Adama Kanazoé est le président de l’Alliance des Jeunes pour l’Indépendance et la République (AJIR), un parti qui a participé aux élections de 2015. Après ces élections, le parti s’est allié à la mouvance présidentielle pour la gestion du pouvoir d’Etat. Aujourd’hui, ce jeune candidat aux élections de 2015 est le conseiller spécial du président du Faso, chargé du secteur privé. Dans cette interview accordée à votre journal Minute.bf, il se prononce sur l’actualité au sein de son parti, et sur plusieurs sujets d’actualité au Burkina Faso.
Minute.bf: Comment se porte aujourd’hui votre parti, l’Alliance des Jeunes pour l’Indépendance et la République (AJIR) ?
Adama Kanazoé: Plus que jamais, l’AJIR est dans une perspective de continuer sa croissance. Récemment, l’actualité la plus chaude du parti c’est cet acte noble que l’ensemble des camarades du parti avec moi à la tête, avons réalisé à Zitenga où nous avons offert une ambulance médicalisée à la commune qui souffrait de ce manque d’ambulance depuis près d’une décennie, chose qui avait beaucoup de conséquences notamment des cas de décès de femmes suite aux problèmes liés à l’accouchement. Le parti a été très sensible, il a fait un travail fondamental en mettant à la disposition de la commune cette ambulance. L’AJIR a récemment commencé une tournée pour l’installation de ses structures, leur réanimation en vue des échéances futures. Ces structures au niveau du Kénédougou, du Tuy, de l’Oubritenga, constituent un exercice qui va être perpétué, qui va se dérouler semaine après semaine, jour après jour, pour que le parti soit dans les dispositions pour affronter de façon optimale les prochaines échéances électorales.
Minute.bf: A six mois des échéances électorales, quelle est la situation de l’implantation de votre parti dans les 45 provinces du Burkina ?
Adama Kanazoé: En 2015, le parti avait une implantation assez importante. Nous avons tiré beaucoup d’enseignements de cette méthode que nous avions utilisée en son temps, qui était loin d’être optimale dans la mesure où nous avions malheureusement des camarades à la tête de ces différentes structures qui n’étaient pas forcément des personnes qui avaient des ambitions politiques, naturellement, qui étaient mus par d’autres desseins. Tirant les enseignements de tout cela, nous avions en 2018, lors du deuxième congrès ordinaire du parti, décidé de la suppression de toutes ces structures et donc de leur reconstitution à travers ce que nous avons appelé le socle du parti et au niveau de chaque province désormais, nous aurons un coordonnateur provincial.
Désormais le parti ne se déplace dans une province qu’une fois qu’il a à sa tête, un fils de la province qui a des motivations politiques et qui a des capacités de faire en sorte que le parti soit implanté de façon durable et de façon efficace dans sa province. Ainsi donc, la province du Kadiogo a pu voir porter à sa tête, un coordonnateur provincial ; la province de l’Oubritenga également, et cela a été le cas récemment du Kénédougou, du Tuy, et d’autres provinces sont en train de s’annoncer. Notre implantation va se faire de façon progressive et nous attendons un positionnement optimal avant ces élections présidentielle et législatives.
Minute.bf: Votre parti, à un certain moment, a connu des secousses qui ont favorisé le départ de certains de vos militants qui estimaient que vous n’étiez plus proche des jeunes comme c’était, selon eux, le cas en 2015. Quelle est aujourd’hui ?
Adama Kanazoé: Aujourd’hui je vous poserai la question de savoir, quel acteur politique burkinabè, quel homme politique burkinabè est proche de la jeunesse ? Faites un sondage et les jeunes vous diront. Qui a été l’acteur politique qui s’est dressé contre la Covid-19 au côté de la jeunesse ? Qui est aujourd’hui celui qui, au Burkina Faso, lance des formations pour 5000 jeunes à e-commerce ? Qui aujourd’hui au Burkina Faso se préoccupe des questions de formation des femmes et des jeunes ? Je pense que le débat aujourd’hui ne se pose plus. Nous sommes passés du stade des paroles aux actes aujourd’hui. Ceux qui spéculent peuvent spéculer. Personne n’a quitté le parti parce que je ne suis pas proche des jeunes. Je ne vais pas être médisant sur les camarades du parti. Ils sont partis, c’est fini.
