Madou (nom d’emprunt), un chauffeur de car de transport en commun, a comparu devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) Ouaga 1 le mardi 23 février 2021. Défaut de maitrise et homicide involontaire sont les chefs d’accusation qui l’ont conduit au tribunal, suite à un accident de circulation qui a causé la mort d’un motocycliste.
Madou est un chauffeur d’une compagnie de transport en commun de la place. Un jour, alors qu’il se rendait à la gare, Madou va faucher pour ne pas dire « écraser », selon le mot du procureur, un motocycliste juste à côté d’un feu tricolore. Mais, que s’est-il réellement passé le jour ?
« Je revenais du garage pour une révision. Arrivé feu qui était vert du côté des voitures, j’ai mis mon clignotant pour tourner. C’est en tournant que j’ai senti quelque chose sous les roues du car. Alors j’ai garé et quand je suis descendu pour vérifier, j’ai constaté que c’est quelqu’un que mon véhicule a emporté », relate le chauffeur, qui précise qu’après cela, il s’est lui-même rendu au commissariat pour porter l’information afin que les constatations d’usages soient faites.
Après cet exposé, au procureur de demander au chauffeur s’il avait un rétroviseur. « Oui ! », acquiesce le mis en cause qui affirme aussi qu’il a pris le soin de regarder si quelqu’un venait ou pas avant de tourner. Ainsi, au procureur d’enchaîner pour savoir de quel côté venait la victime et quelles roues du véhicule l’ont fauchée. « La victime n’est pas venue de devant, elle est venue de mon côté droit comme je l’ai dit, je ne l’ai pas vu venir », a répondu Madou.
Face à ses propos, un parent et témoin de la victime a donné une autre version des faits. « On se suivait, le feu était vert sur la piste des motocyclistes et tout le monde avançait. C’est quand j’ai dépassé le feu que j’ai remarqué que mon frère ne suivait plus et quand je me suis retourné, c’était pour constater le drame », a retracé le témoin.
Si ces deux versions ne se recoupent pas, les faits eux sont tout de même là : un motocycliste a été écrasé par un car.
Ainsi, si le chauffeur affirme qu’il a mis son clignotant, il n’a pas pu rassurer le procureur qu’il a pris le soin de vérifier si quelqu’un venait ou pas avant de tourner. « Il a entrepris de tourner à droite sans s’assurer qu’il n’y avait personne. Il a certes, mis le clignotant, mais le clignotant seul ne suffit pas et il n’a pas su maîtriser son véhicule », s’est convaincu le procureur à la lumière de l’exposé du mis en cause et du rapport de la police. Ainsi, Madou le chauffeur venait d’être reconnu coupable pour défaut de maîtrise.
Aussi, sur le second chef d’accusation, l’homicide involontaire, la culpabilité du chauffeur va encore être reconnue. « Certes, il n’y a pas eu l’intention de tuer mais si on peut lier cette mort à une négligence, une inattention, l’infraction est constituée », a soutenu le procureur pour qui, le chauffeur « a tourné sans prendre la précaution de regarder dans le rétroviseur si quelqu’un venait ou pas ». Et comme le drame est survenu à la suite de cela, il a requis la peine de 18 mois d’emprisonnement dont 6 mois fermes plus une amende d’un million contre Madou.
Une sentence appréciée autrement par les avocats de l’accusé. « Les morts ont toujours raison », a déclaré le premier avocat du chauffeur, qui, se fiant à l’exposé de son client a retenu que « la victime n’a pas respecté le feu ». Precisément sur le défaut de maitrise, « l’infraction n’est pas caractérisée », pense le second avocat de l’accusé, qui a souligné qu’en circulation, « pour peu qu’il y ait un accident, le défaut de maitrise est prononcé », et ce, « quelque soit votre prudence ou votre adresse ». De même, sur l’infraction d’homicide involontaire, les conseils du mis en cause pensent qu’il n’y a pas eu « de maladresse, d’imprudence ou de négligence », car en plus du fait que leur client franchissait le feu pendant qu’il était vert, il a pris le soin de mettre son clignotant. Qu’à cela ne tienne, étant à son premier déboire avec la justice, les avocats de Madou ont plaidé pour que les juges tiennent compte de cela pour rendre leur jugement.
A la fin, les juges ont reconnu Madou le chauffeur coupable des deux chefs d’accusation et l’ont condamné à une amende de 25 000 F CFA avec sursis sur le fait de défaut de maitrise. Sur l’infraction d’homicide involontaire, le chauffeur a écopé de 12 mois d’emprisonnement plus une amende de 300 000 F CFA, le tout assorti de sursis. Les juges ont rappelé au sieur Madou qu’il a 15 jours pour faire appel.
Enfin, il faut noter qu’au même moment, l’assurance de la compagnie de transport et la famille de la victime à l’issue d’une entente s’accordent sur un document d’assurance.
Minute.bf