jeudi 10 octobre 2024
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Burkina : Dr Tongnoma Zongo suggère de repenser l’exploitation minière artisanale

Dans cette analyse sur l’exploitation minière artisanale, Dr Tongnoma Zongo, Chargé de recherche et spécialiste des questions minières à L’institut des sciences des sociétés (INSS) du CNRST postule de repenser la gouvernance de l’encadrement du secteur. Son analyse ici ⤵️

Thème : Repenser la gouvernance de l’encadrement de l’EMAPE au Burkina Faso

Résumé

Ce document de vulgarisation tiré de l’article scientifique intitulé « Politique publique de formalisation de la mine artisanale et bureaucratisation au Burkina Faso : une cohabitation difficile ? publiée par le Laboratoire de Recherche sur la Dynamique des Milieux et des Sociétés (LARDYMES) du Département de Géographie, Faculté des Sciences de l’Homme et de la Société, Université de Lomé. Juin 2024 ISSN 1993-3134 analyse l’encadrement de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) au Burkina Faso.
Une très bonne gouvernance de l’exploitation minière artisanale incluant tous les acteurs indispensables du secteur minier offre la meilleure chance de mettre fin à l’usage massif des produits chimiques (mercure et cyanure), aux violations des droits de l’homme et au travail des enfants dans les sites d’orpaillage du Burkina Faso. Améliorer la gouvernance de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle ne requiert pas l’élaboration de politiques nouvelles ou spécifiques. Les gouvernements et les acteurs du secteur de l’EMAPE doivent donc se consacrer de toute urgence au renforcement d’une gouvernance inclusive du secteur, la transparence et la sincérité dans les politiques d’encadrement du secteur de la mine artisanale au Burkina Faso.

Introduction

En Afrique, l’exploitation des ressources minières connait une forte expansion depuis les alentours de l’an 2000 (Zongo, 2019). Sous l’impulsion de la demande mondiale de ressources naturelles, les industries pétrolières, gazières et minières ont enregistré une immense croissance sur le continent, entrainant un boom minier (Magrin, 2011). Les économies des pays riches en ressources naturelles ont par ailleurs connu une croissance plus soutenue que celles des pays moins bien dotés. Le super cycle des matières premières extractives qui ont débuté en 2000 ont considérablement stimulé la production de matières extractives et accru l’intérêt des investisseurs pour les ressources naturelles abondantes de la région, ce qui a conduit à une intensification de l’exploration de ressources et une flambée du nombre d’ouvertures de nouvelles mines (AFD, 2019). Au Burkina Faso à côté des mines industrielles on assiste à l’ouverture de plusieurs sites d’orpaillage qui contribuent au développement des zones de production d’une part mais d’autres part ces nombreux sites d’orpaillage jouent négativement sur le système rural des différentes zones de production de la mine artisanale. En effet l’exploitation minière artisanale est souvent source de pollution, de dégradation de l’environnement, des sols et des dépravations des mœurs dans les zones de production. Cependant, de nombreux obstacles se dressent sur comment utiliser ce secteur par parvenir à un développement durable. Notre article s’interroge sur comment les autorités du Burkina Faso doivent-elles gérer le secteur de la mine artisanal ? La plupart des structures mises en place pour l’encadrement du secteur de la mine artisanale n’en telles pas de différences qui justifient un réexamen de politique en particulier ?
Méthodologie
Dans le cadre de cette étude, nous avons adopté une méthode essentiellement qualitative
Il s’agira dans le cadre de cet article de présenter et décrire les acteurs et leurs rôles dans la gouvernance du secteur de l’EMAPE du secteur.
Cette étude se focalise davantage sur les enjeux de la gouvernance du secteur minier par la bureaucratisation. La gouvernance de l’exploitation minière de l’or dans les sites d’orpaillage du Burkina Faso préoccupe autant les acteurs du secteur minier, les partenaires techniques et financiers, des ONG et le ministère des mines du Burkina Faso dans ce contexte d’insécurité marqué par les attaques des groupes terroristes. Dans l’optique d’atteindre les objectifs de notre étude, nous avons mené une revue de littérature sur la question et par la suite nous avons mené des entretiens auprès des personnes et des structures indispensables du secteur minier. Ces entretiens ont été menés auprès artisans miniers, l’association des orpailleurs, les agents du ministère des mines, les vendeurs des produits chimiques, la direction de l’action sociale, les ONG œuvrant dans le secteur etc.