Ceux qui sont partis de l’AJIR, il n’y en a que deux, il faut relativiser. Des secousses, tous les partis en connaissent. Des gens adhèrent de façon libre et partent de façon libre. Ceux qui sont partis l’ont fait parce qu’ils estimaient qu’ils n’ont pas été bien récompensés au sortir des élections de 2015. Sauf que le parti lui-même n’a pas engrangé grand-chose après ces élections. Donc il était difficile pour le parti de distribuer ce qu’il n’avait pas.
Des gens sont partis parce qu’on n’avait pas atteint leurs objectifs, alors que nous, au niveau de notre parti, nous nous sommes inscrits dans la durée. Nous avons l’intention de construire un parti, de construire quelque chose qui à terme, devrait pouvoir constituer une force de proposition alternative pour permettre à notre pays d’avancer. Donc je dirai que ce n’est pas parce que le parti n’était pas proche des jeunes les gens sont partis. La preuve aujourd’hui est que les jeunes sont unanimes, ils savent qu’ils peuvent compter sur Adama Kanazoé au quotidien. Il l’a prouvé sur la Covid-19, il le prouve sur les formations qui ont cours tous les jours, et dans les semaines à venir, vous verrez encore ce que nous avons réservé pour la jeunesse burkinabè.
Minute.bf: La question de la tenue ou non des élections de novembre 2020 dans ce contexte de double crise sanitaire et sécuritaire que connait le Burkina Faso, alimente les débats actuellement. Vous, en tant que président de l’AJIR, quel est votre avis sur la question ?
Adama Kanazoé: Je pense qu’il est déjà très important, suite à votre question, d’avoir une pensée pieuse pour tous ces fils et filles du Burkina Faso qui, chaque jour, tombent du fait de ces deux crises là, notamment de cette crise sécuritaire qui n’a que trop duré. Toutefois, nous pensons que le Burkina Faso connaîtrait plus d’instabilité si nous n’avons pas un régime légitime à l’issu du mandat du chef de l’Etat, que ce que nous connaissons aujourd’hui. Il y a plus de risque pour nous de tomber dans une instabilité dévastatrice s’il n’y a pas d’élections que si nous en faisons.
Des pays avant nous qui ont connu ces genres de situations ont pu organiser les élections. Ces élections peuvent être considérées comme non optimales mais c’est un cas de force majeur. Il est important pour le pays, pour continuer à se préparer à faire front face à cette machine terroriste qui est autour de nous, d’avoir déjà une légitimité. Seul un régime légitime peut rassembler les Burkinabè pour un combat efficace contre cette situation. C’est la raison pour laquelle nous estimons que les élections doivent avoir lieu. Sur cette question, il faut reconnaître que le cadre de concertation du Chef de file de l’opposition politique et la majorité présidentielle se sont accordés pour aller vers les élections. Mais récemment j’ai vu des acteurs politiques au niveau de l’Opposition non alignée (ONA) qui demandent que les élections n’aient pas lieu.
Je pense que sur cette question il faut beaucoup faire attention. Nous sommes même surpris que certains acteurs politiques dont la vocation première est la conquête du pouvoir d’Etat, soient les premiers à souhaiter que cette compétition n’ait pas lieu. Quels sont leurs objectifs ? A quel dessein souhaitent-ils faire barrage aux élections présidentielle et législative ? Leur objectif est-il d’installer le régime actuel dans une situation d’illégitimité et de pouvoir récolter des bénéfices quelconques au plan politique? C’est une question qu’il faut se poser légitimement. Mais, qu’à cela ne tienne, nous sommes sur une seule ligne ; c’est celle d’organiser les élections en 2020 pour faire en sorte que nous ayons un régime légitime qui puisse continuer le combat pour la sécurité et le développement du Burkina Faso.

Minute.bf: Vous avez dit que certains pays ont organisé les élections dans un contexte un peu difficile. Si nous prenons par exemple le cas du Mali voisin qui l’a fait dans un contexte sécuritaire très difficile lié aux attaques terroristes, aujourd’hui, nous constatons que le régime légitime issu de ces élections est contesté par une bonne partie de la population qui a marché le vendredi dernier pour réclamer le départ d’Ibrahim Boubacar Kéita. Est-ce que vous ne craignez pas que le Burkina Faso se retrouve après dans la même situation si nous allons, malgré toutes ces difficultés que nous constatons, aux élections ?
