dimanche 13 juillet 2025
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Burkina : « La jeunesse ne doit pas continuer à jouer le second rôle » (Cheick Fayçal Traoré)


Cheick Fayçal Traoré est le Directeur exécutif de l’Association des Jeunes pour le Développement durable (AJDD) et porte-parole de la Coalition Convergence Jeune. Dans un entretien qu’il a accordé à votre organe Minute.bf, ce jeune qui, à travers son association, porte la cause de toute la jeunesse burkinabè, est revenu sur le rapport annuel produit par son association sur la présence des jeunes dans la gouvernance au Burkina Faso. Il a aussi parlé des élections à venir où il appelle à une participation massive des jeunes. Lisez plutôt !

Minute.bf : Présenter nous votre Association ?

Cheick Fayçal Traoré : L’AJDD est une association de jeunes, dirigée par des jeunes, qui a été créée en 2007 et officiellement reconnue en 2009. Ça fait 11 ans que nous existons officiellement, et nous intervenons essentiellement sur 4 axes.

Le premier axe est celui de la participation citoyenne des jeunes à la gouvernance et au développement local et national. Dans ce sens, nous intervenons beaucoup au niveau des communes notamment sur les questions de renforcement de capacités des jeunes, d’accompagnement de dialogue entre jeunes et autorités communales.

Le deuxième axe sur lequel nous intervenons est la participation de la femme au développement notamment le leadership féminin. Dans ces actions, nous avons un forum national que nous co-organisons avec trois autres structures associatives.

Le troisième axe concerne l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, un axe assez important pour nous.

Quatrièmement, c’est l’axe de l’appui aux couches vulnérables notamment les personnes, les jeunes et les enfants qui sont du milieu carcéral.

Minute.bf : Quel bilan pouvez-vous faire de vos 10 ans d’existence ?

Cheick Fayçal Traoré : Après 10 ans d’existence, l’AJDD a réalisé de nombreuses activités. En 2007 nous avons initié une grande tournée de sensibilisation dans les établissements secondaires sur les questions de droits de l’enfant et justement des droits des jeunes. Nous avons avec l’artiste burkinabè, Sami Rama, à l’époque, sillonné 5 établissements et organisé une grande conférence au Lycée Philippe Zinda Kaboré qui avait réuni plus de 1 000 élèves de la ville de Ouagadougou venus comprendre ces sujets. Par la suite, nous avons mis en place des clubs droits de l’enfant. Ces clubs ont existé, ont continué à se mouvoir et beaucoup de jeunes leaders aujourd’hui sont issus de ces clubs.

Nous avons également pu mettre en œuvre un projet de réinsertion de 5 jeunes qui sortaient du milieu carcéral. Ce sont des jeunes qui étaient en prison et à leur sortie, il fallait les accompagner pour reconstruire leurs relations avec leur famille, les accompagner dans des activités sociaux-économiques pour faciliter leur réinsertion sociale. C’est ce que nous avons fait avec notamment des jeunes femmes qui ont par la suite mis en place un atelier de couture qui continue de fonctionner. Nous avons aussi accompagné un jeune qui a eu une charcuterie.

Nous avons également eu des projets structurants notamment le projet VIMAPRO. Ce projet est mis en œuvre par l’AJDD, la BASE et le Réseau Projection. Il s’agit d’une vidange manuelle professionnelle. Il y a de nombreux jeunes au Burkina qui, au regard des conditions de construction de nos fosses septiques, de nos latrines, ont estimé qu’il fallait accompagner les familles pour les vidanges. Les concessions le font mais ce n’est pas toujours bien fait et ce n’est pas non plus évident que les machines peuvent le faire. Nous avons estimé qu’il fallait aider ces jeunes-là à bien vivre de leur activité et à le faire de manière suffisamment saine. Ce projet a duré trois (3) années.

Nous avons ensuite mis en œuvre le projet d’accès à l’eau potable et à l’assainissement dans un village de la province du Sanmatenga, à Wara. Nous avons réalisé pour cette population 4 forages et accompagné autour de 300 producteurs sur les bonnes techniques de production en utilisant l’eau de manière durable. Aussi, avons-nous mené l’étude de réhabilitation du barrage de ce village.

