A la veille de la première Conférence internationale sur les enjeux du Froid en Afrique, le film documentaire « Damaged goods » avec Madi Sakandé, a été présenté, ce mardi 11 novembre 2025, aux cinéphiles notamment les acteurs du froid du Burkina et du reste de l’Afrique. Le documentaire interpelle les Africains notamment les décideurs politiques sur les pertes post-production, suggérant le froid comme solution.
Le froid, selon le président de l’Union des Associations africaines des Acteurs de la Réfrigération et de la Climatisation, Madi Sakandé « est le moteur du développement » de l’Afrique. Pour faire comprendre cela, M. Sakandé avec un réalisateur nigérian à, pendant 30 mois, tourné dans 7 pays africains pour produire le documentaire « Damaged goods » qui traite des pertes post récolte. Dans le film où il a plus utiliser l’exemple de la production de tomate, il a mis en lumière comment des producteurs travaillent sur plusieurs hectares sans pouvoir rentabiliser ou transformer leur situation sociale parce qu’ils enregistrent des pertes, faute de moyens de conservation de leurs produits.

Révolté par ce état des faits et animé de « l’amour de la patrie et de l’Afrique », M. Sakandé a choisi à travers la monstration de ces images, d’inviter à une prise de conscience et à un changement de paradigme. « Je me rends compte à travers mes activités au sein des Nations unies en tournant un peu en Afrique que le récit est le même : nous perdons beaucoup de nos productions agro-sylvopastorales, nous avons des difficultés à donner de l’emploi à notre jeunesse, nous avons des difficultés à avoir de la nourriture produite ici de façon pérenne, parce qu’on produit, on jette et après on importe à manger », a-t-il déploré. À travers le film, M. Sakandé dit vouloir faire comprendre que le secteur du froid n’est pas un luxe, pour riche, mais plutôt une solution pour le développement socio-économique durable de l’Afrique.
« Nous souhaitons qu’à travers ces images-là, et ce qui sera dit demain à la conférence, que tous les décideurs africains puissent comprendre et nous souhaitons, ici, à partir du Burkina Faso, où nous sommes dans un nouvel élan de développement, que nous puissions intégrer le froid dans nos politiques de développement. C’est le secret du développement », a ajouté M. Sakandé.

Concrètement, il a fait remarquer que « le secteur du froid permet de préserver les productions à long terme ». Pour étayer son propos, il a souligné la difficulté d’avoir la tomate sur le marché alors qu’il y a quelque temps en arrière « on en a jeté des tonnes et des tonnes ». Pourtant, Madi Sakandé a indiqué que l’on pouvait pérenniser la disponibilité de la tomate avec le froid. Même chose pour la conservation de la viande ou du poisson pour que ces produits restent sains et gardent leur qualité.
Aussi, dans une dynamique d’industrialisation, M. Sakandé a avancé que le froid est indispensable pour non seulement stocker la matière première pendant la récolte, mais aussi après la transformation pour notamment la conservation. « Imaginez que vous avez une usine pour produire la tomate et vous n’avez pas une chambre froide pour stocker. Vous allez travailler deux ou trois mois et il n’y aura plus la tomate parce qu’elle va se gâter et il n’y en aura plus parce qu’on n’en produit pas tous les jours », a expliqué M. Sakandé non sans insister également sur l’importance du froid dans la conservation des produits pour éviter les problèmes de santé liés à l’intoxication.

Ainsi, convaincu que le froid n’est pas pris en compte par méconnaissance, M. Sakandé espère que le documentaire « Damaged goods » va susciter une prise de conscience au sein des populations et attirer l’attention des décideurs. « On ne peut pas en vouloir à quelqu’un qui ne prend pas une décision sur quelque chose s’il n’a même pas le minimum de connaissances sur cette chose-là. Et nous, qui sommes acteurs de ce secteur, nous nous sentons dans le devoir d’expliquer et de faire comprendre autant que possible, de parler un langage le plus simple, le plus humain, pour que les gens puissent comprendre », a-t-il laissé entendre, assurant que demain, à la conférence, il y a des spécialistes qui vont expliquer ça avec des termes les plus simples possibles, pour qu’on comprenne vraiment les enjeux liés au développement socio-économique.
« Sans le froid, on ne peut pas parler de développement, parce que vous ne pouvez pas parler d’autosuffisance alimentaire. Pourtant, le développement, ça commence d’abord par l’autosuffisance alimentaire », a souligné Madi Sakandé. Pour lui, les envies et projets qui viennent après l’autosuffisance alimentaire (les immeubles, les grosses routes, les voitures, etc.) sont des « conséquences du développement ». « Si la locomotive qui porte à la liberté des peuples doit passer sur des rails, un des rails, c’est l’agriculture et l’autre, c’est le froid. Sinon, la locomotive, vous la mettez sur les rails là-bas, votre essence va finir, elle n’ira pas loin parce qu’il manque un autre rail : les deux rails qui font bouger le train, c’est l’agriculture et le froid. On ne peut pas développer l’un et laisser l’autre. Si l’autre est laissé, vous n’irez nulle part », a caricaturé le spécialiste du froid, invitant les politiques à prendre les décisions qui s’imposent pour que le froid joue pleinement son rôle dans développement socio-économique de l’Afrique.

Le Secrétaire général de l’U-3ARC, le Congolais Adlain Eyamwen Nike Akan, a félicité M. Sakandé pour le documentaire qui met le doigt sur les pertes post-production en Afrique. « On a suivi l’exemple de la tomate. On a vu comment des gens mettent beaucoup de ressources pour produire la tomate, mais à la fin, il y a beaucoup de pertes, soit plus de 60% de pertes », a-t-il retenu du film, lui aussi insistant sur la nécessité d’œuvrer à conserver les produits pour éviter que des fermiers qui travaillent sur plusieurs hectares et qui mettent beaucoup de ressources dans leurs champs ne gagnent pas sur ce qu’ils produisent. Pour cela, lui aussi à interpeller les autorités politiques à prendre des mesures incitatives afin que l’on puisse produire sainement et assurer une chaîne de froid équitable.
En attendant M. Sakandé invite les populations le mercredi 12 octobre prochain à la salle de conférence de Ouagadougou où des spécialistes du froids venus d’au moins 26 pays d’Afrique partageront leurs connaissances et expériences sur la question avec à la clé des recommandations pour une pleine participation du secteur au développement socio-économique de l’Afrique. « On aura des recommandations, après la conférence pour que les décideurs politiques puissent les prendre et les appliquer, parce que nous ne sommes que des techniciens. Nous ne pouvons pas décider. Pour que le froid soit intégré, qu’on ait des écoles de formation, des taxations, qu’il y ait même des industries pour produire les appareils de froid, il faut une volonté politique », a conclu M. Sakandé
Franck Michaël KOLA
Minute.bf