Adama Kanazoé: Je ne vais pas commenter l’actualité politique d’un pays frère, mais je ne pense pas que les remous qu’il y a actuellement soient liés au fait que les élections se soient passées dans un contexte comme celui que le Mali connait. Je pense que ce sont d’autres types de revendications ; les uns et les autres estiment que les choses ne fonctionnent pas comme il le faut mais j’invite le peuple malien à faire preuve à maturité démocratique et d’accepter qu’aujourd’hui, la démocratie est le seul moyen pour pouvoir accéder au pouvoir, et d’arriver à trouver un consensus, un terrain d’entente dans le dialogue pour continuer à construire le développement du Mali. Aujourd’hui, l’ennemi commun au peuple malien est le même ennemi que nous avons au Burkina Faso. Ce sont les terroristes, ce sont les affres de la vie d’une manière générale, ce sont les difficultés de développement, ce sont ces problèmes de pauvreté. Voilà les ennemis communs vis-à-vis desquels nous devons nous battre et non rentrer dans une guerre fratricide qui ne peut que nous affaiblir davantage face à l’objectif qui est en face de nous.
Minute.bf: En 2015, vous avez été candidat à l’élection présidentielle où vous avez « échoué ». A cette période, vous étiez à l’opposition. Aujourd’hui, vous êtes à la majorité présidentielle. Qu’est ce qui a pu bien se passer entre temps ?
Adama Kanazoé: Je suis allé à l’élection présidentielle de 2015 pour être chef d’Etat. Donc, si j’avais remporté ces élections, je serai de la majorité. Il n’y a rien d’extraordinaire pour un parti politique de passer de l’opposition à la majorité. En 2020 si l’UPC (Union pour le progrès et le changement) remporte les élections, elle passera de l’opposition à la majorité. Le CDP (ex parti au pouvoir) était à la majorité et aujourd’hui est à l’opposition. Je ne comprends pas le sens de cette question.
Minute.bf: Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce revirement-là, le fait de quitter l’opposition pour la majorité alors que le CFOP, votre ancien allié, y est toujours ?
Vidéo-La réponse à la question ci-dessus
Minute.bf: Beaucoup de personnes se demandent, en tant que conseiller du président, quel est concrètement votre rôle à Kossyam?
Adama Kanazoé: Notre rôle, c’est d’être au côté du chef de l’Etat, de faire en sorte que tous les dossiers qui lui parviennent, puissent bénéficier de nos amendements, de nos écoutes. De façon concrète, tous les lundis par exemple, les conseillers du chef de l’Etat planchent sur les dossiers qui seront soumis au conseil des ministres du mercredi suivant. Si un dossier par exemple, n’est pas assez bien fourni, les conseillers du chef de l’Etat lui suggèrent de faire reporter ce dossier et de demander de plus amples informations au ministre concerné.
Quand le chef d’État reçoit un dossier qui concerne un domaine comme le secteur privé, que ce dossier vienne d’un ministre ou d’un citoyen lambda, il le confie à son conseiller chargé du secteur privé que je suis pour que je puisse le regarder et lui donner des recommandations ou la ligne directrice, mon avis, qu’il peut capitaliser, qu’il peut utiliser ou pas. Notre rôle, c’est d’être au côté du président pour traiter de tous les dossiers qu’il peut nous confier et derrière, lui faire des suggestions, bien entendu et à lui seul revient le dernier mot.
Minute.bf: Récemment vous avez critiqué publiquement la gestion de la pandémie de la covid-19. En tant que conseiller, est-ce qu’il n’était pas mieux d’en parler au chef de l’Etat à l’interne avant de vous exprimer publiquement ?