En outre, nous mettons en œuvre des actions sur la participation des jeunes à la gouvernance à travers le projet Youth Power Burkina, qui est un concept et non des actions éparses. Il s’agit de quelque chose de structurant et d’innovant, qui consiste dans un premier temps à renforcer les capacités des jeunes au niveau local, à créer le lien et le renforcer entre les jeunes et les autorités locales et à faire en sorte que les jeunes participent désormais au développement non seulement par des propositions mais aussi par des actions concrètes qu’ils réalisent sur le terrain.

Depuis maintenant 4 années, nous conduisons une action de campagne de promotion du leadership féminin que nous appelons WOLA, qui se tient chaque année et qui permet à 200 jeunes femmes sélectionnées à partir d’un appel à candidature (qui a reçu plus de 1 000 candidatures cette année) pour participer à un évènement au cours duquel elles sont mises en relation avec des femmes modèles de réussite dans divers domaines d’activités.

On peut dire qu’après 10 années, nous avons touché par nos interventions directes autour de 10 000 personnes. Nous avons également par nos interventions contribué à créer des emplois. L’AJDD aujourd’hui crée des emplois et nous pensons que le bilan est plus ou moins satisfaisant parce que de 2009 à 2020 il y a eu une évolution. Une des preuves de cela c’est la reconnaissance de l’Etat burkinabè, qui l’année dernière nous a élevé au rang de Chevalier de l’Ordre du mérite avec agrafe Jeunesse.

Minute.bf : Récemment, vous avez produit un rapport sur la représentativité des jeunes dans la gouvernance, pouvez-vous revenir de façon succincte sur la substance de ce rapport ?

Cheick Fayçal Traoré : Ce rapport est parti du constat que l’on parle de manière empirique de l’absence des jeunes dans la gouvernance de notre pays. On dit de manière générale que les jeunes ne sont pas présents et ne sont pas représentés. Mais lorsqu’on demande de manière scientifique, quelles sont les données, quels sont les éléments qui prouvent que les jeunes ne sont pas bien représentés, on commence à avoir du mal parce qu’on n’a pas documenté suffisamment la question.

Pour nous, on ne l’a pas fait parce qu’on n’a pas compris que la question de la participation des jeunes à la gouvernance et au développement est tout simplement une question de développement comme toutes les autres qu’on évoque au quotidien. Nous pensons que cela n’est pas suffisamment compris parce qu’on n’intègre pas assez le fait que la ressource la plus importante que l’Afrique a aujourd’hui, c’est sa jeunesse. Et ça, ce n’est pas nous qui le disons, c’est l’Union africaine (UA) qui le dit. Donc, si on n’utilise pas suffisamment la ressource la plus importante que nous avons, c’est que le développement va continuer à piétiner. Pour nous, il était indispensable de documenter la question de la participation des jeunes à la gouvernance et au développement, raison pour laquelle nous avons proposé ce rapport. Nos partenaires l’ont accepté. Nous l’avons mis en œuvre pour la première fois en 2019 et il a été publié en 2020.

Dans ce rapport, nous avons essentiellement étudié 3 entités de manière générale. D’abord, nous avons regardé les collectivités locales qui ont à la fois, les conseillers municipaux, qui est l’organe de gouvernance et l’administration communale. Lorsque nous avons étudié la présence des jeunes dans ces instances, on s’est rendu compte qu’il y a environ 17% de jeunes qui sont responsabilisés dans les instances de gouvernance des collectivités locales.

Nous avons ensuite analysé les institutions publiques notamment certains ministères. De ces ministères, les données que nous avons, font état de 23% de jeunes responsabilisés.

