termes d’infrastructures et de services sociaux, telle n’est plus le cas de nos jours. À titre illustratif, Kalsaka Mining côtoyait la ville de Kalsaka, mais sa contribution au développement de la commune est restée problématique jusqu’à sa fermeture (Zongo, 2019). Après la fermeture de la mine de Poura, la ville est prise d’assaut par de gros tas de minerai. Les infrastructures donnent l’impression d’une ville abandonnée. La plupart des personnes interrogées sur la fermeture de la mine nous laisse entendre que Poura est une petite ville avec trois carrières abandonnées à ciel ouvert ( Zongo T et Ouedraogo A, 2021). Cette situation provoque des noyades d’enfants et la disparition d’un bon nombre d’animaux selon le responsable des eaux et forêts de la commune. Outre ces effets, il convient de mentionner que la fermeture de la mine a contribué à mettre l’économie de la commune en danger. Selon les responsables de la maire de ladite commune, les activités agricoles comme le maraîchage qui étaient développées pour satisfaire les besoins alimentaires des travailleurs de la mine ont sombré et la ville s’est vidée de plusieurs milliers d’habitants contribuant à diminuer les ressources de la commune en termes de taxes. Pour la population, la mine n’a pas laissé des marques indélébiles en termes d’infrastructures. Les réalisations qualifiées de positives sont entre autres le collège d’enseignement général, le district sanitaire, le centre de loisir et le stade municipal. Même si la population minimise cette contribution en termes de développement, il convient de mentionner que rares sont les sociétés minières industrielles qui s’inscrivent dans une telle dynamique de nos jours. Par ailleurs, l’abandon de la citée qui abritait les travailleurs de la mine a eu des effets néfastes sur la ville. En effet, les bâtiments sont totalement vétustes.
L’émergence d’une nouvelle forme d’extraction de l’or après la fermeture de la mine industrielle de Poura
La fermeture de la mine industrielle a accéléré le développement de l’orpaillage dans la commune. On constate une nouvelle ruée des orpailleurs vers les trous béants de la mine fermée pour extraire à nouveau la ressource « or ». Cette nouvelle forme d’extraire la ressource n’est plus étrange pour toute personne de la commune comme en témoigne les discours recueillis :
J’ai suivi un peu l’évolution de la mine dans les années 1995 jusqu’à sa fermeture en 1999 dans cette commune. Je peux vous affirmer que moi, un vieil orpailleur ne regrette jamais la fermeture de cette mine. Au contraire, cette fermeture a propulsé l’activité d’orpaillage car maintenant, nous orpailleurs souffrons moins pour avoir l’or. La technique est de pouvoir ramasser le sable au sein d’un trou laissé par la mine pour aller traiter et ton pari est gagné. Un autre enquêté explique :
Cette nouvelle manière d’exploiter la ressource « or » nous permet de gagner en temps et même d’avoir beaucoup d’argent car nous dépensons moins. Mais il convient de souligner que nous sommes confrontés à des risques de noyades dans les trous profonds laissé par la mine.
Cette nouvelle forme d’exploitation de l’or artisanal dans la commune de Poura est similaire à celle de la commune de Kalsaka qui a connue aussi une mine industrielle fermée (Zongo, 2019). Aussi, cette exploitation qui intervient après la cessation de la mine industrielle n’est pas sans conséquence sur l’environnement et la population de la commune

La perception de la population de Poura sur le traitement de l’or au sein de la commune
D’autres personnes estiment que cette manière de traiter l’or dans la ville de Poura est une bonne occasion pour la commune de se faire de l’argent. C’est dans ce sens TH, un de nos interlocuteurs avance en ces mots : « nous payons des taxes pour l’utilisation de l’eau, les services des impôts nous taxent aussi et c’est de l’argent pour la commune de Poura »
Un autre de AZ, affirme que tous les propriétaires de machines payent des impôts et si cette somme est bien gérée, elle pourra contribuer au développement de la commune de Poura. Par compte d’autres résidents estiment que cette manière de pratiquer l’orpaillage en pleine centre-ville et même dans les cours des riverains constitue une menace grave pour la santé. SS, un résident de la ville de Poura nous laisse entendre que : « cette situation que connait la ville de Poura est très dangereuse pour nous et nos enfants. La cyanuration se fait même dans les cours et quand il pleut c’est très dangereux pour les êtres humains et pour les animaux car les eaux de ruissellement envoient très loin ces produits chimiques ». Cette nouvelle forme de pratiquer l’orpaillage est source de controverse dans la ville de Poura.

Conclusion

Les enjeux économiques, fonciers, environnementaux et sociaux d’une mine industrielle fermée sont de plus en plus reconnus et incitent à des réflexions sur les opportunités de l’installation d’une mine industrielle et les risques qui y sont liés. Les autorités responsables des mines Burkinabé n’ont pas encore compris la nécessité de réhabiliter un site industriel en fin d’exploitation. Le cas de la mine de Poura, objet de la présente étude en est un exemple précis. Ce défi de réhabiliter une mine en fin d’exploitation est une responsabilité partagée entre les parties prenantes, quoique ce partage ne soit pas facile à délimiter dans le contexte africain.

Bibliographie

Tongnoma ZONGO & Aicha Nadège OUEDRAOGO,2020. « L’impact socio-sanitaire et environnemental d’une mine en fin d’exploitation non réhabilitée : cas de la mine de Poura au Burkina Faso » NAZARI N°011 -Volume 2 (Sciences sociales), décembre 2020

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