Auteur : Blahima KONATE, Centre national de la recherche scientifique et technologique/Institut de recherche en science de la santé (CNRST/IRSS), koblahima70@gmail.com
Introduction
En Afrique subsaharienne, le monde de la recherche et de l’action évolue de façon cloisonnée. Ceci est dû au fait que les acteurs trouvent que les résultats de recherche sont inaccessibles, illisibles et difficilement exploitables alors que les chercheurs reprochent aux acteurs de ne pas percevoir l’utilité de leur recherche. Malgré ces incompréhensions, le besoin de collaboration entre chercheurs et acteurs est de plus en plus reconnu de part et d’autre (Lavigne Delville, 2008). C’est dans ce sens que plusieurs initiatives tant au niveau national, sous régional qu’international ont été menées en vue d’améliorer le dialogue entre chercheurs et acteurs. Cette expérience de ce projet interuniversitaire s’inscrit dans cette dynamique. Elle fait l’objet de cet article de vulgarisation tiré de l’article : « améliorer le dialogue entre chercheurs, acteurs par la recherche action participative : l’expérience du projet interuniversitaire cible sur les personnes âgées à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) », de la revue scientifique de Philosophie, Littérature et sciences humaines « Echanges », volume 2, Numéro 21 de Décembre 2023.
1. Méthodologie
Cette expérience a commencé à travers le Projet interuniversitaire ciblé personnes âgées ciblé sur les personnes âgées au Burkina Faso (PIC-PABF) par la mise en place d’un réseau multidisciplinaire de chercheurs burkinabè incluant un secrétariat fonctionnel, un comité de pilotage qui se réunissait de façon régulière tout au long du projet.
Ensuite ces chercheurs ont effectué un stage en Belgique pour apprendre un certain nombre d’approches systémiques à savoir la méthode d’analyse en groupe, la simulation sociale, la modélisation et la cartographie des agents. Ils ont appliqué ces méthodes en contexte burkinabè à travers plusieurs études complémentaires dans le cadre de la réalisation de thèses de doctorat et de mémoire de master. Un résultat clé de ces recherches menées dans la ville de Bobo-Dioulasso est la faible collaboration observée entre les services en charge de la santé, de l’action sociale et les organisations communautairesde soutien aux personnes âgées.
Prenant en compte ce résultat, les chercheurs ont formé à leur tour les décideurs et les acteurs à la MAG tant sur le plan théorique que pratique. C’est ainsi qu’après la présentation des différentes phases et étapes de la MAG (Van Campenhoudt et al, 2005), les acteurs et les décideurs ont analysé en groupe « la problématique de la prise en charge médico-sociale des personnes âgées » avec l’appui des chercheurs qui ont assuré la modération et l’animation. Puis, les acteurs et décideurs formés ont mis en œuvre trois sessions de MAG pour analyser les difficultés de collaboration entre les services en charge de l’action sociale, de la santé et des associations de soutien aux personnes âgées. L’animation et le rapportage ont été assurés par les directeurs régionaux et provinciaux en charge de l’action sociale et de la santé et les chercheurs ont assisté en tant qu’observateurs pour vérifier le bon déroulement de la méthode. Les résultats de ces sessions MAG se présentent ainsi qu’il suit.
2. Résultats
2.1. Les analyses en groupes
Trente-cinq récits ont été proposés et cinq d’entre eux ont été choisis et analysés par les participants. Ceux-ci ont porté sur des personnes âgées souffrant de problèmes médico-sociaux que sont la faiblesse sexuelle dans le couple, les coups et blessures pour accusation de sorcellerie et surtout les maladies non transmissibles à savoir le diabète et maladie cardio-vasculaire.
La prise en charge de ces problèmes par les services de santé et de l’action sociale a révélé selon les participants plusieurs dysfonctionnements des différents services de prise en charge. Ce sont le mauvais accueil des usagers, l’insuffisance de communication entre les prescripteurs, les prescriptions médicales inadaptées, les difficultés de diagnostic précoce des maladies dans les services de santé. En ce qui concerne les services en charge de l’action sociale, il s’agit essentiellementle manque de ressources financières et matérielles qui ne permet pas de prendre en charge les personnes âgéesdémunies, l’insuffisance de compétence des intervenants sociales qui ne leur permet pas bien de se décentrer et de mieux écouter les personnes âgées. Les participants ont surtout souligné la faible collaboration entre ces deux structures.