Nous avons également étudié les partis politiques parce que c’est un élément important pour nous. Nous avons pris quelques partis de l’opposition et quelques-autres de la majorité avec la proclamation jeune. Cinq (5) partis ont été analysés et les résultats ont révélé que dans les partis politiques, les jeunes sont responsabilisés à 11% dans les Bureaux politiques nationaux (BPN). Il y a des situations assez diverses parce que nous avons des partis où les jeunes sont représentés à 1% dans les instances décisionnelles malgré la proclamation qui ressort. Ces résultats sont des données brutes que nous avons pu avoir et de nos analyses, on peut dire qu’aujourd’hui, le levier sur lequel nous devons agir, actionner, c’est celui le plus faible aujourd’hui, le levier politique. C’est le politique qui brigue le suffrage des populations, qui brigue les positions aussi bien au niveau local que national, et c’est en plus lui qui a le pouvoir de nommer des gens aux différentes postions. Pour nous, si le levier politique évolue, si les jeunes sont davantage responsabilisés au niveau technique ou encore si les acteurs politiques comprennent qu’il est important qu’ils le soient, on aurait gagné.

Partant de cela, trois (3) recommandations principales ont été formulées par le rapport. La première recommandation formulée est celle de faire en sorte que la formation des jeunes soit renforcée. Les jeunes doivent avoir accès à la formation professionnelle d’abord parce qu’aujourd’hui, jusqu’à présent au Burkina, un étudiant en médecine paye 15 000 FCFA pendant 7 ou 8 ans et devient médecin. Par contre, lorsqu’on veut être pâtissier ou menuisier l’on doit payer entre 150 000 et 350 000 FCFA par an. Il est donc plus cher d’être pâtissier que de payer tout un cursus universitaire. Nous pensons que c’est une injustice qui doit être changée ; on doit trouver le moyen de rendre cette formation accessible aux jeunes.

Ensuite, vient la formation politique et la formation citoyenne. Il faut que les jeunes aient des informations suffisantes en matière de citoyenneté. Il faut qu’ils sachent : Comment on s’engage ? Pourquoi on s’engage ? Où on s’engage ? Et comment on a de l’impact dans l’engagement ? Nous pensons que c’est le rôle des acteurs politiques et de toute la société d’y contribuer. Nous, nous avons apporté notre part à travers le guide de l’engagement citoyen qui a été publié également cette année pour aider les jeunes, leur donner des outils de base pour savoir comment s’engager, comment impacter, pourquoi s’engager.

Le deuxième point de recommandation que le rapport a formulé, c’est la mise en place d’un mécanisme de suivi de la présence des jeunes dans la gouvernance et de leur contribution au développement. C’est parce qu’on n’arrive pas aujourd’hui à savoir exactement où est-ce que ces jeunes contribuent et à quel niveau ils contribuent, qu’on néglige cette contribution. Nous pensons qu’aujourd’hui il faut les documenter, c’est pourquoi nous nous sommes proposés d’avoir de manière régulière et chaque année de pouvoir publier ce rapport. Le 1er rapport en 2019, le second rapport en 2020 et le 3ème rapport qu’on imagine en 2021.

La troisième recommandation que nous allons formuler, c’est la signature d’un pacte de gouvernance intergénérationnelle. Pour nous, aujourd’hui, il faut trouver un mécanisme qui promet la présence de la gouvernance de manière officielle et pour tout le monde, et qui soit différent du nôtre parce que nous avons pu observer la faiblesse de la loi sur le quota genre qui, malgré son adoption, malgré les combats que nous menons autour, n’est pas encore arrivée à permettre aux femmes d’avoir 30% des députés au niveau de l’Assemblé Nationale. Nous pensons que c’est un mécanisme intéressant mais qui a des limites assez importantes. Pour nous aujourd’hui, il est essentiel, voire indispensable de travailler à faire en sorte que nous puissions avoir un mécanisme davantage souple mais aussi un mécanisme qui permet effectivement aux jeunes d’être représentés. C’est pourquoi nous proposons ce pacte de gouvernance intergénérationnelle. Nous avons rencontré les acteurs politiques pour le leur présenter, nous avons aussi rencontré les patrons au développement pour le leur présenter. Et ce pacte est en trois points essentiels : le premier point est la nomination de 30% des jeunes dans les instances décisionnelles où la désignation se fait par nomination, ensuite nous proposons que dans le trio de tête, des candidatures aux élections législatives ou aux municipales, nous ayons au moins un jeune.