Adama Kanazoé: Sur cette question, si les gens ont bien lu mon texte, il ne visait pas à critiquer le gouvernement. Au contraire, le texte visait à attirer l’attention des acteurs sur le terrain, sur le fait qu’il est très important que le sacrifice consenti par le chef de l’Etat à coût de centaines de milliards ne soit pas vain. Pour moi, je me suis comporté simplement comme un lieutenant qui a crié haut et fort les instructions du général à la troupe. C’était aussi simple que cela. Rappeler à la troupe les instructions du général pour moi, ce n’est pas trahir le général. C’est plutôt, renforcer ses instructions et faire en sorte que les acteurs sur le terrain n’oublient pas dans quel sens le général souhaite qu’ils aillent. Après, cela a été interprété de diverses manières parce qu’on est dans un contexte aujourd’hui où les gens aiment beaucoup le buzz. Cela a fait le buzz mais moi je suis heureux parce que j’ai constaté que beaucoup d’actions ont été posées pour améliorer les choses.
Il y a des débats que je considère comme stériles qui ont été définitivement rangés au placard à travers les actions concrètes qui ont été posées sur le terrain. Le plus important pour moi était d’arriver à une prise en charge correcte des malades parce qu’au moment où je parlais, personne parmi nous n’était à l’abri d’un tour à l’hôpital de Tengandogo. C’était une façon pour moi de soutenir l’action du gouvernement et de rappeler aux acteurs sur le terrain que le gouvernement a des objectifs et qu’ils doivent travailler dans ce sens.
Minute.bf: De façon globale, quelle appréciation faites-vous aujourd’hui de la gestion du pouvoir?
Adama Kanazoé: Comme je l’ai dit tantôt, le pouvoir lui-même est conscient qu’il a engrangé des résultats mais qu’il a également, malheureusement sur certains aspects, failli. Personne ne s’en cache.
Il faut dire qu’il y a eu également un contexte qui a été assez difficile. On est tous d’accord que lorsqu’un chef d’État arrive et tout de suite, il doit régler une question importante que celle sécuritaire, il a fallu que le Burkina Faso fasse plusieurs révisions budgétaires pour détacher des fonds de certaines priorités pour les envoyer au niveau de l’armée. Cela crée forcément des déséquilibres. Il y a des ambitions qu’on avait au début et qu’on était malheureusement obligés de surseoir le temps de pouvoir régler l’essentiel qui était la question sécuritaire. C’est une question qui n’avait pas été vraiment mis au cœur de l’action mais, qui est venue s’imposer au gouvernement. La crise sanitaire qui est arrivée également n’est pas faite pour arranger les choses.
Donc, le président Roch Marc Christian Kaboré n’a pas bénéficié d’une gouvernance très facile parce qu’il y a des facteurs exogènes qui sont venus. Mais, ces facteurs ne doivent pas non plus tout expliquer parce qu’il y a des situations également sur lesquels, facteurs exogènes ou pas, il faut que nous pussions trouver des solutions définitives. Des questions sur la corruption, les détournements de fonds et autres, ce sont des choses qui ne sont pas propres au régime actuel. Ce sont des tares que nous avons accumulées pendant longtemps et il y a des personnes qui continuent de vouloir maintenir ces situations-là. Mais sur cette question, le peuple a été très clair dès 2014 en virant le président Blaise Compaoré. Il faut que nous soyons plus fermes sur ces cas-là et que définitivement, nous découragions tout Burkinabè de la même façon dont nous avons découragé toute personne d’avoir des velléités de rester au pouvoir pendant plus de 10 ans. Il faut que nous arrivions à des sanctions d’une extrême sévérité pour décourager tout Burkinabè qui veut faire des détournements de fonds, qui veut faire de la mal gouvernance.
La bonne gouvernance, c’est la solution pour la paix sociale. Donc, nous allons aller vers cette bonne gouvernance avec le président Roch Marc Christian Kaboré. Et je l’ai toujours dit, s’il m’arrive un jour de douter des valeurs intrinsèques du président Kaboré, je démissionnerai de mon poste. Si je suis au côté du président Kaboré, c’est parce que je connais l’homme, je connais ses valeurs. Je sais que c’est quelqu’un qui est intrinsèquement et intimement digne. C’est quelqu’un qui est intrinsèquement honnête. Après, il n’est pas dans l’opérationnel à tous les niveaux, il ne gère pas chaque centime du Burkina. Il est obligé de faire confiance à des personnes. Il ne peut pas connaitre tout le monde à 1 000%. Il fait ce qu’il peut. Il a été très clair avec nous tous dès le départ : « celui qui s’adonne à des malversations va devoir s’assumer ». C’est sa posture depuis le premier jour et c’est tout cela qui a fait que j’ai cru en l’homme et j’ai dit que ce monsieur-là, peut aider le Burkina Faso à avancer. Je me suis mis à son service pour aider à faire avancer le Burkina Faso. Si j’avais un doute quelconque sur les vertus de ce monsieur, je ne serai pas à ses côtés aujourd’hui. Je pense que c’est quelqu’un qui est bien, qui, malheureusement est tombé dans un contexte très difficile mais à qui, il serait bien de donner une seconde chance.
