A la faveur d’un Colloque international initié par le département d’Histoire et archéologie de l’Université Joseph Ki-Zerbo sous le thème général : « Le Burkina Faso en Afrique et dans le monde », l’expert en sécurité, Auguste Denise Barry a développé une communication ce 23 Novembre 2022, sur le thème : « Dynamiques et constances de l’histoire militaire du Burkina Faso : des armées des royaumes et chefferies précoloniaux à l’armée nationale».
Dans sa communication, le conférencier a tout d’abord relevé la pertinence du thème de la conférence. Pour lui, la compréhension de l’histoire de l’outil militaire du Burkina Faso pourrait aider à comprendre non seulement l’organisation actuelle de son armée, mais aussi les phénomènes observés en son sein de nos jours.
Et pour ce faire, il a axé son analyse sur trois périodes à savoir la période précoloniale, celle coloniale et la période post-coloniale.
Une armée calquée sur le modèle de l’armée coloniale…
Selon lui, pour comprendre l’organisation actuelle de l’armée burkinabè, il faut se référer à la forme de l’entité politique qui existait à l’époque précoloniale et coloniale. Cela permettra, dit-il, de comprendre le rôle dévolu à l’armée dans le temps présent. Des explications d’Auguste Denise Barry, les armées africaines en général et celles burkinabè en particulier, sont issues d’un modèle calqué sur l’armée de la puissance impérialiste. « Tout a été importé. Même la tradition militaire a été importée, les statuts et bien d’autres et même jusqu’à la façon dont on enterre nos morts (..) C’est vrai qu’il y a certains rites militaires qui ont été maintenus à la formation par les formateurs mais l’ensemble a été importé. Je me rappelle que lorsque je commandais l’académie militaire à Pô, certaines traditions militaires ont été revues pour intégrer des traditions Lobi. La zone où les élèves militaires devaient rester pendant des mois avant d’intégrer la ‘civilisation’, cette zone-là s’appelait le Puur en Lobiri », a-t-il confié.

En termes de constances observées d’une époque à l’autre, celui qui a été ministre de la sécurité pendant la transition de 2015 au Burkina Faso relève le fait que depuis l’époque précoloniale, les armées africaines n’ont pas été préparées pour faire face aux différentes menaces dans le présent. « On a pu constater l’impréparation des outils de défense, qu’il s’agisse de la période précoloniale, coloniale ou post-coloniale, mais surtout coloniale et post-coloniale parce que sur la période précoloniale, les outils de défense étaient assez matures », a-t-il affirmé.
Des faiblesses…
En terme de faiblesses dans la lutte contre le terrorisme actuel, Auguste Denise Barry a relevé une différence dans le comportement des acteurs face à la menace, entre l’époque précoloniale, coloniale et celle post-coloniale. « La réaction face à la menace n’est pas la même lorsqu’on considère la maturation de la volonté au niveau des empires précoloniaux et des empires coloniaux. Cela peut se justifier par le fait que les armées d’aujourd’hui sont des armées de métier. Ce qui n’est pas le cas pour l’armée précoloniale qui était une armée avec un noyau autour d’un ministre de la guerre et en cas de besoin, vous devez vous mobiliser en masse », a-t-il souligné. Le conférencier a toutefois relevé à ce niveau des similitudes avec le mode de recrutement des Volontaires pour le Défense de la Patrie (VDP) qui s’effectue aujourd’hui.

Le conférencier a aussi déploré la disparition de la dimension mythique que l’on retrouvait dans l’armée d’hier. « Cela existait hier, on préparait les éléments sur la dimension mythique et mystique. On préparait collectivement les militaires sur le plan mystique lorsqu’une troupe devrait être mobilisée sur le terrain. Mais aujourd’hui, on ne verra pas ça. On parle plutôt de mise en condition opérationnelle, c’est à dire vérifier si la logistique militaire est adaptée à la menace ou si la ressource humaine est dans les conditions pour mener l’opération, sinon au niveau collectif je ne vois pas un chef miliaire qui va réunir des militaires pour dire qu’on va faire ceci ou cela», a-t-il avancé.
A en croire Auguste Denise Barry, l’une des forces des armées précoloniales réside dans le principe de loyauté qui était prépondérant à l’époque. « Joseph Ki-Zerbo le relève si admirablement lorsqu’il souligne que dans le respect des valeurs hier, l’honneur était important et quelqu’un qui allait en guerre et qui échouait, n’avait pas d’autre choix que de se faire enterrer lui-même », a-t-il rappelé tout en relevant la nécessité d’une réadaptation des armées d’aujourd’hui en fonction des réalités en présence.
Oumarou KONATE
Minute.bf