Pour mieux comprendre les mouvements migratoires en Afrique de l’Ouest, l’ONG We World, en partenariat avec WILDAF-AO (Femmes, droit et développement en Afrique – Afrique de l’Ouest), a organisé 2 ateliers successifs à Ouagadougou. Le premier, tenu du 7 au 8 octobre 2025, a réuni 20 participants, dont 15 membres d’organisations de la société civile (OSC) et 5 blogueurs. Le second atelier, organisé du 9 au 10 octobre 2025, était, quant à lui, destiné aux journalistes au nombre de 10. L’objectif « était de renforcer leurs connaissances sur les lois encadrant la migration, les risques de la migration irrégulière, et les enjeux sociaux, sécuritaires et environnementaux liés au phénomène ».
Selon les données de l’UN DESA ( Département des Affaires Économiques et Sociales des Nations unies), en 2024, l’Afrique de l’Ouest comptait environ 8,2 millions de migrants, dont 74 % circulent à l’intérieur de la région. Au Burkina Faso, environ 10 % de la population vit à l’étranger, principalement en Côte d’Ivoire, à la recherche d’emplois ou pour fuir la précarité.

Au regard de ces statistiques le projet intitulé « Parcours régionaux pour la prévention de la migration irrégulière, la lutte contre le trafic des migrants et la traite des êtres humains » financé par l’Union européenne à travers le MMD (le Mécanisme de développement multi-partenaires sur la migration) du CICPM (Centre international pour le développement des politiques migratoires), vient pour mieux encadrer les migrations. Coordonné par We World et WILDAF-AO, ce projet est mis en œuvre dans cinq pays, dont le Burkina Faso, le Bénin (chef de file), la Côte d’Ivoire, le Mali et le Togo.
Pour Mahamadou Mahé Cissé, Chef du projet de l’ONG We World, l’objectif de cet atelier est de favoriser une meilleure compréhension des flux migratoires et de booster la production de contenus médiatiques responsables, afin que les communautés locales disposent d’informations fiables sur les risques et les alternatives possibles à la migration. « L’objectif de cette formation, c’est d’identifier les OSC et acteurs capables de porter les messages de sensibilisation contre la migration irrégulière. Nous voulons qu’ils utilisent leurs canaux pages Facebook ou médias pour diffuser des messages clés », a-t-il indiqué.

Il a fait noter que le Burkina Faso reste un pays de transit pour de nombreux migrants, souvent exposés à de graves dangers, d’où la nécessité de vulgariser les textes qui encadrent la pratique migratoire. « Beaucoup sont victimes de traite, d’arnaques, et certains perdent la vie à la recherche d’un avenir meilleur. Ce sont nos jeunes qui se déplacent, alors qu’ils devraient rester pour construire le pays. Cela entraîne une baisse de la production et de l’entrepreneuriat local », a-t-il ajouté.
La recherche comme moteur de régulation du flux de la migration irrégulière
Toujours selon Mahamadou Mahé Cissé, l’autre but de cet atelier est de montrer aux participants le gros travail de recherche effectué par l’ONG We World. « Le travail sur la recherche et l’analyse des politiques migratoires est l’une des actions que nous avons voulu partager avec les participants », a-t-il fait savoir. D’après lui, les actions de We World ont déjà permis, de concert avec la Croix-Rouge, la prise en charge de plusieurs jeunes à travers des activités génératrices de revenus. « Nos actions contribuent à éradiquer ce mal commun. Chaque organisation apporte sa pierre à l’édifice pour une prise en charge plus holistique des migrants », a-t-il précisé.
Toutefois, M. Cissé a déploré que « tant qu’il n’y a pas un bon diagnostic, on ne peut pas avoir la solution adéquate », soulignant que son équipe identifie des lacunes dans l’application des lois et plaide pour leur amélioration au niveau de l’Union africaine.

Aux dires du formateur Hassane Koubéré, cette session de formation a permis d’outiller des acteurs clés de la société civile sur la migration, la communication et la sensibilisation communautaire, afin de mieux lutter contre la migration irrégulière au Burkina Faso. Les modules ont porté, selon lui, sur la définition de la migration, les risques et dangers encourus par les migrants, ainsi que sur le cadre juridique permettant de mieux les protéger.
Au-delà des aspects théoriques, la formation a également mis l’accent sur la communication communautaire. « Ils doivent communiquer avec les autres et nous leur avons appris à contextualiser leurs messages selon le public visé », a précisé M. Koubéré.

Le formateur s’est dit satisfait du niveau d’engagement des participants. « Ils ont partagé beaucoup d’expériences enrichissantes. Le post-test a montré une réelle progression dans leur compréhension des enjeux liés à la migration », s’est-il réjoui.
Pendant c’est 4 jours, une trentaine de personnes ont renforcé leurs connaissances sur les aspects juridiques, sociaux et médiatiques de la migration. Les travaux, animés par le formateur Hassane Koubéré, ont alterné exposés théoriques, discussions participatives et exercices pratiques.

À l’issue de la formation, les participants ont exprimé leur satisfaction pour les nouvelles connaissances acquises et se sont engagés à être les relais et collaborateurs de l’ONG We World pour une migration saine. Parmi eux, Rasmata Pitroipa, participante, se dit profondément transformée par cette expérience.
« Je ressors grandie de cette formation. J’ai acquis beaucoup de connaissances et je me sens désormais capable de parler de migration sans peur dans un débat public », a-t-elle. confié. Elle a également salué le caractère pratique de la formation, notamment sur les thèmes des TDR, favorisant l’apprentissage participatif. Rasmata Pitroipa compte désormais mettre ses acquis au service de la sensibilisation à travers les réseaux sociaux et les activités de proximité. « Je vais animer mes pages Facebook, LinkedIn et WhatsApp pour sensibiliser les jeunes et leur montrer qu’on peut réussir chez soi, sans forcément partir à l’étranger », s’est-elle engagée.

Djibril Yabo, autre participant, a également témoigné que cette formation lui a permis de comprendre le phénomène migratoire, ses causes et les textes réglementaires pour une migration légale, responsable et intégrée. Grâce aux connaissances acquises, il prévoit de mener des actions de sensibilisation au sein de la communauté étudiante et auprès des jeunes tentés par la migration irrégulière. « Nous allons interpeller les autorités locales pour une meilleure application des textes et organiser des séances d’information pour que les jeunes connaissent leurs droits et devoirs », a-t-il expliqué.
Pour Nafissatou Yemboné, journaliste à Ifaso.net, c’est une belle opportunité pour les hommes de médias, d’échanger autour des problématiques liées à la migration, au vu des enjeux du moment. « Je peux dire que cet atelier a très bénéfique pour nous, participants, d’avoir pu acquérir plusieurs informations sur cette thématique. ll faut noter que nous avons appris les différents textes qui cadrent l’immigration sur le plan national et même international », a-t-elle déclaré. Et d’ajouter : « c’est une opportunité pour nous de pouvoir mieux écrire nos articles. Personnellement, c’est un acquis, parce que cela me donne des idées pour faire des reportages sur l’immigration, surtout celle irrégulière, et sensibiliser vraiment les jeunes surtout qui sont beaucoup touchés par cet enjeu-là ».

En rappel, le projet piloté par We World est doté d’un budget global de plus de 1,5 million d’euros. Il vise non pas à freiner la mobilité régionale, mais à sensibiliser sur les dangers de la migration irrégulière tout en promouvant la migration intrarégionale légale et sécurisée. La formation s’est clôturée par une remise d’attestations aux participants.
Jean-François SOME
Minute.bf