Le blanchiment de capitaux a fait l’objet d’un atelier d’information, de formation et d’appropriation au profit des Organisations de la Société civiles (OSC), sous l’égide du Conseil national des OSC du Burkina Faso (CNOSC/BF), le mardi 7 février 2023 à Ouagadougou. Cet atelier qui prend en compte la question du terrorisme au Burkina Faso, selon le président du CNOSC, Hermann Doanio, vise à sensibiliser les OSC pour qu’ils ne tombent pas dans le piège du blanchiment de capitaux, dans la mise en œuvre de leurs activités.
« Par rapport au blanchiment des capitaux, quand vous faites des activités illicites, vous obtenez de l’argent qu’on appelle de l’argent sale. Quand vous avez cet argent sale-là, il faut utiliser les circuits classiques, les circuits bancaires pour le réinjecter dans le circuit économique normal. En le faisant, on dit que la personne est entrain de blanchir l’argent qui était mal acquis », a d’emblée expliqué Hermann Doanio.
En illustration, il a indiqué que la vente des stupéfiants comme la drogue va générer des ressources. Mais, ces ressources sont « illicites », raison pour laquelle le détenteur ne peut pas aller les déposer en banque. Cela, parce qu’il ne pourra pas justifier la source de cet argent. « Si vous prenez le cas du proxénétisme, c’est de l’argent sale. Cela n’est pas permis par la loi. C’est une activité criminelle, illicite », pousuit-il dans ses exemples. Pour utiliser cet argent qui est le plus souvent, « déposé quelque part » et l’auteur trouve des moyens de le réinjecter pour pouvoir l’utiliser dans le circuit normal (banque, ndlr), c’est-à-dire le blanchir.
Outre les conséquences des blanchiments de capitaux sur l’économie nationale, le sujet intéresse le CNOSC, en ce que les OSC sont susceptibles d’être des canaux pour ce type de pratique illicite. Du reste, c’est ainsi que M. Doanio a justifié l’organisation de l’atelier. « Nous le faisons aujourd’hui parce que (…) si vous prenez le CNOSC, il y a une faîtière d’OSC qui n’ont pas une source d’activités génératrices de revenus. C’est-à-dire, que ces OSC ne font pas de profit, n’ont pas de ressources en tant que tel, si ce n’est ce que les bonnes volontés veulent bien leur apporter dans le cadre de leurs activités. Et donc, quand ceux qui gagnent illicitement l’argent, vous allez vers eux ou ils vont se présenter vers vous pour dire que nous avons de l’argent pour financer vos activités, le plus souvent on est tenté, on est appâté, et on est amené à succomber à cette tentation en prenant cet argent-là. Mais en le prenant on oublie qu’on le blanchit, parce que nous allons le prendre et aller le déposer en banque sous la coupe de la structure qui est formellement reconnue, qui est licitement mise en place, alors que l’argent qui est utilisé par le truchement de la structure n’est pas de l’argent propre qu’on peut injecter dans l’économie », a-t-il argumenté.
Cette pratique, le président du CNOSC la considère comme « un danger » pour non seulement les OSC mais aussi pour la société toute entière.
En lien avec le terrorisme, explique-t-il, « on utilise des écoles dans des zones où il y a un fort défi sécuritaire on y injecte de l’argent pour les faire fonctionner. En réalité quand on injecte l’argent ce n’est pas pour faire fonctionner l’école. Vous faites les états financiers, vous dites qu’on a tout consommé, mais en réalité peut-être qu’on a consommé un dixième, un quart peut-être moins du quart. Et le reste de l’argent, le gars va prendre ça et le blanchir ». Et à Hermann Doanio de poursuivre : « aujourd’hui, on peut dire, pour ce qui est de notre cas, il y a des zones délaissées avec l’absence de l’État et ce sont des ONG, des associations de développement qui sont beaucoup plus présentes pour délivrer les biens et services publics au profit de la population qui n’a même pas les moyens de se les acheter. Du coup, quand des personnes mal intentionnées viennent avec de l’argent pour les soutenir, le plus souvent c’est accepter ».
Par ailleurs, le président du CNOSC a fait le lien avec le dossier du trafic du carburant, qui créait des situations où « les terroristes avaient les moyens de lutte que l’armée même n’a pas toujours ». « C’est aussi cela le financement du terrorisme », commente-t-il, pointant du doigt les stations-services qui étaient impliquées. « Une station-service n’est pas illégale, c’est peut-être l’activité qui est menée qui peut être illégale. Et cette station peut être utilisée donc pour blanchir des capitaux et financer le terrorisme », a-t-il fait remarquer.
La présente activité est accompagnée par Human security Collective, une organisation basée aux Pays-Bas qui appui techniquement et financièrement les OSC sur la thématique de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. « Il y a une hypothèse qui dit qu’il y’a beaucoup de choses qui passent par les OSC de par leurs activités de mobilisation de ressources pour pouvoir les éjecter dans des activités », a admis Dr Theophile Djedjebi, représentant de ladite organisation, qui s’interroge : « mais est-ce-qu’elles (les OSC, ndlr) maîtrisent forcément les sources de ces ressources-là ». « Ce n’est pas évident », répond-il, souscrivant qu’ « il y a des abus de terrorisme qui passent par elles (OSC, ndlr) ». C’est en cela qu’il trouve pertinent l’initiation de l’atelier pour informer et sensibiliser les acteurs de la société civile afin qu’ils sachent le rôle à jouer dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, pour « éviter que l’argent sale ne soit propre et que l’argent propre ne soit sale ».
Franck Michaël KOLA
Minute.bf