Lorsque vous avez une candidature de quatre personnes, de neuf personnes, de quinze personnes, on doit avoir dans les trois premiers un jeune au moins, un homme et une femme. C’est ce que nous proposons. Nous ne voulons pas forcement que la liste soit comblée de 30% des jeunes, mais s’il y a un jeune, que celui-ci soit dans le trio de la tête de liste des candidatures aux élections.

En troisième lieu, nous proposons un moratoire sur l’âge de la jeunesse pour la période de 2020-2025. On est jeune de 15 à 35 ans selon les documents de notre pays mais nous proposons, selon la recommandation des acteurs politiques, que l’âge de 18 à 45 ans soit retenu pour parler des jeunes. C’est une situation délicate pour nous mais nous proposons que la proie soit divisée en deux pour la période de 2020-2025, c’est-à- dire qu’il y ait 15% pour les jeunes de 18 à 35 ans et 15% pour ceux de 35 à 45 ans. Voici les propositions essentielles que le rapport a formulées.

Minute.bf : Est-ce à dire que vous préconisez une politique complètement jeune au Burkina Faso ?

Cheick Fayçal Traoré : Non, nous disons qu’il est indispensable que toutes les générations travaillent ensemble. Pour nous, c’est un impératif. Si vous avez une gouvernance faite uniquement d’ainés comme c’est le cas dans la plupart des pays africains, il y aura forcément problème. Une étude d’un institut anglais disait il y a quelques années, en 2015 précisément, qu’il y avait un hiatus de 40 ans entre les populations africaines et leurs dirigeants, donc cela paraît normal qu’on finisse par ne pas forcement se comprendre. Nous voulons que les ainés, du haut de leur expérience soient présents, continuent à agir, continuent à jouer les premiers rôles mais nous pensons qu’il est indispensable que les jeunes soient aussi représentés, qu’ils soient avec les ainés pour apporter leurs innovations et leurs énergies à la construction de la nation. Et comme nous l’avons dit il y a quelques années, l’Afrique ne peut pas continuer à se priver de sa ressource la plus importante, à savoir sa jeunesse.

Minute.bf : Quelle lecture faites-vous de la politique au Burkina ?

Cheick Fayçal Traoré : C’est une question suffisamment délicate, en ce sens que cela revient à savoir comment notre pays est plus ou moins gouverné aujourd’hui. Nous pensons qu’il y a des efforts qui sont faits dans divers domaines mais nous restons convaincus qu’on peut aller plus vite que cela et de manière plus efficace en utilisant toutes les énergies dont, principalement celle de la jeunesse.

Aussi, lorsqu’on parle de gouvernance et de politique, il ne s’agit pas seulement de la gestion de l’Etat, il y a également la gestion du secteur privé, la gestion du monde associatif en ce sens que nous estimons qu’il y a de nombreux efforts à faire parce que toutes les intelligences ne sont pas mis à contribution pour la gestion de notre pays. Nous pensons que le défis qu’on a, à relever aujourd’hui, c’est de mettre à contribution toutes les intelligences pour le développement du Burkina Faso.

Video- Le message de Cheick Fayçal Traoré à la jeunesse burkinabè qui ne croit plus à la politique

Minute.bf : Pour les élections de 2020, il y a plusieurs candidats dont des jeunes. Est-ce à dire que vous préconisez le vote des candidats jeunes ?

Cheick Fayçal Traoré : Notre analyse est à deux niveaux. Il y a dans un premier temps l’élection présidentielle où un jeune ne peut pas être candidat puisse que l’âge minimum pour se présenter est de 35 ans, alors qu’après 35 ans, on est censé ne plus être jeune. Il y a ce problème. Aussi, de notre point de vue sur l’élection présidentielle, l’accent doit être mis sur la qualité du programme des candidats. Qu’est-ce que le candidat propose exactement, dans quel sens il souhaite aller ? Dans tous les cas, nous proposons aussi bien pour les élections législatives que présidentielles, ce que nous appelons l’incitation au vote utile. En ce sens, nous appelons les jeunes à faire un vote utile.