Malgré le contexte difficile, regardez ce qu’il a réalisé sur le plan des infrastructures. Moi, je dis, c’est le président des routes et tout le monde sait que le développement passe par la route. Aujourd’hui, le chef de l’État impressionne par sa capacité à changer le visage de notre pays à travers toutes ses voies. Ce sont autant d’infrastructures qui permettront dans la seconde phase de son mandat notamment, de travailler sur d’autres aspects comme le secteur primaire qui pourra être développé à travers l’agriculture et autres, qui bénéficieraient désormais de ces routes pour l’écoulement des produits. Je pense que c’est quelqu’un qui a de la stratégie mais qui a dû surseoir à certains de ses objectifs parce qu’il a dû faire face à une situation un peu rude.
Minute.bf: Quel regard portez-vous sur l’incarcération à la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou (MACO) de l’ex-ministre de la défense Jean-Claude Bouda?
Adama Kanazoé: C’est un grand-frère. Il a lui-même dit qu’il se soumet à la justice, laissons la justice faire son travail et à la fin on sera tous avisé.
Minute.bf: Les élections, c’est dans six mois, est-ce que votre parti ira à la conquête de la magistrature suprême ou va-t-il s’allier au MPP pour soutenir Roch Marc Christian Kaboré ?
Adama Kanazoé: Nous avons une rencontre du Bureau politique national ce samedi qui va prendre des résolutions sur les questions électorales, notamment, la stratégie électorale de façon globale. Cette rencontre va éclairer l’opinion sur les positionnements stratégiques que notre parti compte envisager pour les prochaines échéances.
Minute.bf: Est-ce que vous avez un message particulier à l’endroit de la jeunesse et des populations en générale qui dénoncent toujours la mauvaise gouvernance ?
Adama Kanazoé: Je le dis tous les jours aux jeunes, aux femmes du Burkina Faso, mon message est un message d’espoir. Je pense qu’aujourd’hui, effectivement, il y a beaucoup de choses qu’il faut changer encore. Qu’aujourd’hui, la jeunesse ne soit pas satisfaite des choses, pour moi, c’est légitime. Nous en sommes conscients et je pense que c’est dans le travail au quotidien que nous allons arriver à améliorer les choses. Mais je reste convaincu que c’est à travers le changement du personnel politique que les choses vont changer. Je pense vraiment qu’il faut absolument qu’on mette les hommes de l’heure pour régler les problèmes de l’heure. Je pense qu’il y a des hommes qui sont dépassés par les événements qui sont malheureusement encore aux affaires, qui tiennent encore les lévriers, qui sont toujours aux commandes et qui ne peuvent pas constituer des solutions objectives pour régler certains problèmes de la jeunesse burkinabè. C’est pour cela qu’on demande aux jeunes de garder espoir et surtout de s’engager aussi. C’est mon message vis-à-vis des jeunes.
Il faut s’engager parce que, certains ont choisi de rester dans leur confort et de critiquer simplement. C’est une bonne posture mais peut-être qu’à un moment donné, il faut franchir un pas pour pouvoir se positionner là où les décisions se prennent, là où notre sort est joué, peut-être qu’il faut être là-bas pour défendre en amont les choses et ne pas attendre de façon systématique et systémique d’être en aval en train de contester ce qui déjà, malheureusement, s’applique à nous. C’est pour cela que nous nous sommes engagés dans la politique ; c’est pour cela que nous appelons, tous les jours, les jeunes à franchir le pas. Nous avons notre rôle à jouer, nous avons aussi notre destin à prendre en main. Il faut faire le pas, il faut faire confiance aux candidats jeunes. Plus nous serons nombreux dans l’appareil de prise de décisions, plus les décisions vont tendre vers les intérêts de la jeunesse. Mais, tant que nous ne serons pas à ce niveau, je crains fort que nous ne soyons en train de subir malheureusement le diktat de ce que j’appelle la vieille classe politique.
