Le 3 janvier de chaque année, le Burkina Faso commémore la première insurrection populaire de son histoire, survenue le 3 janvier 1966. Pour sacrifier à cette tradition, l’Union d’action syndicale (UAS) a réuni ses militants, ce mercredi 3 janvier 2023, à la Bourse du travail de Ouagadougou, autour d’un panel sur le thème : « Contribution du mouvement syndical à l’ancrage de la démocratie au Burkina Faso ».
Pour animer la première sous-thématique de ce panel, intitulée : « Les luttes syndicales pour l’ancrage de la démocratie au Burkina Faso: exemples et acquis », c’est Dominique Yaméogo, président du Comité de lutte contre la Vie chère (CCVC) qui a été sollicité. Ce dernier a relevé que de 1960 à aujourd’hui, le mouvement syndical a toujours été au cœur des luttes pour la préservation des libertés démocratiques au Burkina Faso. « Déjà en 1966, avec les préoccupations du pouvoir de l’époque qui voulait instaurer un parti unique et y incorporer les syndicats pour les caporaliser, la réaction a été immédiate. Le mouvement syndical ne s’est pas laissé faire. Il a travaillé à ce que le mouvement populaire du 3 janvier advienne et qu’il se réalise », a rappelé le conférencier, ajoutant à cela, la grande grève des 17 et 18 décembre 1975, organisée par le mouvement syndical pour faire barrage à la volonté du président Sagoulé Lamizana d’instaurer un parti unique au Burkina Faso.

Des dires de Dominique Yaméogo, le mouvement syndical a aussi été aux avant-gardes de l’instauration du multipartisme au Burkina Faso. « Avec les Etats d’exception, on voyait ce qui se passait dans les pays voisins comme la Côte d’Ivoire et le Togo. Et quand les politiques ont voulu instaurer cela au Burkina Faso, le mouvement s’est battu contre l’instauration du parti unique », a-t-il indiqué.
Il a ajouté que le mouvement syndical est également resté débout pour qu’il y ait plus de libertés pour la presse au Burkina Faso. C’est le cas, a-t-il relevé, de la lutte pour l’autorisation des émissions interactives dans les médias. « Ceux qui vont sur les plateaux télé aujourd’hui et qui attaquent le mouvement syndical, ils ne connaissent pas l’histoire. Ils nous attaquent mais ils ne savent pas comment le mouvement a lutté pour que ces émissions interactives puissent avoir lieu. Ces émissions n’étaient pas autorisées au Burkina Faso », a-t-il regretté.

Sur le plan de l’indépendance de la justice également, le mouvement syndical a laissé des traces, selon Dominique Yaméogo. « Toutes les fois où les libertés démocratiques ont été menacées, le mouvement syndical est toujours resté débout pour dire non. Et cela se poursuit jusqu’au jour d’aujourd’hui, avec les menaces de certaines OSC qui disent que le mouvement syndical n’a pas droit de manifester alors que ces OSC ont tout le droit pour manifester comme elles le veulent. Pour ceux aussi qui accusent le mouvement syndical de ne pas contribuer suffisamment à la lutte contre l’insécurité, on leur dit de revisiter l’histoire. Le mouvement syndical a sensibilisé, formé et même interpellé pour que l’armée soit formée et qu’elle soit équipée. La question de l’équipement de l’armée fait partie de nos plateformes, la question des traitements des militaires également. Certaines personnes ferment volontairement les yeux sur ça. C’est une triste réalité », a relevé le president du CCVC.
Il a aussi ajouté que le mouvement syndical a toujours été combattu à travers les différents régimes qu’a connus le Burkina Faso. Et il en veut pour exemple, les déportations de certains leaders d’organisations syndicales en 1980 avec le Comité militaire de redressement. « Ce que nous connaissons comme insécurité aujourd’hui se justifie d’une certaine manière par ça. Quand on déportait les gens à Dori, c’était comme des punitions. Dori n’était pas considérée comme une partie du pays mais comme un calvaire. Voilà où on en est », a-t-il déploré. Dominique Yaméogo a ajouté que ces mesures répressives se sont accentuées sous le regime du Conseil national de la révolution (CNR). Sous ce régime dirigé par le Capitaine Thomas Sankara, a-t-il dit, les déportations ont continué et des leaders syndicaux se sont vus suspendre ou relever de leurs fonctions.

M. Yaméogo a clos sa communication en appelant l’ensemble du monde syndical à l’union pour la préservation des acquis engrangés en terme de libertés démocratiques au Burkina Faso.
Défis actuels
La deuxième sous-thématique de ce panel initié par l’UAS est intitulée : « Les défis actuels des luttes syndicales dans un contexte de lutte contre les groupes armés terroristes ». Elle a été animée par Norbert Ouangré, président de la commission presse de l’UAS. Abordant ce sujet, le conférencier a relevé comme l’un des principaux défis du mouvement syndical actuellement, la reconquête du territoire national.
Sur ce sujet, il s’est réjoui de ce que la communication officielle relève une nette amélioration de la situation sécuritaire dans certaines régions du Burkina Faso.
Toutefois, le conférencier a dit regretter l’option communicationnelle des autorités actuelles par rapport à la lutte antiterrorisme au Burkina Faso. Il a déploré notamment le silence sur les attaques terroristes et les pertes enregistrées dans les rangs de l’armée burkinabè. « Ce qui est gênant dans cette situation c’est que dans un contexte où le code pénal interdit de fait aux médias publics, de traiter de la question sécuritaire, les médias d’Etat en l’occurrence l’AIB et la TNB, choisissent délibérément de faire fi des pertes que nous enregistrons dans les opérations de reconquête de notre pays. Aussi, depuis presque une année, il n’est plus décrété de deuils nationaux pour rendre hommage aux victimes alors que les informations font état de nombreuses pertes en vies humaines. Il revient même que parfois l’information des familles est très réduite », a-t-il déploré.

Norbert Ouangré a soulevé comme autres préoccupations actuelles du mouvement syndical, les atteintes aux libertés démocratiques au Burkina Faso. Il a relevé que les atteintes aux libertés démocratiques se sont accentuées ces dernières années avec notamment « la suspension des activités des partis politiques, la restriction de la liberté d’expression et de la presse, les enlèvements de citoyens, les réquisitions pour le front, l’immixtion de l’exécutif dans le champ du pouvoir judiciaire ». Face à ces préoccupations, il a appelé l’ensemble des responsables syndicaux à « surpasser leur peur » pour prendre en charge efficacement la défense des intérêts des travailleurs et du peuple burkinabè.
A l’endroit des autorités actuelles, le conférencier les a appelées à garantir les libertés démocratiques, seules alternatives selon lui, pour garantir un Etat de droit et lutter efficacement contre l’insécurité.

Soulignons qu’en marge de cette activité, le mouvement syndical a procédé à un baptême des salles de la Bourse du travail, en souvenir des grands événements ayant marqué l’histoire du Burkina Faso. La salle 1 de la bourse du travail porte désormais le nom de « Salle du 3 janvier 1966 ». La salle 2 a été baptisée « Salle des 17 et 18 décembre 1975 » et la salle 3, « Salle du 16 septembre 2015 ».
Oumarou KONATE
Minute.bf