Le vote utile pour nous comporte 3 critères. Le premier critère c’est la qualité du programme. Un candidat qui fait des discours mais qui n’a rien couché sur papier comme programme, qui n’apporte pas de solutions concrètes au moins théoriquement, nous estimons en ce moment qu’on peut avoir des doutes sur sa capacité à avoir une action programmatique suffisamment efficace.

Le deuxième critère c’est la représentativité. Dans ce cas, lorsqu’on est candidat à l’élection présidentielle, cela suppose que nous avons un parti politique dans lequel il y a des candidats aux élections législatives. A ce niveau, nous estimons que les jeunes doivent être suffisamment représentés dans la liste des candidatures pour les législatives. C’est en cela que le pacte est un élément important. Et les jeunes doivent être en mesure d’analyser et voir si les éléments du pacte sont pris en compte sur les listes de candidatures de ces différents partis politiques.

Cette année, nous leur offrirons un outil d’analyse car nous prévoyons, vu que le rapport 2020 sera publié en octobre, nous appesantir sur les listes de candidature des partis politiques aux élections législatives. Ainsi, nous verrons si les partis politiques qui proclament dans leur programme qu’ils vont travailler avec les jeunes ou qu’ils vont travailler pour les jeunes ont déjà répercuté cette ambition sur la liste de candidature. Si tel n’est pas le cas nous considérerons que ces partis font de la démagogie. Nous allons analyser tout cela et nous publierons un rapport qui sera assorti d’un classement des partis politiques qui auraient effectivement responsabilisé les jeunes sur leur liste de candidature.

Enfin nous dirons aux jeunes que le troisième critère de vote c’est la conviction intime, basée sur le passé, les actions et la crédibilité des candidats. Les acteurs politiques devront alors prendre cela en compte car 52% de jeunes sont inscrits sur le fichier électoral. Aussi, nous avons dit à ces jeunes de voter les candidats qui font confiance aux jeunes et qui les responsabilisent.

Minute.bf : Quand vous leur dites de voter ceux qui les responsabilisent et vous dressez même un portrait-robot du candidat idéal de la jeunesse, est-ce que vous n’incitez pas les jeunes à porter un choix sur une personne que vous avez déjà choisi?

Cheick Fayçal Traoré : A l’évidence non, parce qu’aujourd’hui, nous n’avons même pas les programmes des différents partis politiques, donc on ne sait pas qu’est-ce que les partis politiques proposent à la population. Le deuxième élément qui n’est pas connu c’est la liste de candidature. Donc nous ne pouvons pas aujourd’hui préjuger qui nous voulons soutenir. Dans tous les cas, notre processus électoral est suffisamment transparent et peut être audité à tout moment donc il donnera tous les éléments de transparence qui vont avec.

Par contre, ce que nous disons aux partis politiques, c’est que le candidat de la jeunesse, c’est celui-là qui prend en compte les jeunes. D’ailleurs nous ne sommes pas en train de faire quelques choses que les partis politiques ignorent. Nous avons rencontré les partis de l’opposition et de la majorité, nous leur avons présenté ce que nous avons l’intention de faire et nous leur avons demandé d’adhérer au pacte intergénérationnel. Aussi, nous espérons que ce pacte sera signé d’ici à la mi-septembre. Ainsi, une fois officiellement signé, on se serait engagé ensemble au pacte et il reviendra aux acteurs politiques à le mettre en œuvre.

Minute.bf : Onze ans de lutte et d’actions, ce n’est pas donné à n’importe quelle association. Vous avez tenu jusqu’aujourd’hui et vous continuer la lutte. Qui est-ce qui finance votre association ?