Minute.bf: Que devient aujourd’hui, l’Union pour la Démocratie et le Progrès (UDP) que vous avez présenté à la presse en décembre 2017?
Adama Kanazoé: Il faut dire que l’UDP malheureusement est un peu morte de sa belle mort parce que les partis qui composaient l’union ont eu des problèmes internes. Je parle notamment du cas du RDS qui s’est carrément disloqué avec le successeur du Boussouma qui a créé un autre parti. Le FSS également a eu des soucis… C’est tout cela qui a fait que l’union est morte. Nous sommes en train de penser à d’autres choses. Nous envisageons même des unions plus larges encore au niveau de la gauche politique burkinabè. Il y a d’ailleurs maitre Bénéwindé Sankara qui est en train de créer un manifeste dans ce sens. Un manifeste que, j’espère, pourra toucher toute la sensibilité de la gauche burkinabè pour un rassemblement plus large. Nous ne sommes plus peut-être au stade de cette micro-union mais peut-être que maintenant, l’idée c’est d’aller vers quelque chose de plus important.
Minute.bf: Au Burkina Faso, la question du foncier se pose avec acuité et il y a des gens qui la considèrent comme une bombe à retardement. Il y a de cela quelques jours, entre Zitenga et Ziniaré, la question du foncier a divisé un certain André Ouédraogo et une communauté peule. Vous qui êtes fils de la localité, êtes-vous au courant de cela et si oui, comment l’appréhendez-vous ?
Adama Kanazoé: Nous avons effectivement eu vent de ce qu’il se passe mais avant de parler de cette affaire particulièrement, j’aimerai de façon globale parler de la question du foncier. Je suis d’accord avec vous, c’est une vraie poudrière et je pense que l’Etat gagnerait absolument à se pencher sur cette question. Il est vrai que c’est une question qui est sensible, c’est une question qui peut vous mettre à dos une partie de l’électorat mais, je pense que les questions électoralistes ne doivent pas justifier notre engagement politique. Nous devons être capables d’être des hommes de reformes parce que, ce sont les reformes qui permettent aussi, de façon définitive, de taire certains conflits et de pouvoir amorcer le développement. Si nous continuons de garder certains dossiers comme des boulets au pied du Burkina Faso parce que nous avons peur pour des questions électoralistes, c’est une politique de l’Autruche qui ne peut pas prospérer et qui ne peut pas perdurer.
Il faut régler la question du foncier. Ces non-lotis qui sont autour de Ouagadougou qui, aujourd’hui, constituent de vrais bidonvilles, des zones d’insalubrité terrible, toutes ces questions doivent être réglées. Il ne faut pas avoir peur d’affronter les choses. Je pense que le peuple burkinabè n’est pas sourd. C’est un peuple qui est capable d’entendre raison. Il faut pouvoir s’asseoir avec le peuple et discuter sur certaines questions. Voilà ma posture là-dessus et je souhaite que le gouvernement regarde dans ce sens. Affrontons les dossiers, trouvons des solutions dans cet esprit de dialogue qui est cher aux Burkinabè et avançons.
Sur le cas précis de Zitenga, je pense que c’est une question de justice. Le litige étant jugé, je pense que tous les Burkinabè doivent se soumettre à la justice. Le verdict étant connu, il serait intéressant que force reste à la loi. Maintenant, il y a des recours pour chaque Burkinabè s’il n’est pas d’accord sur un jugement, qu’il peut utiliser pour se faire entendre. Surtout, il faut qu’on évite d’en arriver à des situations dramatiques, des situations d’affrontements. C’est vraiment la pire des choses qui puissent nous arriver. Aujourd’hui nous avons beaucoup de défis en face de nous et nous n’avons pas besoin de nous rentrer là-dedans, ça ne va pas nous aider. Je souhaite une issue pacifique et fraternelle dans ce conflit.
Interview réalisée par Armand Kinda
Minute.bf