De plus en plus, des producteurs et des paysans utilisent des produits chimiques pour empêcher que leurs semis soient attaqués par des insectes ou des oiseaux. C’est fort de ce constat qu’une équipe de Minute.bf est allée à la rencontre d’un maraîcher résidant à Goundi, à 7 kilomètres de la ville de Koudougou.
Il est 6h37mn quand nous arrivons dans son lieu de travail. Pieds nus, vêtu d’une culotte verte surmontée d’un T-shirt blanc, Bapio Bazié arrose son jardin à l’aide d’un bidon vert coupé à moitié. Il ne parcourt pas une grande distance pour chercher l’eau puisqu’il y a un puits au cœur de son jardin. Après quelques minutes de patience, notre interlocuteur se dirige vers nous.

Tout mouillé par l’eau de son arrosoir, Mr. Bazié, la cinquantaine d’années, s’ouvre à nous. « Je cultive des oignons, de la tomate, des concombres, des choux et des aubergines. J’utilise les produits chimiques parce que ça tue les insectes et les chenilles ravageurs. Certains disent que les produits chimiques accélèrent la décomposition des légumes, mais moi, je pense que la pourriture des condiments est due à l’excès d’engrais », a-t-il fait savoir.
Ce jardinier argumente que « pour les oignons par exemple, quand l’engrais est de trop, on ne peut pas les conserver pendant longtemps. Mais si le dosage est bien, les oignons peuvent être conservés même pendant des années ». Ainsi, il soutient que « les pesticides n’y sont pour rien, leur rôle est de tuer les chenilles ravageuses ».

Toutefois, comme difficultés rencontrées, Mr. Bazié a relevé « le manque de professionnalisme des vendeurs ». « Je n’ai pas fait l’école et quand je pars pour acheter les pesticides, le vendeur n’arrive pas, très souvent, à bien m’expliquer comment l’utiliser et surtout le dosage. Du coup, les produits me font perdre souvent des légumes », s’est-il plaint.
Qu’en pensent les vendeuses de légumes ?
Autre lieu, même réalité. Il est 8h04mn au marché Bourkina sis au secteur 8 de la ville de Koudougou. Kadi Zongo, vendeuse de condiments étale ses légumes. Après cela, elle se prête à nos questions. La jeune commerçante, le visage un peu renfrogné, nous fait savoir qu’elle n’arrive plus à conserver ses légumes.

« Je réalise beaucoup de perte et cela est dû aux produits chimiques que les jardiniers mettent dans les condiments », a-t-elle accusé avant, elle aussi, de se plaindre : « [il n’y a pas longtemps], on pouvait acheter la tomate et vendre pendant plus d’une semaine. Mais actuellement, c’est devenu compliqué. Ces tomates que vous voyez, je les ai achetées seulement avant-hier et ça commence déjà à pourrir ».
Comme Kadi, Chantal, une autre commerçante, déplore l’usage de l’engrais chimique qui gâte les condiments, selon elle. Mais elle ne rejette pas la faute sur les jardiniers, car estime-t-elle, « tout est devenu cher ! ». « Si les jardiniers n’utilisent pas les engrais chimiques, ils vont récolter de petites tomates et venir vendre ça très chers. Ça sera du bio, mais on ne pourra pas payer », est convaincue Chantal.
Les produits chimiques, ennemis des consommateurs ?
Les produits chimiques constituent un danger pour la santé humaine, animale et environnementale.
Selon Ludovic Yanda, inspecteur de l’environnement, les produits phytosanitaires regroupent les fongicides, les herbicides et certains insecticides. Ils impactent sur l’environnement surtout quand les modes d’utilisation ne sont pas respectés par les producteurs.

Au-delà de leur toxicité, explique t-il : « les pesticides polluent le sol et l’air après évaporation. Avec l’écoulement, ces pesticides arrivent au niveau des cours d’eau et polluent l’eau ». Il ajoute que pour utiliser les produits chimiques, « il est conseillé d’avoir des équipements de protection tels que des cache-nez, car l’inhalation des pesticides cause de nombreuses maladies. »
Il confie qu’il existe des produits homologués que les producteurs n’utilisent pas malheureusement par ignorance et certains estiment que les prix de ces produits sont élevés.
Avant de clore son propos, Ludovic Yanda exhorte les autorités burkinabè à beaucoup miser sur la sensibilisation des producteurs aux dangers des produits chimiques et aussi leur donner la bonne information sur l’utilisation de ces produits dans les champs, surtout le dosage.
Nouratoulaye Dabré/Napon, est une nutritionniste médicale à la direction régionale de la santé et de l’hygiène publique du Centre-ouest. A l’en croire, l’utilisation non-contrôlée des produits chimiques cause des maladies telles que l’asthme, le cancer et des problèmes de reproduction (avortement spontané, malformation congénitale, infertilité…).

« Le nombre de cas d’intoxication croît au fil des années », dit-elle. C’est pourquoi, conseille-t-elle, « il faut toujours choisir les légumes les moins jolis qui sont un peu perforés ou les mouches peuvent se poser ».
Pour les produits agricoles, la nutritionniste conseille « d’éviter l’utilisation des produits chimiques non homologués et de respecter les règles d’utilisation ». Pour finir, Mme Dabré rappelle qu’il faut toujours désinfecter les fruits et légumes avant toute consommation.
Si l’usage de produits chimiques nuit à la santé humaine, ses adeptes reconnaissent son importance dans le maraîchage et dans l’agriculture. C’est pourquoi les techniciens du domaine conseillent d’utiliser les produits homologués pour minimiser les dangers.
En rappel, le 1er septembre 2019, une intoxication alimentaire avait coûté la vie à une dizaine de personnes à Dydir dans la province du sanguié.
Sakina ROUAMBA (Correspondante)
Minute.bf