Cheick Fayçal Traoré : Au-delà des financements, il faut vraiment l’avouer, l’AJDD est une passion de jeunes. Des jeunes qui se sont engagés, qui ont estimé qu’il était impératif pour eux de contribuer de manière concrète au développement de notre pays. Chacun, à son niveau, apporte sa contribution dans cet engagement pour le développement. Les journalistes font leur travail, les médecins font leur travail, mais les acteurs du développement également sont indispensables. Pour nous, il était important d’ouvrir une voie, de montrer aux jeunes que lorsqu’on s’engage dans le monde associatif, ce n’est pas par faute d’emploi, encore moins par incompétence. C’est par décision de mettre son potentiel au service de son pays par un chemin qui, pour nous, était le plus direct. A Wara, comme je le disais, l’Etat n’avait pas pu régler leur problème d’accès à l’eau potable. C’est un village de plus de 1000 habitants, qui avait un seul forage qui était en panne, où les populations étaient obligées d’aller puiser de l’eau dans un barrage pour survire. Vous comprenez également qu’il y a des risques de maladies qui peuvent survenir. Nous avons estimé que nous pouvions apporter notre contribution à ces populations pour qu’elles vivent mieux. Nous nous sommes mobilisés en termes d’engagement, nous sommes allés discuter avec ces populations pour recueillir leurs préoccupations. Elles nous ont fait savoir leur besoins. Nous avons discuté et nous avons trouvé le juste milieu. Ce juste milieu était que les populations avaient besoin qu’on réhabilite très rapidement le forage qui était en panne pour leur permettre d’avoir de l’eau potable. Nous avons trouvé des ressources entre nous pour résoudre ce problème. Mais nous avons trouvé un partenaire belge qui a décidé ensuite d’accompagner ce projet à 125 000 euros (plus de 60 millions). Cela nous a permis de réaliser 4 forages pour ces populations. Pour nous, c’est une fierté d’avoir pu faire ces réalisations. C’est pour vous dire qu’avant la question de financement, il y a l’engagement des jeunes.

Nous venons de finir une initiative contre la Covid-19. Avant que le partenaire financier ne nous approche pour nous accompagner, nous avions décidé par nous-mêmes, avec des jeunes du Burkina Faso et d’ailleurs, de mobiliser une vingtaine de lave-mains que nous avons distribué à des populations, à des Centre de santé et de promotion sociale (CSPS). Le partenaire nous a accompagné par la suite et nous avons décidé de mettre en place une brigade anti covid-19 où nous avons déployé sur le terrain, une centaine de jeunes dont une cinquantaine de jeunes femmes, qui sont allés, qui ont parlé de manière directe, interpersonnelle à plus de 2000 personnes, des jeunes ruraux de la ville de Ouagadougou. Nous pensons que c’est une contribution que nous apportons. C’est pour dire qu’il y a d’abord l’engagement et la passion que nous avons, les idées que nous proposons et en plus, nous avons des partenaires qui nous font confiance. Nous avons Oxfam, l’ambassade du Danemark au Burkina Faso, les Nations-Unies (PNUD, UNFPA), nous avons également Plan international Burkina qui nous accompagne. Nous avons des sociétés privées (Nestlé, IAM Gold ESSAKANE, etc.) qui n’hésitent pas à accompagner nos initiatives lorsque nous les sollicitons. Nous avons aussi l’Etat qui nous accompagne sur le plan technique. Nous avons des partenariats avec des institutions publiques que sont le ministère de la jeunesse, celui de la promotion de la femme, avec lesquelles nous travaillons d’une manière assez régulière.

Minute.bf : Quelles sont les actions que votre association entend mener dans les années à venir ?

Cheick Fayçal Traoré : Déjà, dans l’immédiat, nous avons cette initiative que nous appelons « Campagne jeune ». Nous avons des élections couplées législatives et présidentielle en novembre 2020 et les municipales en 2021. Nous pensons que les jeunes ne doivent pas être absents à ces échéances électorales. Ils doivent être présents. Nous avons décidé, en plus du rapport qui sera élaboré, d’avoir une campagne à l’endroit des jeunes, d’aller donner l’information aux jeunes. Les programmes des partis politiques sont souvent des documents techniques qui ne sont pas simples à comprendre. Nous allons décortiquer cela sous l’angle jeune, nous produirons un rapport, et nous irons, nous aussi, en campagne comme les acteurs politiques. Pas pour inciter les jeunes à voter un candidat quelconque, mais pour leur définir les éléments d’analyse pour choisir le bon candidat, celui que les jeunes doivent élire, celui vers lequel ils doivent aller. Nous irons donc en campagne dans les régions et les communes du Burkina Faso, pour présenter ces éléments aux jeunes et aux populations de notre pays.