A la lumière de ces résultats, comme le souligne la méthode, les participants ont formulé des recommandations visant à améliorer le fonctionnement des services de santé et de l’action sociale ainsi que leur collaboration.
A la suite de ces recommandations qui ont mis fin aux analyses en groupe, un atelier de restitution et de planification, élargie à d’autres acteurs stratégiques, préalablement cités lors des MAG a été organisé.
2.2. Restitution des résultats et élaboration d’un plan opérationnel participatif
A la suite des analyses en groupe, un atelier de restitution des résultats et d’élaboration d’un plan opérationnel a été organisé.Il a regroupé les représentants des structures intervenants auprès des personnes à savoir les associations, les mutuelles de santé, les caisses de sécurité sociales, les services de santé et de l’action sociale, les centres de recherche, les collectivités territoriales. Prenant en compte les recommandations des analyses en groupe (mais pas exclusivement), les participants ont identifié les activités d’information, de communication pour le changement de comportement, les plaidoyers auprès des autorités, le renforcement des capacités et le soutien aux personnes âgées, Pour une meilleure coordination et un suivi régulier de ces activités, un comité de coordination appelé le Réseau de protection et de promotion des personnes âgées (R3PA) a été mis en place. Il regroupe les représentants des services techniques, des associations de soutien aux personnes âgées, des caisses de sécurité sociale, des collectivités décentralisées, des centres de recherche. Il est dirigé par un bureau. La plupart des activités identifiées ont été mises en œuvre ou continuent d’être mises en œuvre selon les moyens du moment.
En marge des activités planifiées, les membres du réseaucoorganisent régulièrement avec d’autres structures ou institutions de la ville à leurs propres frais depuis 2016 la journée internationale des personnes âgées (JIPA). Lors de ces journées, plusieurs activités sont programmées et mises en oeuvre. Par exemple cette année 2025, le R3PA était à la 10èmeédition et les activités suivantes ont été menées :
• La journée de salubrité à la direction régionale en charge de l’action humanitaire
• Les consultations médicales et paramédicales gratuites despersonnes âgées dans les Centres de santé et de promotion sociale, les Centre Médicaux avec antenne chirurgicale et le Centre hospitalier universitaire SanouSouro
• La journée récréative marquée par les jeux de sociétés, le sport et un repas communautaire
• Une conférence sur la nutrition chez les personnes âgées suivi de don à Faso Mêbo d’une valeur d’environ 400 000FCFA
• La marche santé du stade Sangoulé Lamizana au conseil régional du Guiriko
• Un repas communautaire
• La visite aux deux personnes (un homme et une femme) les plus âgées de la ville de Bobo-Dioulasso
Conclusion
Comme on peut constater, cette expérience d’établir le dialogue entre chercheurs, acteurs et décideurs. Ils ont mené ensemble des activités de recherche-action participative à travers la MAG, identifié et mis en œuvre plusieurs activités aux profils des personnes âgées. Ce processus, très participatif fut une expérience très enrichissante au regard de la mobilisation des acteurs autour des questions portant sur les personnes âgées dans la ville de Bobo-Dioulasso. Il a permis de renforcer d’une part les capacités des acteurs en recherche-action et d’autre d’améliorer la collaboration, le dialogue entreprofessionnels de la santé et de l’action sociale.
Bibliographie
KONATE Blahima, 2023, : « améliorer le dialogue entre chercheurs, acteurs par la recherche action participative : l’expérience du projet interuniversitaire cible sur les personnes âgées à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) », Echanges, 2, 21, p. 386-400
LAVIGNE DELVILLE, Philippe, 2007, « À la recherche du chaînon manquant. Construire des articulations entre recherche en sciences sociales et pratique du développement », in Th. BIERSCHENK Thomas et al, (sous la direction), Une anthropologie entre rigueur et engagement. Essais autour de l’œuvre de Jean-Pierre Olivier de Sardan, Paris, APAD/Karthala, p.127-150.
VAN CAMPENHOUDT Luc, CHAUMONT Jean Michel etFRANSSEN Abraham, 2005, La méthode d’analyse en groupe. Applications aux phénomènes sociaux, Paris, Dunod