Présentation et discussion des résultats

Les acteurs des politiques de l’encadrement de l’EMAPE : de leur conception à leur mise en œuvre
Les analyses classiques de la bureaucratie, depuis M. Weber, supposent schématiquement que les décisions d’orientation des politiques sont définies par des personnels issus d’institutions démocratiquement élues ou désignées (« les politiques ») ; les modalités de mises en œuvre relèvent « d’administrateurs » placés sous l’autorité des politiques ; les exécutants appliquent uniformément aux individus les règles définies par les précédents ; certaines fonctions techniques peuvent cependant interférer avec cette structure verticale du pouvoir et infléchir les circuits de décision comme on l’a observé par la suite (M. Crozier, 1963 P 8). Dans le secteur minier Burkinabè le constat le plus frappant est le rejet d’une bonne partie des acteurs du secteur de l’EMAPE surtout les acteurs du bas (artisans miniers, propriétaires terriens, chefs de terres etc.) par une bonne partie des agents producteurs de bureaucratie. A cet effet la bureaucratie peut être alors désignée comme responsable des dysfonctionnements de tous ordres la gouvernance du secteur minier au Burkina Faso. La volonté d’associer, au nom de l’empowerment, les acteurs du secteur de l’EMAPE dans des processus de décisions dits participatifs n’est pas encore effectif au Burkina Faso. C’est dans ce même ordre d’idée que QS, un de nos interlocuteurs avance que :
Le gouvernement est à la base des échecs de l’encadrement de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle au Burkina Faso. Nous les artisans miniers ne sommes pas associés pendant les prises de décisions et à la fin ils viennent pour appliquer ces décisions finales avec nous. Je vous jure que si le gouvernement ne change pas de stratégie rien ne marchera dans le secteur de la gouvernance minière artisanale au Burkina Faso. 
SF, un autre interlocuteur rétorque en avançant que nous ne pouvons pas se mettre à 100% dans des mécanismes de gouvernance ou nous n’avons jamais été consultés c’est pourquoi l’encadrement du secteur de l’EMAPE ne marche pas.
Les conséquences de ces pratiques bureaucratiques dans l’encadrement du secteur minier artisanal renforcent des relations de collaboration des acteurs du bas du secteur minier avec les chefs traditionnels et les ONG dans les zones de production.
2.4. Quand la gouvernance bureaucratie dans le secteur de la mine artisanale ouvre une grande porte aux ONG d’initier une exploitation responsable de l’or dans les sites d’orpaillage du Burkina Faso
La politique minière mise en œuvre par la bureaucratie créer des inégalités entre les différents acteurs, participent à créer le flou dans la relation artisans miniers et l’Etat Burkinabé. Les faiblesses institutionnelles, l’instabilité des structures étatiques et l’incapacité d’exécuter les taches fondamentales d’administration dans la promotion d’une exploitation responsable de l’or dans le secteur de la mine artisanale ouvre une large porte aux ONG qui interviennent dans le secteur de la mine artisanale de se comporter comme un autre Etat dans un Etat. L’emprise de la bureaucratie dans la gouvernance du secteur de l’EMAPE s’inscrit inégalement dans l’espace et se heurte à des résistances ou à la concurrence des ONG intervenant dans la promotion de l’or responsable dans les sites d’orpaillage du Burkina Faso.
L’intervention des ONG dans le secteur de l’EMAPE au Burkina Faso ne prend pas en compte la complexité des politiques publiques, ainsi que celle du monde social, économique dans lequel elles prennent place. En effet, ces ONG se disant les pionniers prônant pour une exploitation de l’or responsable au Burkina Faso dans le secteur de l’EMAPE ne s’appuient pas sur une démarche collaborative et ne favorise pas l’implication de toutes les parties prenantes (au niveau institutionnel, opérationnel et les bénéficiaires du projet). En effet, l’intervention des ONG dans le secteur de la mine artisanale échappe largement à l’environnement réglementaire du gouvernement Burkinabè. L’implication du ministère des mines dans ces types de projets est une implication périphérique qui se limite souvent à la participation des ateliers avec les ONG qui ont en charge de la mise en place de ces projets. C’est dans ce même d’ordre d’idée qu’un agent du ministère des mines avance que le ministère des mines et de l’énergie n’a pas été sérieusement impliqué dans la conduite du projet or propre financé par le bureau régional de la coopération Suisse du Benin dans les communes de Meguet, Zorgho et Boudry. Alors que ce projet « Or propre » avait pour objectif de lutter contre les effets négatifs de l’orpaillage. Cependant, la non implication des autorités du ministère des mines à beaucoup péché dans la conduite du projet. Un artisan minier de Meguet justifie l’échec de ce projet par la non implication des agents de l’ANEEMAS à travers les propos suivants :
Monsieur, ce projet ne pouvait pas connaitre de succès car comment une ONG peut venir discuter directement avec les responsables des sites d’orpaillage pour un tel projet sans chercher à savoir si le territoire où se déroule les activités de l’orpaillage a été attribué à une personne qui a son autorisation d’exploitation artisanale de l’or ou pas. La conséquence est que le propriétaire du site d’orpaillage de Boudry est venu récupérer son site et l’activité d’orpaillage et les ambitions du projet ‘’or propre’’ tombent à l’eau.
Il convient de mentionner que la non implication des agents du ministère des mines dans les projets de promotion de l’or responsable n’est pas la seule raison pour justifier les échecs de ces projets dans le secteur de la mine artisanale. A titre illustratif, le projet or responsable en cours d’exécution par le consortium CAS financé le bureau de la coopération Suisse du Burkina Faso avait donné le volet encadrement à l’ANEEMAS. Cependant, il convient de mentionner que des guerres de positionnements entre l’ANEEMAS et la DEMAS, deux structures du ministère des mines ont vu le jour dans le contrôle des fonds de ce projet.

         Conclusion

La gouvernance, en tant que moyen de protéger les droits des populations sur leurs ressources et de recueillir les avantages de leur exploitation, est un aspect critique de la gestion des ressources naturelles, d’autant plus que plusieurs facteurs jouent : les utilisations concurrentielles possibles, les intérêts et les revendications contestées ; la tendance de l’élite politique à s’allier aux entreprises internationales pour capter la production des gisements minéraux ; et l’éloignement de la richesse créée par les ressources naturelles qui facilite la dépossession des populations locales. Une bonne gouvernance des ressources naturelles viserait à protéger les moyens d’existence des populations et à tenir les entreprises privées comptables de leurs décisions

Bibliographie

CROZIER, M., et FRIEDBERG, E., (1992). L’acteur et le système ; les contraintes de l’action collective, Paris : éditions du Seuil.
Magrin G., 2013. Voyage en Afrique rentière, une lecture géographique des trajectoires du développement, Publications de la Sorbonne, 424 p.
Zongo Tongnoma, 2019. Orpaillage et dynamiques territoriales dans la province du Sanmatenga « pays de l’or » au Burkina Faso, 270 P. Thèse soutenue réalisée à l’université Paris 1 Sorbonne Panthéon et à l’unvisersité Joseph Ki Zerbo

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