Nous avons également un projet dénommé « Initiative Youth Power Burkina », qui, pour nous, ne devrait pas s’arrêter. Notre ambition est d’élargir cette initiative à d’autres régions. Nous travaillons actuellement avec trois régions. Nous avons pour ambitions, pour les cinq années à venir, à travailler pour permettre à trois autres régions de bénéficier de ce projet qui est une initiative suffisamment intégrée, holistique, qui contribue à l’épanouissement des jeunes, à la bonne gouvernance au niveau local. Nous avons également en projet, une grosse initiative sur les questions de participations des jeunes à la cohésion sociale et à la paix. Nous pensons que la question de la cohésion sociale et de la paix doit avoir en son cœur la jeunesse, en rapport avec les valeurs culturelles de notre pays, la bonne gouvernance, la jeunesse en tant qu’ambassadrice de la paix. Nous espérons que les partenaires nous ferons confiance pour la démarrer à partir de 2021.

Nous avons également le grand chantier de la réinsertion des enfants et jeunes qui sortent de prison. C’est un chantier suffisamment important pour nous, parce que le taux de récidive est assez important car de nombreux jeunes, lorsqu’ils sortent de prison, sont rejetés par leurs familles et n’ont pas suffisamment d’opportunité d’intégration. Nous estimons que c’est un chantier important sur lequel il faut investir.

Le quatrième chantier qui est pour nous essentiel, sur lequel nous allons beaucoup mettre l’accent, c’est la question du Leadership féminin. La jeune femme doit être au cœur du développement. La conviction que nous avons, est que c’est ensemble, main dans la main, homme et femme, que nous contribuerons au développement de notre pays. Nous pensons que c’est le meilleur moyen de lutter contre les fléaux qui minent cette gente féminine, notamment l’excision, le mariage précoce, le harcèlement. Nous estimons que tout cela doit pouvoir s’estomper par des moyens nouveaux, par l’élévation du niveau d’autonomisation de la femme.

Nous avons aussi pour ambition de renforcer le réseau des Alumni qui a été mis en place. Environ 550 jeunes femmes sont passées par le programme et sont aujourd’hui en association, et nous pensons qu’il faut renforcer cette association pour qu’elle puisse poursuivre des initiatives, accompagner des initiatives des jeunes femmes au niveau local pour plus d’impact. L’impact féminin est un chantier important aussi pour nous ; faire en sorte que les jeunes femmes puissent avoir accès à des emplois, mais aussi, que celles-là qui ont décidé d’entreprendre, puissent avoir les ressources et l’accompagnement suffisants pour avoir des entreprises structurantes qui leur permettent d’avoir plus d’impact dans la société.

Minute.bf : Le 22 Novembre 2020 est une date décisive dans l’histoire du Burkina Faso. Quel message particulier avez-vous à adresser à la jeunesse, à trois mois des élections couplées ?

Cheick Fayçal Traoré : Novembre 2020 pour nous, est un tournant important dans la vie de notre nation. Ce sera une élection organisée par un président civil en exercice, qui veut briguer un second et dernier mandat. C’est une élection suffisamment ouverte pour nous. Nous pensons également que l’on a suffisamment démontré le rôle que la jeunesse doit jouer dans ces élections. La jeunesse ne doit pas continuer à jouer le second rôle. Ce que nous disons aujourd’hui, si l’on ne nous a pas assez fait confiance, nous devons commencer, nous-mêmes, à nous faire confiance. Il est donc important que les jeunes aillent voter à ces élections. Nous pensons qu’il faille qu’ils aillent aux élections eux-mêmes en tant que candidats. Ce que nous disons également aux jeunes est que nous ne devons pas continuer à être manipulés par les acteurs politiques. On doit refuser de s’impliquer dans des conflits qui ne sont pas les nôtres. Le conflit qui doit être le nôtre, ou, la bataille que nous devons mener est celle pour le développement de notre pays. C’est la seule qui vaille. Toutes les autres sont des batailles secondaires qui ne méritent pas d’être menées.

Entretien réalisé par A. Kinda et F. Kola
Minute.bf

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